Nabil El Bousaadi Les bulletins d'information relayés, ces derniers temps, par les médias du monde entier évoquent une guerre que fort peu connaissent ; à savoir, la guerre du Tigré, un conflit armé opposant le gouvernement fédéral éthiopien au gouvernement régional du Tigré. Pour l'histoire, après avoir été dirigée, pendant des décennies, par la coalition du Front Démocratique Révolutionnaire du Peuple Ethiopien (FDRPE) au sein de laquelle la minorité tigréenne constituant 6% de la population totale du pays possédait une part importante du pouvoir, l'Ethiopie est devenue, avec l'entrée en vigueur de la Constitution de 1994, un Etat fédéral divisé en régions établies sur des bases ethniques. Or, l'hégémonie « tigréenne », principalement marquée sous les mandats du Premier ministre Meles Zenawi qui a dirigé le pays de 1995 jusqu'à sa mort en 2012, va être fermement dénoncée après la disparition de ce dernier et donner lieu, dès le début de l'année 2018, à une importante agitation sociale et politique qui conduira à la démission du Premier ministre Hailé Mariam Dessalegn et au report des élections municipales prévues au mois d'Avril. Aussi, pour répondre à la vacance du pouvoir et calmer la contestation, le Front Démocratique Révolutionnaire du Peuple Ethiopien va nommer comme Premier ministre, Abiy Ahmed, un oromo, qui va très vite lancer un ambitieux programme de réformes incluant notamment la libération des dissidents, l'ouverture de l'espace démocratique et, bien entendu, la paix avec le voisin érythréen. Sur sa lancée, le nouvel homme fort du pays va s'atteler à faire du FDRPE une structure nationale centralisée comprenant quatre partis ethno-régionaux implantés indépendamment les uns des autres dans les différentes régions des Oromos, ethnie la plus importante d'Ethiopie, des Amharas, des Tigréens et des peuples du Sud. Mais si toutes ces initiatives en direction de la concorde et de la paix vaudront, à leur initiateur, le Prix Nobel de la Paix 2019, le rapprochement avec l'Erythrée va, néanmoins, constituer une source de tensions dans la mesure où la région du Tigré, qui délimite une grande partie de la frontière et qui a « abrité » les affrontements entre les deux pays, est revendiquée par les uns et par les autres. Le Front de Libération du Peuple du Tigré (FLPT), qui dirige seul la région du Tigré, va, alors, saisir cette occasion pour accuser le Premier ministre d'avoir délibérément marginalisé la minorité tigréenne et pour se positionner, en conséquence, dans l'opposition, dès 2018. Voilà pour l'histoire mais qu'en est-il aujourd'hui ? En considérant que la volonté du Premier ministre de mettre fin au système politique ethnocentré en vigueur depuis 1994, avait provoqué l'affaiblissement de la position de l'ethnie tigréenne, le FLPT avait refusé son intégration politique au sein du Parti de la Prospérité d'Abiy Ahmed avant d'entrer en rébellion ouverte avec le pouvoir central, en Novembre 2020. Or, si aux dires d'Abiy Ahmed, les troupes fédérales se sont emparées, ce samedi, de Mekele, la capitale de la région rebelle et marqué, ainsi, l'accomplissement de la « phase finale » de l'opération militaire contre le FLPT, force est de reconnaître que ces propos sont difficilement vérifiables du fait du black-out imposé par le pouvoir central sur la région du Tigré puisque toutes les communications y ont été coupées et que l'accès des journalistes y a même été interdit. Quoiqu'il en soit, ce qui reste sûr c'est que le feu couvait depuis des mois entre le Premier ministre accusé d'avoir « rogné les prérogatives » du tout puissant FLPT et les autorités régionales du Tigré qui en sont même arrivés à organiser leurs élections en Septembre dernier. La guerre entre le gouvernement fédéral éthiopien et le gouvernement régional du Tigré est-elle bel et bien terminée comme veut bien le laisser croire Abyi Ahmed ou alors l'Ethiopie serait-elle sur le point de basculer dans une lutte de guérilla à laquelle sembleraient se préparer ces dizaines de milliers de combattants aguerris du FLPT ? Attendons pour voir...