Farid Ibn Khayat, producteur d'œuf de consommation et président d'honneur de l'ANPO Propos recueillis par Fairouz El Mouden Si l'aviculture est perçue comme un secteur dynamique de l'économie nationale, la commercialisation de l'œuf, produit phare de la filière, reste toujours anarchique. D'autant plus que le coût des matières premières est très pénalisant. Dans cet entretien, Farid Ibn Khayat, producteur d'œuf de consommation et président d'honneur de l'Association nationale du producteur de l'œuf (ANPO), revient sur les principales caractéristiques du secteur de la production des œufs de consommation au Maroc. Selon notre interlocuteur, ce secteur passe néanmoins aujourd'hui par une période critique qu'il explique entre autres par la surproduction et le manque de régulation du marché. Selon Ibn Khayat, seulement 5% de la production nationale va à la grande distribution. L'absence de l'assurance du cheptel avicole et l'absence de convention de transport sont autant d'handicaps qui pèsent sur l'activité du secteur. Al Bayane: Comment se porte le secteur de la production des œufs de consommation? Farid Ibn Khayat: L'aviculture est un secteur très dynamique de l'économie marocaine. Il engage de gros investissements et crée beaucoup d'emplois directs et indirects dans le monde rural. La production d'œufs de consommation au Maroc dépasse les besoins du pays. L'activité reste soumise à l'agrément de l'ONSSA et au respect strict des conditions sanitaires. De même, il y'a un contrat sanitaire avec un vétérinaire qui veille à l'application de la loi et au contrôle de l'alimentation des volailles qui est basée sur des matières premières très nobles comme le maïs et les graines de tournesol. Aucun aliment additif ayant un impact négatif sur la santé de l'animal ni de l'homme ne figure dans la formule alimentaire des poules. Toute la chaine de production est soumise à un contrôle strict direct et indirect du médecin vétérinaire. Quelles sont les contraintes auxquelles sont confrontés les producteurs de l'œuf de consommation? Le secteur de l'œuf passe par une période critique qui s'explique par plusieurs facteurs. Il s'agit du prix de vente qui reste en dessous du prix de revient à cause du renchérissement des matières premières et de la surproduction et de la non régulation du marché. Les maladies dangereuses qui guettent l'élevage de la volaille au Maroc et partout dans le monde sont aussi des contraintes qui agissent sur la baisse de la production et la hausse de la mortalité de la poule. L'impact se répercute seulement sur le prix de revient de l'œuf qui augmente sensiblement et non sur sa qualité. Un autre handicap non moins important qui pèse sur l'activité avicole c'est l'aspect fiscal. L'aviculteur est considéré comme un marchand et non comme un agriculteur producteur d'œufs. Nous sommes taxés et nous payons aussi la TVA sans pouvoir la récupérer sur les investissements. On a demandé au gouvernement depuis quelques années déjà de considérer le secteur avicole comme un secteur agricole, mais rien n'est encore fait. L'Etat doit aider ce secteur comme elle le fait d'ailleurs dans les autres secteurs agricoles où il intervient activement dans toutes les étapes, y compris les investissements. Qu'en est-il de la commercialisation? La commercialisation reste anarchique, sachant bien que moins de 5% de la production va à la grande distribution alors que l'élevage avicole reste conforme aux normes sanitaires internationales. Aussi, pour tout ce qui est de la transformation de l'œuf liquide qui est à même de créer de nouveaux débouchés, elle est encore à ses débuts. En Europe, ce segment de transformation de l'œuf liquide représente plus de 30% de production. Il faut rappeler, qu'il s'agit d'un œuf pasteurisé indemne de toute maladie pathogène. Ces unités de production de l'œuf liquide doivent bénéficier de la récupération de la TVA non apparente qui renchérit le coût du produit fini et pénalise les industriels et les pâtisseries. Cette doléance a été proposée dans le cadre du projet de loi des finances 2019, mais pas prise en compte. On nous a promis son introduction dans le projet de budget 2020. Il faut rappeler qu'au Maroc, la consommation par an et par habitant ne dépasse pas 178 œufs, ce qui reste en dessous de la moyenne des pays à niveau de développement équivalent comme le Mexique (350), l'Europe (250), le japon (305). Quel est aujourd'hui le coût de production de l'œuf et comment fixez-vous le prix de l'œuf? Le coût de production de l'œuf se situe entre 0,74 et 0,76 centimes l'unité. Le coût de revient n'est pas compétitif puisque toutes les matières premières composant l'aliment de la poule sont importées. Ce qui fait qu'il y'a des droits de douane et des taxes qui renchérissent le prix de revient. Le prix de l'unité est fixé selon la loi de l'offre et de la demande. Ni le producteur ni le commerçant ne fixe le prix. C'est une bourse journalière qui se fait au niveau du marché « Biyada ». La différence de prix entre le marché de gros et celui du détail se fait indépendamment du marché de gros. C'est le détaillant qui fixe son prix de vente au consommateur. Généralement, c'est autour de 1 dirham à 1.20 ou 1.50 dirhams l'unité. Quels sont les risques liés à votre activité? Les grands risques liés à notre activité renvoient à la hausse des prix des matières premières au niveau du marché international. D'autres risques sont liés aux maladies. Il y'a également l'absence de l'assurance pour le cheptel avicole qui est un handicap majeur. On s'attend à ce que l'assurance avicole soit introduite en 2020. Comment gérez-vous la distribution de vos produits ? Et que représente l'exportation dans votre activité? La commercialisation des œufs se fait via les gros, les moyens et les petits grossistes, et les détaillants qui vendent après aux consommateurs. La grande partie des ventes se fait au niveau du marché Biyada de Casablanca. La grande distribution ne représente malheureusement qu'une faible partie. Concernant l'exportation de la production nationale de l'œuf, elle se fait presque très peu. Nous exportons quand le prix de revient de l'œuf est en baisse (moins de 0,50 dirhams l'unité). L'export se fait via des camions vers le sud et certains pays de l'Afrique, ce qui coûte cher aux producteurs. L'Etat marocain ne donne aucune subvention de transport pour nous aider à développer l'exportation. La Turquie occupe la première place en tant d'exportateur des œufs et des produits avicoles. L'Etat turc intervient de manière très active pour venir en aide aux producteurs avicoles.