Lançant leurs campagnes de vaccination en grande pompe et avec bon espoir d'en finir rapidement avec la pandémie de coronavirus, les Etats membres de l'Union européenne se retrouvent stoppés net dans leur élan par les retards de livraison des vaccins qui font monter l'inquiétude et l'exaspération dans le vieux continent. Depuis quelques jours, les mauvaises nouvelles s'enchaînent pour les pays de l'UE qui, en raison des retards dans la fourniture des vaccins, voient leurs calendriers vaccinaux menacés tandis que les nouveaux variants du virus continuent de se propager laissant craindre une nouvelle vague épidémique encore plus virulente. Après l'annonce par l'alliance germano-américaine BioNTech/Pfizer qu'elle n'allait pas être en mesure de fournir à temps les quantités hebdomadaires auxquelles elle s'était engagée, le retard de livraison prévu pour le vaccin d'AstraZeneca fait grincer des dents. Ce vaccin dont l'approbation par l'Agence européenne des médicaments est attendue pour vendredi, fait face à une "baisse de rendement" sur un site de fabrication, affirme le laboratoire britanno-suédois pour justifier que les livraisons de son vaccin en Europe seraient moins importantes que prévu au premier trimestre 2021. Toutefois, cet argument ne semble pas avoir convaincu la commissaire européenne à la Santé, Stella Kyriakides, qui a qualifié "d'inacceptable" l'intention d'AstraZeneca de livrer, dans les prochaines semaines, "nettement moins de doses du vaccin que ce qui avait été convenu et annoncé". Soulignant que l'UE a préfinancé le développement et la production de ce vaccin, la commissaire européenne a insisté que l'Union "souhaite savoir avec précision quelles doses ont été produites jusqu'à présent par AstraZeneca et à quel endroit exactement". Tout en exigeant que les doses commandées et préfinancées soient livrées le plus tôt possible, Mme Kyriakides a, par ailleurs, relevé que la Commission européenne a proposé la mise en place d'un mécanisme de transparence des exportations des vaccins. Même si la Commission européenne a commandé 600 millions de doses du vaccin BioNTech/Pfizer et 400 millions de doses du vaccin d'AstraZeneca, la livraison au compte-goutte et qui plus est, avec du retard, risque de mettre à mal les calendriers de vaccination des Etats membres éprouvés par des restrictions sanitaires qui durent depuis plusieurs mois. Inquiète de ces retards annoncés de façon inopinée, la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, a haussé le ton mardi face aux laboratoires pharmaceutiques, les appelant à tenir leurs promesses et à honorer leurs obligations. Lors d'une intervention au Forum économique mondial de Davos, elle a rappelé que l'Europe a investi des milliards "pour aider à développer les premiers vaccins anti-Covid19 et créer un bien commun mondial". Même son de cloche pour le président du Conseil européen, Charles Michel, qui n'a pas fait dans la dentelle pour exprimer son mécontentement face à cette situation, affirmant que "tous les moyens juridiques seront utilisés" pour obtenir de la transparence des laboratoires pharmaceutiques. "Nous entendons faire respecter les contrats signés par l'industrie pharmaceutique", a-t-il insisté sur l'antenne d'Europe 1. L'incertitude autour des délais de livraison des vaccins a également provoqué l'ire des gouvernements des Etats membres qui soulignent l'impératif de clarifier la situation avec les entreprises pharmaceutiques. Ainsi, le gouvernement allemand, tout en déplorant "une communication inattendue et de très court terme", a demandé à la Commission européenne, des garanties de clarté et de sécurité pour la suite du processus. Pour leur part, les ministres de la santé du Danemark, d'Estonie, de Finlande, de Lituanie, de Lettonie et de Suède ont dénoncé dans une lettre commune une situation "inacceptable" portant préjudice à la "crédibilité du processus de vaccination". Le gouvernement italien est allé encore plus loin en disant envisager des poursuites judiciaires contre Pfizer et AstraZeneca s'ils ne respectaient pas les délais et la quantité de doses de vaccin convenue. En raison des retards de fourniture des vaccins annoncés, l'Italie ne devrait recevoir que 3,4 millions de doses au cours du premier trimestre au lieu de 8 millions. Pour ce qui est de la Belgique, elle ne devrait recevoir que 650.000 doses du nouveau vaccin AstraZeneca au cours du premier trimestre de 2021, au lieu des 1,5 millions de doses prévues par le contrat. Les retards de livraison des vaccins ont bousculé le calendrier vaccinal du plat pays qui a dû reporter les vaccinations du personnel hospitalier. S'agissant de la Lituanie, elle estime à 80% la réduction des doses de vaccins AstraZeneca qu'elle attendait pour le premier trimestre. Alors que la pandémie ne connait toujours pas de répit en Europe, les Etats membres de l'UE se retrouvent face au défi des retards de livraison des vaccins et aux doutes grandissants quant à la faisabilité de l'objectif de vacciner 70% de la population adulte d'ici l'été.