Avec un film en lice pour la 46è cérémonie des César, prévue le 12 mars prochain, Sofia Alaoui s'est distinguée par un style exhibant la pureté de ses personnages et d'un genre qui mêle le fantastique au réel. Découvert à l'occasion de festivals nationaux et internationaux, le film « Qu'importe si les bêtes meurent » de Sofia Alaoui a remporté plusieurs prix, notamment le Prix Sens Critique du meilleur court-métrage et le Grand Prix du jury au festival de Sundance 2020. Après quatre courts-métrages et plusieurs autres auto-produits, son talent de mise en scène se révèle au grand jour avec « Qu'importe si les bêtes meurent », fruit d'une riche culture marocaine multiséculaire dont l'authenticité se reflète par un dialogue en Amazigh, mélangé à la splendeur des paysages du Haut-Atlas. Revisitant un style cinématographique propre au folklore américain, Sofia Alaoui a gardé toute l'originalité de ses racines marocaines, en choisissant de tourner son court-métrage à Imilchil dans le Haut-Atlas pour mettre en avant la sensibilité naturelle de cette région, avec des scènes éclairées naturellement ou à la bougie. Cette jeune Casablancaise, fan de cinéma international, notamment celui de Bong Joon-ho, de Lars von Trier et de Denis Villeneuve, rivalise par son récit fantastique avec le cinéma hollywoodien, tout en gardant les éléments propres d'un patrimoine marocain multiculturel et surtout pluriséculaire. « Après mes études de cinéma à Paris, j'ai vite compris que la réussite dans ce monde passait avant tout par mon évolution sur le terrain », a-t-elle confié à la MAP, soulignant que « seule l'envie de se dresser et de surmonter les obstacles et les entraves compte vraiment ». Agrippée à sa caméra depuis sa tendre jeunesse, elle explorait le monde d'un œil artistique. « Ma passion du métier est née de ma soif et de ma curiosité à connaître l'autre et le comprendre, pour ensuite laisser libre court à mon expression à travers le cinéma », a-t-elle expliqué. Concernant le titre de son court-métrage, « Qu'importe si les bêtes meurent », Sofia Alaoui indique que c'est un jeu de mots qui met en avant « l'insignifiance des choses quotidiennes face à l'arrivée d'un événement plus important ». C'est une parabole sur la nature humaine qui en dit long sur la perception humaine de l'altérité. Sur la question de la place de la femme dans le secteur cinématographique, elle relève qu'il existe un rapport de forces, sous-jacent, entre les deux gents. « Je crois que ce genre de confrontation n'est pas réduit au monde du cinéma, mais plutôt au niveau de tous les secteurs professionnels ». Exprimant sa fierté d'être sélectionnée aux César 2021, Sofia Alaoui espère voir en ces distinctions « une forme d'encouragement pour les jeunes, femmes et hommes, à croire en eux et en leurs rêves ». « C'est possible de faire un cinéma différent, un cinéma de Femme, qui soit à la fois international et surtout très très marocain », a-t-elle dit. Son regard de Femme se révèle dans son court-métrage à travers son personnage Itto, une femme forte et courageuse qui, à l'opposé des hommes du village, a aperçu l'arrivée de cette mystérieuse forme de vie comme une bénédiction, choisissant la voie de la liberté au lieu de se réfugier dans la peur. « Aujourd'hui, il y a un fort besoin de voir émerger de nouveaux modèles féminins, et munir la caméra d'un nouveau regard, plus nourrissant et d'une approche féminine plus forte, cassant ce regard porté sur la femme comme objet de désir », a-t-elle préconisé. Plus qu'un symbole, le 8 mars est une occasion pour cesser les stéréotypes du genre et libérer la femme d'une manière agissante. « Il existe une forte pression exercée sur la femme, afin de correspondre à des modèles bien précis, qui est le résultat d'une modernité d'apparence », a-t-elle rétorqué à cet effet. Evoquant la période du confinement sanitaire, un moment d'usure de l'âme propre, Sofia Alaoui estime qu'elle en a profité en résidence d'écriture forcée pour écrire son prochain long-métrage, une adaptation de sa dernière fiction.