Les élections des délégués dU personnel, qui doivent se dérouler entre le 13 et le 19 mai prochain, ont cette fois-ci une importance particulière, puisqu'elles seront les premières depuis l'entrée en vigueur de la loi 65-99 formant le Code du travail. Le point sur la question avec M'hamed El Fekak, avocat au Barreau de Casablanca. Challenge Hebdo : pourquoi ces élections sont-elles si importantes ? M'hamed El Fekak : d'abord parce que le secteur agricole sera pour la première fois concerné autant que les autres secteurs, puis, parce que la représentativité des syndicats dépend de ces élections. En effet, le comité d'entreprise, par exemple, institué au sein de chaque société dont le nombre d'effectif dépasse 50 salariés, est constitué, entre autres, de délégués du personnel élus par les délégués du personnel de l'entreprise. Le bureau syndical, constitué auprès des entreprises ou établissements qui occupent plus de 100 salariés et où il existe plusieurs syndicats, est composé par un ou plusieurs membres désignés par le syndicat le plus représentatif ayant obtenu le plus grand nombre de voix de ces élections. Pour déterminer l'organisation syndicale la plus représentative au niveau de l'entreprise, le syndicat doit obtenir, au moins, 35% du nombre des délégués des salariés élus au niveau de l'entreprise ou de l'établissement. Enfin, ces élections permettront de déterminer la représentativité des syndicats autorisés à participer aux négociations collectives (au niveau de l'entreprise, du secteur et du national), aux différentes réunions du dialogue social. Elles permettront également de déterminer la représentativité des syndicats au niveau des institutions nationales (chambre des conseillers, conseils régionaux) et des différentes commissions régionales ou nationales C. H. : comment ces élections sont-elles organisées ? M. E. : les salariés d'un établissement sont divisés en deux catégories, ouvriers et employés d'une part, cadres et assimilés, d'autre part. La répartition des membres salariés dans les collèges électoraux et la répartition des sièges entre les collèges sont fixées d'un commun accord entre l'employeur et les salariés. Si un accord ne peut être réalisé, l'agent chargé de l'inspection du travail est, d'office, constitué comme arbitre ayant pour mission de prendre la décision adéquate. Les électeurs sont les salariés âgés de 16 ans et plus, ayant travaillé dans l'entreprise, sans interruption, depuis 6 mois et n'ayant encouru, sous réserve de réhabilitation, aucune condamnation irrévocable. Les éligibles sont les salariés marocains âgés de 20 ans et plus, ayant travaillé dans l'entreprise, sans interruption, depuis un an au moins et qui ne sont pas ascendant, descendant, frère ou allié au même degré du chef d'entreprise ou d'établissement. C. H. : qui fixe le calendrier des élections ? M. E. : l'initiative des élections incombe à l'employeur, celui-ci est tenu d'établir les listes électorales selon les modalités et aux dates fixées par l'autorité chargée du travail. Les listes sont affichées dans les mêmes conditions. Le salarié non-inscrit sur les listes peut demander son inscription dans un délai de 8 jours qui suit l'affichage, il peut, s'il est déjà inscrit, réclamer dans le même délai, soit l'inscription d'un électeur omis, soit la radiation d'une personne indûment inscrite. Ces réclamations se font sur un registre tenu à la disposition des électeurs par l'employeur. Celui-ci dispose d'un délai de 10 jours à compter de l'affichage des listes électorales pour indiquer sur le même registre la suite réservée aux réclamations. Tout salarié a le droit de former un recours contre les listes électorales, dans un délai de 8 jours commençant à courir dès l'expiration du délai de 10 jours accordé ci-dessus à l'employeur. Il est effectué auprès de l'employeur, le dépôt des listes de candidatures aux fonctions de délégués titulaires et de délégués suppléants, selon les modalités fixées par l'autorité chargée du travail. C. H. : qui a le droit de vérifier les listes ? M. E. : une commission dite «commission électorale» est instituée dans l'entreprise ou l'établissement, composée du chef d'entreprise et d'un représentant de chaque liste. Cette commission, présidée par l'employeur, est chargée de vérifier les listes de candidatures. Elle désigne, en outre, les membres de bureaux de vote et leur remet les listes électorales. Les listes des candidats aux fonctions de délégués sont affichées. C. H. : les candidats ont-ils le droit de mener une campagne électorale ? M. E. : les démarches faites par les candidats et leurs sympathisants, bien que non prévues par le Code, doivent respecter les principes généraux de droit électoral. La propagande électorale peut s'exercer par affichage, la diffusion d'un tract, le jour même du scrutin n'est pas illicite dès lors que ce tract ne contient aucune mise en cause des candidats concurrents. C. H. : qui assure les moyens matériels de vote ? M. E. : l'employeur doit mettre à la disposition des électeurs les moyens matériels pour voter, il a la charge de la fourniture et de l'impression des bulletins de vote et enveloppes, les bulletins sont établis par liste de candidats et non par candidat. L'employeur doit permettre aux électeurs d'avoir la possibilité de s'isoler avant de voter, l'installation d'isoloirs n'est pas nécessaire si le secret est assuré autrement. Les bulletins sont déposés sous enveloppes dans les urnes distinctes pour les titulaires et les suppléants. C. H. : qui contrôle ces élections ? M. E. : le contrôle du bon déroulement des élections est effectué généralement par le bureau de vote. Celui-ci est constitué dans chaque collège, il veille à la régularité des opérations électorales, procède au dépouillement de scrutin, proclame les résultats et dresse le procès-verbal des élections. C. H. : quel est le mode de scrutin ? M. E. : les élections des délégués du personnel se font au scrutin de liste à deux tours avec représentation proportionnelle à la plus forte moyenne. Il est procédé à des votes séparés pour les titulaires et les suppléants dans chaque collège. On ne doit tenir compte du premier tour de scrutin que si le quorum est atteint, c'est-à-dire, si le nombre des votants est au moins égal à la moitié des électeurs inscrits. Le nombre de votants est égal à celui des suffrages valablement exprimés. Les bulletins blancs ou nuls sont exclus. A défaut, un second tour doit être organisé dans un délai de 10 jours à dater du premier tour, ces résultats sont alors valablement acquis quel que soit le nombre des votants. Les résultats des élections sont proclamés par le bureau de vote qui indique nominativement les élus avec le nombre de voix obtenues. Le bureau de vote dresse le procès-verbal des élections et une copie est adressée à l'Inspecteur du travail. C. H. : peut-on contester les résultats ? M. E. : les recours relatifs à l'électorat et à la régularité des opérations électorales sont formés devant le tribunal de 1ère instance du lieu des élections, dans les 8 jours qui suivent la proclamation du résultat des élections, le tribunal doit statuer dans les 15 jours de sa saisine. Le jugement ayant statué sur ce recours ne peut faire l'objet que d'un pourvoi en cassation. N.B. : dans une prochaine édition, nous reviendrons avec Me M'hamed El Fekak sur le sujet avec une question essentielle : à quoi servent les délégués du personnel ?