Oui, l'unification des rangs de la gauche marocaine est possible Nabila Mounib, secrétaire générale du Parti socialiste unifié (PSU) et Nabil Benabdellah, secrétaire général du Parti du progrès et du socialisme (PPS), qui ont été les invités, mercredi soir de la fondation Lafquih Titouani à Salé pour débattre de la situation générale dans le pays et de la «balkanisation» de la gauche marocaine, qui avait marqué par la noblesse et la pertinence de ses thèses politiques et les sacrifices de ses militants l'évolution politique du pays, ont été unanimes à souligner qu'il est toujours possible pour les composantes de cette gauche de travailler en rangs serrés autour d'une plateforme fondée sur les points de convergence de leurs programmes respectifs. Mohamed Nabil Benabdallah: «Plus personne n'ose exprimer une opinion contraire aussi juste soit-elle» Au cours des quelque dernières années, le rapport de forces semble avoir changé au profit de certains milieux et les choses ont continué de régresser en matière notamment de libertés et de droits, à tel point que plus personne n'ose exprimer une opinion contraire, juste soit-elle, a affirmé le Secrétaire général du PPS. Sacralité de quelques secteurs… Des secteurs gouvernementaux normaux bénéficient désormais d'un statut de sacralité et leur critique est prohibée, a-t-il dit, appelant à une prise de conscience de la gravité de la situation et des menaces qui pèsent sur les droits et libertés, pourtant prévus par la Constitution de 2011, dont l'adoption avait ouvert de nouvelles perspectives pour aller de l'avant en matière d'édification d'un Etat de Droit, de démocratie, de libertés et de justice sociale. Le PPS avait soutenu l'adoption de cette Constitution, qui avait bénéficié d'un consensus national, considérant qu'elle offre l'occasion d'aller de l'avant dans la réalisation de «la démocratie dans la stabilité», au lieu d'aller vers l'inconnu ou vers des situations similaires à celles de certains pays où «le printemps arabe» continue toujours de faire des ravages, a-t-il expliqué. Aujourd'hui, le pays a besoin de toutes ses forces de gauche qui sont appelées à ne pas rater le rendez vous avec l'histoire. Que chacun des partis politiques de la gauche sorte de son coin pour se rendre compte qu'ils réclament tous la même chose à savoir la démocratisation de la vie politique, économique, sociale et intellectuelle du pays, mais chacun avec sa terminologie et à sa manière, a-t-il martelé. En dépit du fait qu'elle n'est pas parfaite, la Constitution de 2011 représente de l'avis du PPS un progrès indéniable par rapport notamment à toutes les Constitutions qui l'avaient précédée, a-t-il rappelé. C'est pourquoi, le parti continue toujours d'appeler à la mise en œuvre saine de ce texte et de poursuivre la lutte avec les moyens de bord pour y parvenir dans l'intérêt du pays et des institutions. Et ce dans le respect total des institutions y compris les attributions et prérogatives de l'institution monarchique telles que prévues dans la Constitution de 2011 et de toutes les autres institutions, gouvernement, partis politiques, institutions de la gouvernance et du contrôle, a-t-il encore expliqué. S'unifier, sans préalables, pour aller en rangs serrés A travers sa lutte, le PPS aspire à une véritable démocratie, un projet combien ambitieux, autour duquel toute la gauche marocaine doit se mobiliser en appelant surtout à une mise en œuvre de toutes les dispositions de la Constitution de 2011 car le problème véritable ne réside pas dans le texte lui-même et son contenu mais dans son application. A présent, il est clair que l'on n'est pas capable de le faire, même s'il est imparfait, a-t-il commenté, expliquant que la mise en œuvre d'un tel texte suppose avant tout que les partis politiques en présence doivent disposer de l'indépendance de décision et de choix requise et avoir le moyen de le faire. De telles organisations sont rares, même au sein de la gauche, a-t-il ajouté. Sur ce point, il est aujourd'hui possible pour les forces politiques de gauche de rechercher un terrain d'entente, étant donné que le contexte a changé et que le rapport des forces leur dicte désormais de s'unifier pour aller en rangs serrés vers les échéances futures, a-t-l estimé. Il est possible de le faire sans préalable et sans auto- flagellation et ce pour le bien du pays et de la gauche marocaine, selon lui. Le droit à une vie professionnelle stable et à la dignité Interrogé sur un certain nombre de questions d'actualité, Benabdallah a soutenu sans hésiter le droit des enseignants contractuels de jouir de leur droit à une stabilité professionnelle, à une formation et une formation continue et de leur dignité et ce pour le bien des enfants scolarisés et de l'école publique. Il a également estimé qu'il est erroné de réduire le débat autour