Plus grave crise depuis la Deuxième Guerre mondiale, pire ralentissement économique depuis la Grande dépression, effondrement plus brutale que la crise financière de 2008. Décideurs et experts économiques remontent aux moments les plus sombres de l'histoire récente pour trouver des ordres de grandeurs similaires à l'ampleur de l'actuelle pandémie du coronavirus, d'où les choix périlleux opérés pour enrayer l'impact foudroyant, aussi bien aux pays avancés qu'en développement. Au chevet d'une économie vacillante après la mise en confinement de plus de la moitié de la population mondiale, les représentants des pouvoirs publics, des entreprises et des organisations internationales qui, d'habitude convergent par milliers à Washington, se retrouvent, à partir de mardi, sous un format virtuel, pour les Réunions annuelles du Fonds monétaire international (FMI) et de la Banque Mondiale, deux institutions financières plus que jamais sollicitées. Plantant le décor à la veille de ce rendez-vous des 189 Etats membres, la directrice générale du FMI, Kristalina Georgieva a déclaré que le COVID–19 a «chamboulé notre ordre social et économique à une vitesse éclair et dans des proportions jamais vues de mémoire d'homme». Si l'incertitude règne toujours quant à l'ampleur et la durée de la crise, il est déjà évident, selon elle, que la croissance mondiale sera nettement négative en 2020. Et pour cause. Il y a à peine trois mois, les projections tablaient sur une croissance positive du revenu par habitant dans plus de 160 pays. Aujourd'hui, c'est tout le le contraire: plus de 170 pays à travers le monde enregistreront une croissance négative du revenu par habitant. Depuis son apparition en Chine en décembre, l'épidémie de Covid-19 a tué plus de 105.000 personnes alors que le nombre d'infections à dépassé 1.7000.000. Avec un virus contre lequel il n'existe pas de traitement ni de vaccin jusqu'à présent, le bilan risque de s'aggraver. Les système de santé sont sous une forte pression sinon totalement dépassés. Le marché de l'emploi est durement impacté par l'arrêt brutal de larges pans de l'économie pour réduire la propagation du virus. L'Organisation internationale du travail (OIT) alerte que 1,25 milliard de travailleurs courent un risque élevé de licenciement ou de réduction de salaire. Dans la population active mondiale de 3,3 milliards de personnes, plus de quatre personnes sur cinq (81%) sont affectées par la fermeture totale ou partielle des lieux de travail. Entre autres impacts de cette tempête sanitaire a trait au risque accru de désorganisation des chaînes d'approvisionnement en produits alimentaires, et autres équipements, notamment médicaux, alors que les pays rivalisent pour subvenir à leurs besoins. Dans une économie à terre, les recettes du secteur du tourisme et les transferts de fonds par les travailleurs migrants sont en recul considérable, tout comme les investissements directs étrangers. Les marchés financiers mondiaux ont connu de lourdes pertes et une intense volatilité. Les investisseurs ont retiré environ 90 milliards de dollars des marchés émergents, ce qui représente la plus importante sortie de capitaux jamais enregistrée. Pour les pays producteurs de pétrole, la crise s'accompagne d'une baisse drastique des prix depuis le début de l'année. Les cours qui ont frôle 20 dollars le baril, ont perdu les deux tiers de leur valeur pour atteindre le niveau le plus bas depuis 2002 sous l'effet d'un double choc de l'offre et de la demande. En Afrique subsaharienne, la croissance est touchée de plein fouet par la pandémie plongeant la région dans sa première récession en 25 ans. Face à cette crise sans précédent, le défi aujourd'hui est de sauver des vies et préserver les moyens de subsistance, notamment dans les pays pauvres qui paient le plus lourd tribu, recommandent les institutions internationales, dont les Nations Unies. «Les retombées économiques de cette crise pourraient créer des facteurs majeurs de stress, en particulier dans les sociétés fragiles, les pays moins développés et les pays en transition», a ainsi prévenu le Secrétaire général de l'ONU, Antonio Guteres qui a plaidé pour un front commun pour endiguer la pandémie et son impact également sur la paix et la sécurité internationales. Selon le rapport 2020 du système des Nations-Unies sur le financement du développement durable, même avant l'apparition de la pandémie de coronavirus, un pays sur cinq – où vivent des milliards de personnes dans la pauvreté – risquait de voir son revenu par habitant stagner ou diminuer cette année. Alors que les grandes puissances semblent jusque là divisées, trop prises à multiplier les plans de sauvetage de leurs propres économies, les institutions de Breton Woods font écho du même appel à la solidarité en déployant la force de la communauté mondiale pour protéger les populations les plus vulnérables et redynamiser l'économie. De nombreux pays les moins avancés (PMA) sont déjà très exposés au risque de surendettement. Le FMI assure mettre à la disposition de ses membres sa capacité de prêt de 1.000 milliards de dollars. Jusqu'à présent, des demandes de financement d'urgence ont été déjà reçues de plus 90 pays membres, un record. Tout aussi fortement sollicitée, la Banque Mondiale a dit mettre en place des opérations de riposte à la crise sanitaire dans plus de 65 pays et promis un programme économique de grande envergure qui mobilisera jusqu'à 160 milliards de dollars sur les 15 prochains mois. Outre l'appel à une «relance budgétaire coordonnée», les deux organisations ont invité les créanciers bilatéraux officiels à prononcer un moratoire sur le service de la dette des pays les plus pauvres du monde compte tenu de l'actuelle crise sanitaire sans précédent. Les pays en développement n'ont pas ménagé d'efforts en déployant des mesures de confinement, ainsi qu'un arsenal de mesures budgétaires et monétaires d'urgence, outre des programmes pour soutenir les couches les plus vulnérables. Du 12 au 17 avril courant, le défi est de définir les contours d'un plan de riposte global pour permettre d'endiguer la flambée de la pandémie et contrebalancer son préjudice économique qui risque d'exacerber la pauvreté et les inégalités. «Les mesures que nous prenons maintenant détermineront la vitesse et la vigueur de la reprise», a insisté la cheffe du FMI.