Si l'Ethiopie, véritable mosaïque ethnique, a été soumise, pendant près de 30 années à un régime autocratique, la politique d'ouverture et l'accélération des réformes démocratiques initiée, par Abiy Ahmed, lors de son arrivée au pouvoir en 2018, ont donné lieu à un relâchement du contrôle de l'Etat sur les rivalités régionales ; ce qui a provoqué le réveil des vieux différends communautaires et des anciennes ambitions territoriales à telle enseigne que le pays se trouve, depuis lors, aux prises avec des flambées régulières de violence. Un communiqué de la Commission Ethiopienne des Droits de l'Homme (EHRC), en date de jeudi dernier, rappelant que ladite Commission avait déjà souligné «la particulière gravité et la répétition des attaques dans la région» a révélé qu'une attaque aurait eu lieu, dans la région de Benishangul-Gumuz, «aux premières heures du 23 décembre 2020» et qu'elle aurait fait 207 morts. Organisme indépendant rattaché au gouvernement d'Addis-Abeba, la commission précitée assiste le pouvoir central dans l'identification des victimes. Réclamant, par ailleurs, une «aide humanitaire d'urgence», elle déplore le fait que plus de 10.000 résidents de la localité de Bekuji-Kebele marchent vers Bulen; une des principales villes de la région ayant déjà accueilli plusieurs milliers de «déplacés». Ainsi, si l'on en croit un témoin oculaire, «la ville de Bulen est submergée» et les routes qui y mènent ont été prises d'assaut par les déplacés et leur bétail. L'attaque de ce mercredi qui a fait suite à la série meurtrière qu'a connue, ces derniers mois, cette zone peuplée principalement d'«oromos» et d'«amharas» – les deux ethnies les plus importantes d'Ethiopie – outre des «shinashas» dans une moindre mesure, aurait été perpétrée par des «gumuz», selon le communiqué de ladite Commission. Elle serait donc, incontestablement, motivée par des considérations ethniques et n'aurait, en conséquence, aucun lien avec les opérations militaires que mène, depuis le 4 novembre dernier, l'armée fédérale éthiopienne contre les autorités dissidentes de la région du Tigré au nord de l'Ethiopie et qui ont poussé plus de 20.000 personnes à fuir vers le Soudan. Mais, en qualifiant cette nouvelle agression de «tragédie», le Premier ministre Abiy Ahmed qui avait attribué les violences et les «assassinats ciblés» ayant eu lieu, dans cette zone, en Octobre dernier, à des combattants armés et entraînés dans l'Etat voisin soudanais du «Nil Bleu» a imputé, à Khartoum, la responsabilité de l'assaut de ce mercredi et déclaré qu'il aurait été perpétré dans le but évident «d'éparpiller l'importante force» mobilisée dans le cadre de l'opération militaire en cours au Tigré. En conséquence, le Premier ministre éthiopien a appelé les dirigeants soudanais à bien vouloir régler ce problème. Enfin, si rien n'indique, pour l'heure, que le Soudan soit réellement derrière ce regain de tension en terre éthiopienne mais que tout porte à croire que ces violences seraient plutôt animées par des considérations d'ordre ethnique et communautaire, attendons pour voir...