Le Maroc a déclaré le confinement sanitaire et s'est inscrit en véritable pivot de la politique de santé africaine. Félicité par l'OMS, exemplaire pour certains pays européens, vecteur d'une vision humaniste et sociale et non financière inhumaine, il a relégué son économie au second plan et s'inscrit actuellement comme locomotive africaine sanitaire. Mais pas seulement. Les Marocains se sont inscrits dans un confinement salutaire dans un moment de carrefour social statique, de recherche de projection et de vision pour la jeunesse et d'identification immature contradictoire. Un confinement salutaire car nous projetant tous, pas seulement les Marocains, dans un apprentissage de la frustration et dans un démarquage des priorités, nous nous retrouvons tous dans une sorte d'hospitalisation psychiatrique à ciel ouvert ou une maison de redressement à l'ancienne pour une réelle traversée du désert, et qui sait ? un retour sur soi pour certains ou au moins une gestion de la frustration et une once de solidarité communautaire pour d'autres. D'ailleurs, si nous revenons dans notre vie d'antan, antan étant de vigueur, puisque le virus confinant nous a fait traverser des décennies en quelques semaines, nous procédions par groupes mornes dès 7h du matin à une vie coordonnée et rythmée par le travail, la famille et les loisirs inscrits dans l'ordre préétabli par le pivot de la société actuelle. Un mode pilote automatique effréné où la liste des tâches n'en finit point puisqu'un homme sans taches est un homme dont le temps est libre, or liberté et vide sont en inadéquation pour les Dupont reproduits que nous sommes. Le vide ou plutôt la liberté de la vacuité non comblée prône la possibilité d'introspection, de retour sur la conscience de soi et de ses actes, de reprendre le lead sur la tache conditionnée, et peut-être sortir de ce désert du confiné, grandi, muri et surhomme dans le sens du développement de la fibre humanitaire refoulée depuis plus d'un siècle dans notre génome d'hommes pseudos modernes. Le virus mortel apporte un nouveau souffle sur la terre, un souffle qui n'enrichit guère et qui nie les disparités socio-économiques, un souffle premier avec toute sa symbolique de virus à tropisme respiratoire, un souffle nouveau pour une humanité retrouvée qui se décalque à travers les prémices d'une solidarité affirmée qui se tisse malgré le cloisonnement en vigueur. Cette lecture pourrait dénoter un nouveau rituel de passage avec un réel apprentissage de gestion des émotions et de la frustration, avec une maturité de projection qui pourrait inscrire la jeunesse marocaine dans une constructivité réelle avec des élans d'idéalisme communautaire. L'image change, les héros changent, l'identification change. L'heure est humaine. On applaudit les éboueurs qui nous protègent. On applaudit les infirmiers et les médecins qui nous protègent. On applaudit les autorités qui nous protègent. L'heure est à la maturité et aux priorités. Plus de chanteurs en couche-culotte ou de bloggeuses aux lèvres surdimensionnées, adulées puisque de toute façon nous sommes tous masqués. Il n'y a plus de place au virtuel. Seul le réel demeure. Et il est le seul valable. Parce qu'il le seul effectif. Mais il sera bientôt l'heure de nous applaudir pour notre cheminement thérapeutique vers la maturité et l'adéquation. Nous allons, au terme de cette quête, nous applaudir du pèlerinage du confiné. Les pèlerins que nous sommes se pèlent du superflu, des ornements ostentatoires de la société, de l'image fausse que l'on donne souvent, pour puiser dans leur chemin les adages déshabillés de l'humanité mise à nu. À confinement salutaire, nudité salutaire. L'âme se déshabille du corps en ces temps de Covid et vit au-delà des murs du confinement les plaisirs oubliés, mais retrouvés de la vie normale, de la vie en plein air, du couscous en famille, du thé entre voisins, du café au travail, du football sur la plage… qui sont autant de choses normales que nous apprenons enfin à reconnaître comme de réels plaisirs, comme de véritables aphrodisiaques naturels en des temps de reprise de conscience des réalités. Une vie normale aujourd'hui fantasmée. Un retour à une vie normale faite de ces plaisirs qui n'en étaient guère jadis. Une vie normale consciente. Mais cette vie normale du surhomme que nous serons devenus pourrait-elle être encore normale? Le temps n'est pas encore aux applaudissements généraux de tous les Marocains en confinement salutaire et en pèlerinage, mais l'heure sonnera pour identifier le parcours héroïque de maturité communautaire et le glas aussi d'une vie normale et inspide à nouveau. Qui sait? *Psychiatre-addictologue