Entretien avec Abdelkader Retnani, Vice-Président de la FICC Propos recueillis par Mohamed Nait Youssef Les professionnels du secteur des industries culturelles, créatives (ICC) courent contre la montre pour sauver leur secteur touché par la crise sanitaire. Dans cette optique, la Fédération des industries culturelles et créatives (FICC) de la CGEM propose des mesures d'urgence pour sauver les 100.000 emplois menacés par la crise due au Covid-19. Par ailleurs, la FICC a estimé l'impact économique de cette crise sur le secteur à 2 milliards de dirhams. «Tous les secteurs sont touchés. C'est une véritable catastrophe nationale comme c'est le cas pour d'autres domaines d'activité », nous confie Abdelkader Retnani, Vice-Président de la FICC, dans cette interview accordée à Al Bayane. Ainsi, la FICC n'a pas laissé cette crise passer inaperçue en appelant à accélérer la réforme du secteur des industries culturelles, créatives (ICC). Al Bayane : La FICC de la CGEM a estimé l'impact économique de la crise du COVID-19 sur le secteur à 2 milliards de dirhams. Sur la base de quels critères avez-vous déduit un tel chiffre? Abdelkader Retnani : Depuis le mois de mars et l'instauration de l'état d'urgence, la FICC a contacté l'ensemble des filières du secteur afin de leur demander d'estimer l'impact de la crise sur leurs activités. Nous avons compilé ces données et avons obtenu ce chiffre de 2 milliards de dirhams. Quels sont les secteurs artistiques et culturels les plus touchés par la pandémie? Tous les secteurs sont touchés. C'est une véritable catastrophe nationale comme c'est le cas pour d'autres domaines d'activité. Sauf que ces derniers (comme le tourisme, l'automobile, l'aviation) sont davantage pris en considération par le gouvernement, et autres secteurs. Cependant, les autres seront beaucoup plus pris en considération. C'est une habitude et je ne fais qu'énoncer un constat bien connu : malheureusement, la culture n'a jamais été une priorité dans notre pays. Comment évaluez-vous la gestion de la chose culturelle et artistique par le Ministère de tutelle pendant la crise sanitaire? Depuis l'avènement du nouveau ministre, les choses se déroulent mieux. Pour notre part, nous avons tenu trois réunions avec Monsieur le Ministre Othman El Ferdaous et ses collaborateurs ; et ce, en veillant aux respects des règles de distanciation physique et en portant des masques. Ces rencontres nous ont permis de lui communiquer un ensemble d'informations liées au secteur et d'échanger quant à la prochaine relance nécessaire. Nous sommes conscients que tout dépend de la situation sanitaire et de l'évolution de l'épidémie mais nous avons confiance dans cette nomination. Il va sans dire que cette crise inédite a mis à nu l'ensemble du secteur des industries culturelles, créatives ICC dont le grand nombre des métiers et des activités souffrent de l'informel. D'après vous, est-il temps pour structurer le secteur? C'est effectivement l'occasion propice pour revoir tout le secteur. Cela nous permettra de nous organiser afin de professionnaliser plusieurs activités. De plus, cette pause a été très instructive car elle nous a permis de mettre en lumière les fragilités dont nous avions peut-être conscience mais qui deviennent prioritaires en ce moment. Comme vous le savez, le secteur artistique et culturel, qui vit depuis des années entre vents et marées, a été souvent proie d'un manque d'une vision claire, efficace et efficiente. Pensez-vous que le secteur des industries culturelles, créatives a besoin plus que jamais d'une volonté politique et d'une stratégie nationale? Mettre en place cette stratégie nationale, tant attendue, peut se faire. Cela implique la fédération de l'ensemble des filières et des parties prenantes du secteur culturel. Avec de la volonté politique et un ministre à la vision moderne, nous pouvons mettre en œuvre de nouvelles idées et rebondir pour faire avancer le secteur dans le bon sens. Vous dites dans votre communiqué de presse que «100 000 emplois ont été directement impactés par la pandémie et environ 1100 entreprises ont accusé 70% de baisse de leur chiffre d'affaires en moyenne». Quelles sont vos propositions pour booster les industries culturelles et créatives? Les propositions sont clairement mentionnées dans la lettre envoyée au gouvernement et au ministre de la Culture. Le secteur des ICC est un secteur transversal. Au Maroc, peut-on parler d'une vraie industrie culturelle? Oui, il y a une vraie industrie culturelle. Elle pourrait être renforcée et mieux structurée grâce à ses hommes et à ses femmes qui sont animés par la passion et l'amour de la culture. Heureusement, nous en comptons beaucoup dans notre pays. A votre avis, quel avenir pour le secteur culturel et artistique après la crise? Avant tout, et comme déjà évoqué, il s'agit de restructurer le secteur. Puis, il est temps de créer un véritable socle basé sur du concret; notamment en capitalisant sur les recommandations des premières «Assises des Industries Culturelles et Créatives» qui se sont déroulées en octobre 2019 à Rabat sous le Haut Patronage de Sa Majesté le Roi Mohammed VI qui a, à plusieurs reprises, manifesté son intérêt pour ce secteur si vital pour nous. **** La Fédération des industries culturelles et créatives (FICC) de la CGEM propose 34 mesures qu'elle a estimé d'urgence, transversales ou par filière, afin de préserver les emplois et assurer la relance du secteur des ICC, entre autres l'exonération des entreprises pendant 6 mois des charges liées à l'IR, la CNSS et l'AMO de juin à décembre 2020, pour préserver les revenus des salariés du secteur , la création d'un fonds spécial d'urgence et de rebond pour soutenir les professionnels du secteur et la création toutes filières confondues, l' incitation des régions et collectivités territoriales à engager rapidement les budgets dédiés aux activités culturelles et créatives de l'année 2020, l' accompagnement des porteurs de projets pour la reprogrammation des événements reportés ou annulés à cause de la crise du COVID-19 et mise en place d'un calendrier événementiel adapté aux conditions de déconfinement. A cela s'ajoute, l'accélération de la modernisation du secteur par : l'adoption des textes législatifs qui doivent voir le jour (contrat artiste, loi BMDA, extension de l'AMO aux professionnels…), l'amélioration des procès d'attribution des cartes d'artistes, le développement des plateformes digitalisées pour la diffusion des créations et productions culturelles ainsi que l'engagement d'un programme de formation professionnelle.