Peu connu du grand public parce qu'évoluant dans un secteur peu public, l'ex-Lamalif Diffusion vient de frapper un « grand » coup médiatique en annonçant un partenariat avec l'artiste congolais de la chanson Maître Gims. L'objectif annoncé de cette alliance étant de permettre un échange de compétences et de savoir-faire dans le secteur de l'urbanisme entre pays africains, entre autres. Il n'en reste pas moins que l'on se demande ce qu'un chanteur, aussi célèbre soit-il, pourrait bien apporter comme compétence à un groupe spécialisé dans l'urbanisme? Pour le coup médiatique, le scénario a été bien travaillé. Maître Gims, artiste très en vogue et prisé surtout des jeunes, se rend à Marrakech pour rencontrer et signer un partenariat avec le patron d'une PME marocaine. C'est presque une « revanche » d'une entreprise marrakchie, qui estime faire de bonnes choses, du bon travail en matière d'éclairage public, mais qui n'est pas sous les projecteurs comme l'élite économique de Casablanca. Une volonté de prendre une place dans les médias ? De lancer son image ? Certainement. Voilà pour la partie pile. Pour ce qui est de la partie face, la substance ou la consistance d'un tel partenariat continue d'être un mystère, tant les déclarations ampoulées des deux parties sont restées floues au sujet des détails chiffrés de cette alliance. À moins que les réels objectifs soient ailleurs. Car l'annonce de ce partenariat intervient quelques semaines à peine après une autre annonce. Celle-ci concernait le changement d'identité de l'entreprise qui a résulté en un changement de nom. Lamalif Diffusion a opté pour une transformation en groupe et se fait appeler désormais Lamalif Group. Le spécialiste de l'aménagement urbain, éclairage public, gestion déléguée de l'éclairage public explique que ce changement intervient dans le cadre de la stratégie de développement de nouveaux pôles d'activité par l'entreprise. L'immobilier, le design, l'énergie ainsi que l'événementiel sont ces nouvelles activités que le groupe compte ajouter à son portefeuille de prestations. Lamalif, qui a généré en 2017 un chiffre d'affaires de plus de 261 millions de dirhams (+20,7%), compte ainsi renforcer ses ressources humaines et doter l'ensemble de ses activités de profils pour se développer. Le groupe veut également s'appuyer sur son expérience de plus de vingt ans sur le marché pour réaliser cette diversification. Au nombre des villes où Lamalif Group a laissé ses traces, on compte du mobilier urbain du Groupe à Marrakech, Tanger, Rabat, Tétouan, Al Hoceima. Mais les ambitions de Lamalif Group ne se limitent pas aux villes marocaines. L'Afrique en ligne de mire L'entreprise annonce que plusieurs pays de l'Afrique subsaharienne sont dans son viseur. Sont cités pêle-mêle la Côte d'Ivoire, le Sénégal, le Tchad et le Mali pour y « développer des projets urbanistiques ». Une ambition dont le premier pas consiste en la création d'une division ou d'une filiale Afrique, nommé Lamalif Afrique. Et c'est là qu'entre en jeu le chanteur Maître Gims. Car, qui mieux qu'un artiste très populaire sur le Continent pour porter l'image d'une entreprise qui veut une place au soleil ?! Ou peut-être plutôt sous la lumière qu'elle voudrait apporter à ces pays africains ?! «Nous avons acquis plus de 20 ans d'expérience dans le secteur et nous souhaitons exporter ce savoir-faire vers des pays amis du Maroc. Notre visée capitale est de mettre en place un business model qui met principalement le critère humain africain en valeur», expliquait Moulay Lakbir Alaoui Ismaili, Président Directeur Général de Lamalif Group. Le groupe veut aussi lancer des produits urbanistiques adaptés aux pays africains, en se basant d'abord sur le paysage urbain dominant des villes, leur culture et leur l'environnement, ainsi que leur climat. Ces ambitions, «nobles» au demeurant, placent Lamalif Group dans le concert des entreprises marocaines qui, depuis quelques années, font du reste du Continent un axe de développement majeur de leur business. Mais seulement, l'alliance entre le spécialiste de l'urbanisme marocain et le rappeur congolais reste encore difficile à lire. D'abord, parce