Eléctions professionnelles Par Said Lamani, expert en droit du travail & des relations professionnelles Les élections professionnelles sont bel et bien en marche! Les listes éléctorales portant signature de l'employeur et celle de l'inspecteur de travail ont été affichées sur les lieux de travail. Des listes éléctorales présentant des salariés âgés de 16 ans révolus, ayant travaillé au moins 6 mois dans l'établissement, et n'ayant encouru aucune condamnation défnitive. Côté recours, toute contestation est inscrite dans le registre des Délégués des salariés dans un délai ne dépassant pas 8 jours après l'affichage des listes électorales, soit entre le 30 avril et le 7 mai. L'employeur de son côté se doit d'y donner suite dans les 10 jours qui suivent l'affichage des listes, soit entre le 30 avril et le 9 mai. Les salariés ont également le droit de former recours contre les listes électorales auprès des tribunaux compétent et ce dans un délai de 10 jours, et donc un droit ouvert du 10 au 17 mai. Les délégués de personnel présenteront leurs candidatures à partir du 18 mai jusqu'au début juin et seront affichées par l'employeur du 2 ou 9 juin pour un scrutin entre le 10 et le 20 juin. En vertu de l'article 433 du code de travail, le législateur fixe Le nombre des délégués des salariés comme suit : 1/ De dix à vingt -cinq salariés : un délégué titulaire et un délégué suppléant ; 2/ De vingt-six à cinquante salariés : deux délégués titulaires et deux délégués suppléants ; 3/ De cinquante et un à cent salariés : trois délégués titulaires et trois délégués suppléant ; 4/ De cent un à deux cent cinquante salariés : cinq délégués titulaires et cinq délégué suppléants ; 5/ De deux cent cinquante et un à cinq cents salariés : sept délégués titulaires et sept délégués suppléants ; 6/ de cinq cent un à mille salariés : neuf délégués titulaires et neuf délégués suppléants ; 7/ Un délégué titulaire et un délégué suppléant s'ajoutent pour chaque tranche supplémentaire de cinq cents salariés. L'article 437 stipule que les délégués des salariés sont élus, d'une part, par les ouvriers et employés, d'autre part, par les cadres et assimilés sans pour autant conférer un caractère obligatoire et limitatif au corps d'électeurs en ouvrant le droit à modification par les conventions collectives de travail ou par les conventions passées entre organisations d'employeurs et de salariés. (En fonction de la spécificité des établissements et la diversité des secteurs professionnels …). Le même article autorise employeurs et salariés à répartir des établissements au sein de l'entreprise, des membres salariés entre les collèges électoraux et les sièges entre les collèges dans le cadre d'un accord, si aucun accord ne peut être trouvé, l'arbitrage est soumis à l'agent chargé de l'inspection du travail. Jusqu'ici, les choses semblent claires et explicites, toutefois, l'interprétation qu'en fait le ministère de l'emploi prête à confusion. Une interprétation selon laquelle, le nombre de candidats et donc des sièges ne devrait pas dépasser ce qui est alloué (et proportionnel) au nombre des salariés de l'entreprise, contrairement aux dispositions de l'article 433. Une nouvelle interprétation qui donne lieu à une règle jamais appliquée auparavant, ni en 2009 ni en 2015 ! L'usage étant que les élections pouvaient avoir lieu dans les filières, agences et succursales dès que le nombre des salariés dépassait 10, ce qui fait aboutir le scrutin à un nombre plus important de délégués que dans la nouvelle configuration. Un rappel aux syndicats que l'application informatique du ministère de l'emploi ne procédera qu'à l'enregistrement du nombre de sièges relatif au nombre total d'employés et que, par conséquent, le nombre de candidats dans les organes ne devrait pas dépasser le nombre de sièges autorisés…Une limite informatique ? Prenons le cas d'une institution de 230 salariés et deux organes électoraux, avec 70 cadres et assimilés, un Comité du personnel et 160 ouvriers, l'application du ministère prend en charge 5 représentants délégués et 5 délégués suppléants. Alors qu'une élection comme d'usage aboutirait sur 8 représentants, avec 3 élus pour les 70 cadres et assimilés et 5 pour les ouvriers.! Aussi, dans certaines institutions, l'employeur et les salariés peuvent convenir, d'un commun accord, de créer plus de deux organes, en raison de la multiplicité des activités nécessitant la présence de représentants par spécialité, hypothétiquement 5 organes électoraux, dépassant le nombre de 10 donneraient lieu à plus de sièges que dans la logique du nombre de représentants proportionnel au nombre total des employés. Tant qu'il n'existe aucune disposition contraire dans ce sens, et tant que le ministère de l'emploi maintient son intérprétation, cela affaiblira considérablement le rôle des délégués du personnel et celui des syndicats les plus représentatifs autant au niveau des institution qu'à l'échelle nationale. Ainsi, l'application du ministère est programmée pour accepter 9 délégués qu'elle attribue à une banque employant , à travers le Royaume quelque 890 salariés. Toutefois, si cette banque dispose de dix agences dans dix villes marocaines avec des salariés répartis comme suit: Casablanca 230 salariés – Rabat 130 salariés – Marrakech 110 salariés – Tanger 90 salariés – Fès 80 salariés – Meknès 70 Ajir – Agadir 60 salariés – Laayoune 50 salariés – Oujda, 40 salariés – Beni Mellal, 30 salariés. Cela suppose, selon l'article 433, que chaque agence dispose du nombre suivant de délégués, à savoir: Casablanca – 5 délégués – Rabat – 5 délégués – Marrakech – 5 délégués – Tanger – 3 délégués – Fès – 3 délégués – Meknès – 3 délégués – Agadir – 3 délégués – Laayoune deux délégués – Djeddah deux délégués – Beni Mellal deux délégués. Bien loin du résultat de la nouvelle intérprétation du ministère de l'emploi et qui autorise 9 inscrits, cette structure aurait 33 délégués et 33 délégués suppléants! Il est donc évient que les résultats de scrutins se trouveraient biaisés si le ministère de l'emploi maintient cette lecture biaisée de l'article 433 et constiuerait une atteinte à la représentativité des salariés pour plusieurs raisons: 1/ L'élargissement du nombre de délégués ne présente acune violation ded dispositions du Code de Travail; 2/ Un plus grand nombre de délégués permet de soutenir un dialogue régulier et éviter le cumul problèmes quotidiens des établissements. 