Profitant du désengagement des Etats-Unis du bourbier syrien, l'armée turque a lancé, ce mercredi 9 octobre, une offensive à Tall Abyad, Ras Al-Aïn, Kamechliyé, Aïn Issa et Kobané, (localités frontalières du nord de la Syrie) contre les Forces démocratiques syriennes (FDS), une coalition de combattants essentiellement kurdes soutenue depuis 2015 par les américains dans leur lutte contre l'Organisation de l'Etat islamique. Cette attaque intervient alors que Washington et Ankara œuvrent, depuis plusieurs semaines déjà, à la mise en place d'une «zone de sécurité» à la frontière entre la Turquie et la Syrie. Accusant Washington de les avoir abandonné en retirant ses troupes, les forces kurdes syriennes ont immédiatement appelé, dans un communiqué, l'administration américaine à «assumer ses responsabilités morales (et) à respecter ses promesses». «Nos alliés nous avaient garanti leur protection après qu'on ait détruit nos tranchées et nos fortifications mais soudain, sans prévenir, ils nous ont abandonnés avec une décision injuste de retirer leurs troupes de la frontière turque (…) Cette mesure a été une déception majeure, comme un couteau dans le dos». Considérant que le président américain avait, à plusieurs reprises, menacé d'«anéantir» l'économie de la Turquie en cas d'offensive «injuste», les kurdes de Syrie ne se sont pas empêchés de rappeler, dans leur communiqué, que les «condamnations politiques (et) les projets de sanctions économiques contre la Turquie» n'allaient pas faire cesser «les massacres». Ils ont tenus à préciser, par ailleurs, qu'ils ne demandent pas à Washington de mettre en danger la vie de ses soldats en les envoyant «sur le front» mais qu'ils implorent cette dernière de fermer «l'espace aérien face à l'aviation turque». Dénommé «source de paix», cette opération, qui a précipité des milliers de civils sur les routes de l'exode et qui a pour but de permettre à la Turquie de chasser, de l'autre côté de sa frontière avec la Syrie, les Unités de protection du peuple (YPG) – milice kurde syrienne – qu'elle qualifie de terroriste afin d'y instaurer une «zone de sécurité» de 32 km de profondeur, pourrait se transformer en une véritable «source d'ennuis» pour le président turc Recep Tayyip Erdogan au vu du tollé international qu'elle a soulevé. Ainsi, ce samedi, à Paris et dans d'autres villes de l'Hexagone, ce sont des milliers de personnalités politiques françaises – 20.000 dans la capitale – qui, à l'appel du Conseil démocratique kurde en France (CDK-F) ont manifesté contre le régime d'Ankara en soutien aux kurdes de Syrie en scandant, à l'unisson, «Erdogan terroriste !» et en brandissant des pancartes et des banderoles où l'on pouvait lire «Trump = serial killer» ou encore « La Turquie envahit le Rojava, l'Europe contemple»; le Rojava est la zone kurde autoproclamée autonome située au N-E de la Syrie. Prenant la parole de la tribune installée à cet effet, le député de « la France insoumise », Eric Coquerel, a qualifié de « non-sens historique ce qui se passe au nord-est de la Syrie car ce sont les plus fidèles alliés de la France, ceux qui ont permis la victoire contre Daech sur le terrain, qui aujourd'hui se retrouvent menacés» alors que pour Esther Benbassa, sénatrice d'«Europe-Ecologie-Les Verts», la France devrait prendre exemple sur l'Allemagne et «suspendre la vente d'armes» au régime d'Ankara. A Marseille, ce sont près de 6.000 kurdes (selon les organisateurs) qui, dans une marche allant de la Canebière au Vieux-Port, ont dénoncé, ce samedi, le «dictateur Erdogan» alors que Strasbourg, Lyon, Bordeaux et Lille n'étaient pas en reste. Ailleurs, en Europe, en Allemagne ce sont près de 10.000 manifestants qui se sont rassemblés à Cologne et 4.000 autres à Francfort pour dénoncer la tuerie d'Erdogan. Des rassemblements similaires ont, également, étés signalés ce samedi à Chypre, Athènes, Varsovie et Bruxelles. Du côté arabe, et après une réunion d'urgence de la Ligue Arabe au Caire sur requête de l'Egypte, les ministres des Affaires étrangères de l'organisation panarabe ont condamné «l'agression de la Turquie» et appelé au retrait immédiat des troupes d'Ankara. Et si, d'un autre côté, ce dimanche et au cinquième jour de l'offensive turque, les kurdes syriens ont annoncé avoir conclu un accord avec Damas pour le déploiement de l'armée syrienne près de la frontière turque à l'effet de «faire face à l'agression turque et d'empêcher qu'elle ne se poursuive», cela sera-t-il suffisant pour contraindre Erdogan à ramener ses troupes dans leurs casernes ? Rien ne le laisse entendre pour l'heure tant l'homme semble déterminé à en finir, une fois pour toutes, avec cet ennemi-juré que sont les kurdes mais attendons pour voir…