que de tels partenariats se concrétisent généralement dans le cadre de l'utilisation de l'image d'une célébrité pour faire de la publicité. Si ce n'est que la célébrité est «recrutée» pour être l'ambassadeur de la marque. Le tout, sans oublier que le secteur de l'éclairage et du mobilier public n'est pas un secteur grand public et où l'on a généralement recours à un ambassadeur. C'est au mieux comparable à du B to B, avec des délégants que constituent les collectivités territoriales. Mais ici, Lamalif Group n'a pas fait les choses aussi simplement, préférant présenter ce partenariat comme une alliance entre deux parties. Une alliance qui questionne. Que peut apporter un chanteur à un groupe d'éclairage public ? D'autant plus que celui-ci a conclu cette alliance en tant que Maître Gims (chanteur) et non en tant que patron d'une entreprise qui évolue dans le même secteur ou dans un secteur proche ! Profiter de son image ? Bien. Mais les marchés de l'éclairage public résultent de décisions d'autorités territoriales, de dirigeants de collectivités voire de politique générale d'Etat, et ne sont certainement pas un lot de cadeaux octroyé à la suite d'un concours de popularité ! Profiter du réseau du chanteur ? Au point d'influer sur les décisions de ces délégants ? Pas si sûr. Dans sa déclaration transmise à la presse, Maître Gims avance : «Avec Lamalif Afrique, des projets innovants verront le jour avec l'expertise de Lamalif Group et les jeunes compétences africaines. Le développement des infrastructures en Afrique est l'une des questions primordiales actuellement… Cette alliance permettra d'embaucher une nouvelle génération de jeunes travailleurs africains capables d'innover dans les métiers de l'urbanisme. Nous offrirons des formations adaptées pour les métiers de l'urbanisme, éclairage public et mobilier urbain, ce qui assurera des emplois décents et prouvera que la compétence africaine peut construire l'Afrique de demain». Mais sur les moyens de mobilisation de cette jeunesse, nul mot ni précision. Les contours de ce projet africain de Lamalif Group restent encore à préciser. Mais en attendant de se déployer sur le continent, le groupe entend accentuer sa position sur le marché national. Un laboratoire de l'innovation à l'horizon À cet effet, le groupe veut lancer plusieurs projets parmi lesquels l'ouverture d'un véritable laboratoire de l'innovation, «un show-room qui abritera des créations exclusives autant que révolutionnaires, pensées par des designers marocains et étrangers. Une collection inédite sera présentée aux professionnels du secteur aussi bien que les particuliers, tout en assurant le consulting technique relatif au processus de choix de matériaux, matières, couleurs et technicités», avance-t-on du côté de Lamalif Group. La prise en compte de plusieurs critères dont l'utilisation de l'énergie solaire dans l'éclairage public, la fusion entre l'innovation et l'utilité dans le mobilier urbain, ainsi que des solutions innovantes et efficaces dans le temps seront au programme des recherches de ce laboratoire. Ces programmes pourraient trouver un bon écho auprès des collectivités territoriales pour les soulager du poids de la facture d'éclairage public. En effet, celle-ci est estimée à 900 millions de dirhams en 2016-2017 et devrait avoir dépassé le cap du milliard depuis lors. Sur ce marché où plusieurs acteurs se bousculent, Lamalif Group a fort à faire avec d'autres opérateurs dont Elec Trimaroc, l'entreprise de Rachid El Filali, l'ancien wali d'Agadir. Celui-ci a remporté nombre de contrats d'éclairage, notamment dans la capitale du Royaume. En lançant ce laboratoire, Lamalif Group qui se définit comme leader de ce marché entend-il reprendre la main et s'affirmer comme le leader incontesté de l'éclairage public ? Pour sûr, seules ses réalisations au Maroc lui serviront de carte de visite dans les pays visés en Afrique subsaharienne. L'entreprise a d'ailleurs avancé vouloir apporter de la lumière aux villes du Continent. Une promesse qu'il peut être difficile de tenir lorsqu'on sait qu'elles sont nombreuses ces villes qui souffrent de délestage chronique. Mais l'espoir est permis…