3/ L'article 433 ne limite en aucun cas le nombre des délégués et insiste dans sa formulation sur le principe de la volonté commune entre les parties dans le processus électoral. 4/ Dailleurs, relativement au point précédent, les sanctions prévues par l'article 462 relatives à la matière sont limitatives et concernent les infractions suivantes: * Le défaut d'établissement et d'affichage par l'employeur des listes électorales ; * Le défaut de mise du registre des réclamations à la disposition des électeurs ; * Le non-respect des dates ou des modalités d'organisation des élections ; * Le défaut de mise à la disposition des délégués du local destiné aux réunions * Le non-respect des dispositions de l'article 456 concernant le temps à laisser aux délégués pour l'exercice de leurs fonctions ; * Le refus de recevoir les délégués des salariés ; * L'atteinte ou la tentative d'atteinte à la liberté de vote des délégués des salariés ; * Le défaut d'organisation d'élections partielles ; * Le non-respect des mesures disciplinaires des délégués de personnel ; * Le défaut de tenue du registre spécial des délégués de personnel ; * Le non-respect des dates ou des modalités d'organisation des élections. 5/ L'article 433 édicte et exige l'élection de délégué pour établissement de plus de 10 salariés. 6/ L'article 437 autorise employeur et salariés à modifier par convention collective le nombre et la composition des collèges électoraux ; 7/ Les articles relatifs auux éléctions fait mention d'établissements et non d'entreprsise, ce qui a été repris dans plusieurs articles du code de travail, à savoir: 430- 434- 437-438- 439-443- 445-451 8- Bien au contraire, le Code du travail a explicité les tâches des délégués des salariés avec une grande fluidité en les explicitant ce qui ne saurait donner lieu à aucune mauvaise interprétatuion : – Les délégués des salariés peuvent afficher les avis qu'ils ont pour rôle de porter à la connaissance ………… l'employeur et aux points d'accès au lieu de travail. (article 455). – … quinze heures par mois et par délégué, à l'intérieur et à l'extérieur de l'établissement, le temps nécessaire à l'exercice de leurs fonctions ; ce temps leur est payé comme temps de travail effectif. (article 456). – L'employeur reçoit les délégués des salariés collectivement individuellement par au moins une fois par mois (article 460). – Le registre doit être tenu pendant un jour ouvrable par quinzaine et en dehors des heures de travail, à la disposition des salariés de l'établissement (article 461). Le legislateur a minutieusement spécifié les tâches qui incombent au délégué du personnel dans l'établissement et qui sont quotidiennes, (Son horaire, sa réunion mensuelle avec l'employeur ou son représentant, les requêtes individuelles des salariés…. Et d'ailleurs, le législateur évoque Les comités de sécurité et d'hygiène dans son article 336 ainsi le comité de sécurité et de préservation de la santé (article 336) ainsi que du comité de l'entreprise dans son article 464, il convient de noter deux observations principales : D'abord, que le comité de santé se réunit tous les trois mois et le comité de l'entreprise tous les six mois. Le deuxième constat est que les membres des deux commissions sont élus par tous les délégués de salariés. 9/ Ceci étant, il convient de se référer à l'article 11 du Code du travail qui dispose : « Les dispositions de la présente loi ne font pas obstacle à l'application de dispositions plus favorables consenties aux salariés par les statuts, le contrat de travail, la convention collective de travail, le règlement intérieur ou les usages » autorisant clairement et franchement toute mesure ou décision considérée avantageuse pour les salariés, y compris, les instances représentatives des salariés. Il est plus sage, pour éviter tout dérapage, de se maintenir aux pratiques d'usage en matière d'élections professionnelles et de capitaliser sur l'expérience passée des syndicats et salariés. Les délégués de personnel représentent un facteur clé du partenariat social, positif et ouvert. Il est judicieux de réfléchir à l'élargissement de la représentation des employés pour assurer une présence directe proche et quotidienne de la majorité des employés. Enfin, rien ne justifie aujourd'hui l'abolition du coutumier non contraire aux dispositions du code de travail et qui reste garant d'une paix sociale. Il s'agit plutôt d'encourager la culture d'entreprises citoyennes, socialement responsables d'une part, et des syndicats et salariés comme force propositionnelle et partenaire social. Il nous semble qu'au lieu d'instituer des mécanismes tendant à réduire le nombre de représentativité des salariés au niveau national, il serait plus approprié d'intensifier les efforts pour contraindre les entreprises qui n'organisent pas les élections professionnelles, et qui refusent la présence de toute représentation salariale dans leurs établissements par un fin suivi et l'application des dispositions de l'article 463 à leur encontre au moins en haut de chaque mois. Côté Syndicat, il est nécessaire de veiller à la formation continue des délégués des délégués de salariés, avec des programmes de formation en droit du travail, de communication, de ressources humaines et de qualité, afin qu'ils puissent exercer au mieux leur rôle. Les deux parties de la relation de travail se doivent de promouvoir et d'élever leur relation, car elles ne sont pas fatalement des adversaires sociaux absolus, mais plutôt des partenaires sociaux, surtout à la lumière de la mondialisation et de la concurrence