La question de l'avortement était au centre d'un «Grand Débat de la Jeunesse», organisé, mercredi soir, par les étudiants de l'Université Mohammed VI des Sciences de la Santé sur le site d'Anfa City avec la participation de Mohamed Nabil Benabdallah, SG du PPS, Nabila Mounib, Secrétaire générale du Parti socialiste unifié (PSU) et porte-parole de la Fédération de la gauche démocratique (FGD) Sonia Terrab, militante des droits des femmes, Mohamed Abdelwahhab al-Rafiki alias Abou Hafs, Karima Nadir et Mehdi Bensaid, ancien député. Devant un amphithéâtre archi comble, les invités au débat ont fait le tour de la question. Et, tour à tour, les différents intervenants ont développé leurs perceptions sur une question qui a secoué l'opinion publique, durant la dernière période. Et, pure coïncidence, la conférence s'est tenue quelques heures après l'annonce de la grâce royale accordée à Hajar Raïssouni, à son fiancé ainsi qu'à l'équipe médicale, condamnés par la justice. Et si le Pr Chafik Chraibi a donné des chiffres sur les avortements clandestins, notamment traditionnels, et les complications médicales qui s'en suivent, il a revendiqué une révision des lois, face à la «main de fer» qui fait qu'il y a, aujourd'hui, «des arrestations courantes», contrairement à il y a quelques décennies… Mohamed Abdelwahhab al-Rafiki, lui, a abordé la question de l'avortement selon les valeurs religieuses et celles sociales. Abou Hafs estime que le rite malékite est le plus «extrémiste» et conservateur sur cette question, affirmant que les avis religieux formulés sont devenus archaïques et que, de nos jours, «il y a de nouvelles conditions» qui supposent des lois avancées qui tiennent compte de la situation économique et sociale et de « la volonté de la mère d'avorter». Pour sa part, Sonia Terrab, en militante des droits de la femme, a salué «la victoire de la mobilisation des jeunes, une première victoire…». Et d'ajouter, «nous sommes tous des hors-la-loi et nos efforts ont été récompensés pour continuer le combat afin de changer les mentalités et les lois». Karima Nadir, elle, a insisté sur le droit « face à des lois injustes ». L'éditrice-activiste a également fourni quelques données chiffrées sur le nombre d'avortements, des mères célibataires, des enfants abandonnés… pour réclamer, haut et fort, « l'abandon de la criminalisation de l'avortement». Mehdi Bensaid a, de son côté, centré son intervention sur l'Etat qui «doit défendre les minorités», faisant allusion à une provocation selon laquelle l'avortement ne serait qu'«une revendication d'une minorité bourgeoise qui imite l'Occident» (sic). L'ancien député du PAM, l'avortement est une revendication qui s'inscrit dans «l'Etat de droit et non pas dans un prétendu rapport Occident-Orient». Nabila Mounib a, dès le départ, plaidé pour un «changement radical», y compris en matière d'interruption volontaire de grossesse ou «grossesse non désirée». Rappelant les passions et les clivages qui ont caractérisé le débat autour de cette question, la Secrétaire générale du Parti socialiste Unifié (PSU) s'est étalée sur les notions d'«ignorance sacrée» et d'«ignorance institutionnalisée». Pour elle «beaucoup reste à faire, et la lutte doit se poursuivre pour qu'il n'y ait pas d'autres victimes. Notamment au niveau de la réforme des lois et la protection des libertés dans notre pays». Beaucoup de choses restent à faire surtout au niveau de l'amendement du Code pénal. Dernier intervenant dans ce débat, Mohamed Nabil Benabdallah s'est félicité de la grâce royale et de la «grandeur» de cette décision qui va « dans le sens souhaité par de larges pans de la société marocaine». Le Secrétaire général du Parti du progrès et du socialisme a rappelé que l'affaire Hajar est «une atteinte aux libertés individuelles et a donné une image choquante qui a touché à la vie privée d'une personne, étalée sur la voie publique, à son intimité»… Cela « est indigne du Maroc que nous voulons». Le SG du PPS a également appelé à ne plus prendre pour cibles les partis politiques sérieux, en dépit des éventuelles insuffisances et torts. Avec ce que nous sommes, nous avons besoin de renforcer la voie de la démocratie et de la liberté. Car nous vivons encore des conservatismes qui enchaînent les femmes plus que les hommes. Nos valeurs sont celles portées par les hommes de progrès. Il ne s'agit ni d'Occident ni d'Orient. Nous sommes des Marocaines et des Marocains et nous sommes fiers de l'être». L'orateur a aussi rappelé le combat autour de la liberté de conscience « avorté » lors des débats sur la Constitution, rappelant les retards constatés au niveau des acquis en matière d'égalité réelle (Code de la famille…). Il s'est dit «désolé de constater que les choses n'avancent pas et reculent». Benabdallah a aussi rappelé que les députés du PPS avaient fait une proposition de loi qui fait sortir la question de l'interruption volontaire de la grossesse du carcan pénal pour le faire figurer comme «un droit à la santé». Hélas le texte en cours de débat au Parlement écarte cette proposition et ne représente qu'un léger assouplissement pour l'avortement en cas de viol, d'inceste et de malformation du fœtus, auxquels le PPS rajoute le droit d'avortement en cas de viol de mineure. Pour le leader du PPS, «Nous sommes en face à une loi injuste et dépassée», d'où l'urgence d'«agir vite pour amender cette loi, l'article 493 qui reste à revoir, et prévoir des textes plus respectueux des libertés individuelles». Cela passe, selon lui, par l'urgence «d'investir les institutions. Car c'est là le terrain où les lois se fassent», conclut-il. Mohamed Khalil Les réactions Lors du débat sur l'avortement, le Secrétaire général du PPS et la Secrétaire générale duu PSU ont répondu, à chaud, à des questions de journalistes sur la grâce royale. Nabil Benabdallah s'est dit « très heureux de cette grâce, surtout que le PPS avait appelé de ses vœux à l'abandon des poursuites contre Hajar et les autres victimes de cette affaire. Nous voyons en cela une atteinte à la libertés individuelles et une image choquante portant préjudice à la vie d'une personne et à son intimité, qui est étalée…». «Je voudrais remercier SM le Roi. Car il faudra beaucoup de grandeur pour prendre une décision et aller dans le sens souhaité par de larges pans de la société marocaine». Nabila Mounib, elle, a déclaré que «Hajar est libre. C'est ce qui compte et qui est important. La lutte doit se poursuivre pour qu'il n'y ait pas d'autre casse… à l'avenir. Il reste beaucoup à faire au niveau de la réforme des lois, notamment au niveau du Code pénal et concernant les libertés dans notre pays. Car il y a d'autres Hajar…».