Colloque de la fondation Mohamed Abed Al Jabri sur «Le besoin d'une Koutla historique» Les Hiraks (soulèvements) populaires en cours en Algérie et au Soudan nous donnent l'espoir de les voir réussir, à condition toutefois que les responsables de ces mouvements fassent preuve de vigilance pour empêcher que les fruits de leurs sacrifices ne soient pas volés ou détournés, a affirmé Pr Ismail Alaoui dans un exposé présenté, samedi lors de la deuxième journée d'un colloque organisé par la fondation Mohamed Abed Al Jabri sur «le besoin d'une Koutla historique», telle que le défunt le recommandait. Dans cet exposé intitulé : «la Koutla historique, Mohamed Al Jabri, Gramsci et la situation actuelle dans les pays arabes», Ismail Alaoui a essayé de mettre en lumière les points de ressemblance et de divergence entre Al Jabri, l'intellectuel et le militant, et Antonio Gramsci le philosophe, l'écrivain et le théoricien politique italien. Membre fondateur du Parti communiste italien, dont il fut un temps dirigeant, Gramsci est emprisonné par le régime mussolinien de 1927 à sa mort. Koutla et «Bloc historique» Pr Alaoui a, de prime abord, souligné que la notion de Koutla en arabe telle qu'utilisée par El Jabri est moins forte que celle de bloc historique auquel appelait le militant italien pour redresser la situation en Italie du début du 20ème siècle. El Jabri s'est donc inspiré de Gramsci, l'intellectuel marxiste, tout en amputant sa théorie de la partie concernant la superstructure (droit, lois, culture, …) dont la transformation doit aller de pair avec celle de l'infrastructure existante. En tant qu'homme de terrain, El Jabri a certes accordé une grande importance à la critique de la pensée arabe et à ses tares, mais sans aller jusqu'à en faire ressortir les détails et appeler à sa transformation. Pour Gramsci, le bloc recherché ne doit pas se limiter aux partis politiques. Il doit aller au delà pour porter aussi sur la mise en place d'une entité dominatrice, en conformité avec sa théorie de l'hégémonie culturelle. L'analyse de Gramsci portait sur la situation en Italie de la fin du 19ème siècle et du début du 20ème siècle, un pays divisé en plusieurs entités et où les disparités sociales et territoriales étaient frappantes entre le Nord riche et le Sud pauvre, un pays déchiré par les luttes des classes. Tout en accordant à la superstructure l'intérêt qu'elle mérite dans ses analyses, Gramsci estimait que la production des richesses, le développement économique et social et la lutte des classes contre la capital devaient figurer au centre des changements à entreprendre dans le cadre du bloc sociopolitique qu'il prônait, tout en faisant preuve de réalisme et de pragmatisme, sans pour autant abdiquer devant l'adversaire. Pour Gramsci, c'est aux masses populaires qu'il faut revenir pour imposer l'hégémonie culturelle dont il parlait pour s'en sortir. C'est précisément à un tel bloc historique au sens gramscien du terme dont on a besoin dans le monde arabe pour pouvoir relever tous les défis d'ordre interne mais surtout externe, a martelé Pr Alaoui. Combattre l'analphabétisme pour l'éradiquer Il est impératif dans un premier temps de combattre l'analphabétisme pour l'éradiquer une fois pour toutes dans les pays arabes, où les conflits de classes vont en s'exacerbant et dont il faut tenir compte, a-t-il proposé. Selon lui, ce sont surtout les défis d'ordre externe qui posent le plus grand problème, à coté des défis internes. C'est dans ce cadre que se situe la volte-face de certains pays arabes qui sont allés jusqu'à adhérer à la thèse qui refuse aux Palestiniens le droit à l'existence et à disposer de leur propre Etat indépendant, tout en réclamant la normalisation avec Israël. Une telle action visant à la mise en place de blocs n'est envisageable qu'au niveau de chacun des 22 pays arabes, a-t-il estimé, rappelant au passage que le Maroc a connu, pour ce qui le concerne, durant son histoire plusieurs expériences de coalisation qui n'ont pas résisté aux assauts de toute sorte et à l'insuffisance des préparatifs et des moyens. Pour y réussir, il est nécessaire de bien écouter les peuples arabes et saisir leurs aspirations à vivre dans la dignité et la liberté comme c'est le cas actuellement en Algérie et au Soudan, selon lui.