de la réforme de l'enseignement à la langue d'enseignement, appelant à éviter une année blanche aux élèves innocents. L'inquiétude et l'angoisse se ressentent à tous les niveaux Livrant son analyse de la situation politique dans le pays, le Secrétaire général du PPS a fait savoir que la situation inquiète non seulement les couches déshéritées et les couches moyennes, mais également les milieux d'affaires. Tout le monde se pose la question de savoir où va le pays. Et ce en dépit des changements et des acquis obtenus à divers niveaux (droits de l'homme, égalité homme-femme, processus de réconciliation, droits culturels, reconnaissance de l'Amazigh langue et culture et autres droits économiques et chantiers sociaux), a-t-il dit, estimant que la mise en œuvre de la Constitution tarde désormais à être achevée, en raison notamment d'un changement du rapport des forces en présence et des résistances. C'est pourquoi, il est nécessaire pour les forces désireuses d'aller de l'avant en la matière de rechercher le moyen de s'en sortir comme le propose le PPS depuis son dernier congrès national en appelant à un souffle démocratique nouveau. Et il n'est jamais tard pour y parvenir, a-t-il estimé. M'barek Tafsi *** Nabila Mounib: «Unifier ses rangs autour d'un projet populaire» En dépit de sa balkanisation, la gauche marocaine se doit d'unifier ses rangs autour d'un projet social à la hauteur des ambitions du peuple de disposer d'un Etat de Droit et de démocratie, a affirmé la secrétaire générale du parti socialiste unifiée, Nabila Mounib, estimant qu'il est du devoir des jeunes de prendre le flambeau pour continuer le combat. Instituer un contrepouvoir au pouvoir en place La politique au sens noble du terme est de servir son pays et non pas se servir soi-même comme se le permettent aujourd'hui d'aucuns, a-t-elle dit, rappelant que seules quelque 150 familles ont réussi à tirer profit de la situation depuis l'indépendance du pays en 1956 en amassant des richesses colossales. Le pays ne dispose plus de classes moyennes et les couches déshéritées comptent désormais dans ses rangs des millions de Marocains, a-t-elle dit, rappelant que les chiffres du Haut Commissariat au Plan et du Conseil économique, social et environnemental indiquent que le pays fait toujours partie des pays sous développés ou en voie de développement, loin derrière les pays émergents et les pays développés. C'est là le résultat des choix poursuivis et du système néolibéral en place, qui ne profite qu'au grand capital national et étranger, a-t-elle indiqué. Pour redresser la situation, le pays a besoin d'un Etat de droit, de démocratie, de justice et respectueux des droits de l'homme, de la femme et des droits de tous à l'enseignement, à la santé, et de tous les droits les plus élémentaires, a-t-elle ajouté. C'est pourquoi, il est nécessaire de poursuivre aujourd'hui le combat car même la gratuité de l'enseignement est menacée sans parler des autres menaces qui pèsent sur les autres droits et libertés, a-t-elle estimé. Quant au modèle de développement en place, il ne sert plus les intérêts du pays, a ajouté la SG du PSU, selon laquelle la Constitution de 2011 a omis d'instituer un contrepouvoir au pouvoir en place. Selon elle, les dispositions prises au lendemain du mouvement du 20 février ne visaient qu'à absorber et contenir le mécontentement social. Quant à la gauche marocaine, elle a raté l'occasion de se rallier au mouvement, a-t-elle estimé, appelant les partis politiques de gauche à respecter leurs principes et idéal. Elle s'est également dite déçue de voir que la période de transition démocratique dure à l'éternité dans le pays de plus en plus rongée par la prévarication, la corruption, les pratiques rentières, les inégalités, et les injustices, soulignant que les accords de libre échange ne profitent en fait qu'aux partenaires étrangers du pays, devenu un terrain de prédilection des charognards parmi les investisseurs étrangers qui choisissent d'y venir opérer. La nécessité des réformes Elle a également souligné la nécessité de procéder à une série de réformes politiques et sociales pour redresser la situation et préparer le terrain. Elle a proposé dans ce cadre de procéder à une révision de la loi des partis politiques, des listes électorales, du découpage des circonscriptions électorales et de confier la gestion de l'opération électorale à une commission indépendante, sans oublier le mode de scrutin et de permettre aux Marocains résidents à l'étranger de participer à la vie politique de leur pays d'origine. Evoquant les développements de la cause du Sahara marocain, elle a estimé que le règlement définitif de ce conflit artificiel requiert davantage de cohésion et de renforcement du front intérieur et de vigilance pour pourvoir faire face aux dangers qui guettent l'unité nationale.