Les députés britanniques ont recalé vendredi pour la troisième fois le Traité de retrait de l'UE de la Première ministre Theresa May, laissant un Royaume-Uni en crise face à deux options: un Brexit sans accord le 12 avril ou un long report du divorce. Destiné à mettre en oeuvre en douceur un Brexit décidé par référendum en juin 2016, le Traité a été rejeté par 344 voix contre 286, dans le droit-fil d'une séquence législative chaotique, qui a vu la Chambre des Communes le retoquer le 15 janvier puis le 12 mars. Ce vote est un cinglant désaveu pour la Première ministre conservatrice, qui a âprement négocié ce texte de près de 600 pages pendant de longs mois avec Bruxelles, et pose la question de sa survie à la tête de l'exécutif. L'adoption de l'accord était censée permettre au Royaume-Uni de quitter le giron de l'UE le 22 mai, avec une période de transition jusqu'au 31 décembre 2020, afin d'éviter une rupture trop brutale de liens tissés pendant 46 ans. Elle aurait offert aux Britanniques une sortie de crise après des mois d'incertitude et de disputes quant à la forme que prendra le Brexit. Ironie de l'histoire, ce vote a eu lieu le jour-même où le Royaume-Uni aurait théoriquement dû quitter l'UE, ce vendredi 29 mars. Mais Londres avait obtenu des dirigeants européens un report pour sortir de l'impasse au parlement. Le gouvernement britannique a désormais jusqu'au 12 avril pour proposer un plan B aux dirigeants de l'Union européenne. Sinon, le Royaume-Uni quittera ses partenaires européens sans accord (« no deal »), et sans transition, un scénario cauchemar pour les milieux économiques. Dans une ultime tentative pour sauver ce traité, Theresa May avait promis mercredi qu'elle quitterait ses fonctions si son texte était approuvé, cédant aux appels d'élus de son camp qui conditionnaient leur soutien à sa démission. Et bien que cette condition ne soit pas remplie, la cheffe de l'exécutif, cible d'incessantes critiques ces derniers mois, est désormais plus que jamais sur la sellette. L'offre de Theresa May avait certes convaincu certains eurosceptiques de rentrer dans le rang, comme son rival et ancien ministre des Affaires étrangères Boris Johnson, de crainte que le Brexit finisse par leur échapper. Mais pas le petit parti nord-irlandais DUP, qui lui assure une majorité absolue au Parlement. « Nous ne pouvons être d'accord avec un texte qui pose un risque stratégique à l'union » de l'Irlande du Nord et de la Grande-Bretagne, a proclamé sa cheffe Arlene Foster dans une vidéo publiée sur Twitter. En cause, les dispositions de l'accord relatives au « backstop », ou filet de sécurité, qui prévoient, en l'absence d'autre solution, le maintien du Royaume-Uni dans une union douanière avec l'UE et un alignement plus poussé de Belfast sur les normes européennes, afin d'éviter le retour d'une frontière physique sur l'île d'Irlande Contrairement aux deux précédents votes sur l'accord de divorce, le gouvernement avait cette fois décidé de ne présenter qu'une partie de celui-ci, le Traité de retrait, qui règle les questions de la frontière irlandaise, des droits des citoyens expatriés et la facture à régler par Londres, en écartant la Déclaration politique sur la future relation avec l'UE. Cette astuce, dénoncée par l'opposition travailliste, lui a permis de contourner la règle soulevée par le président de la Chambre des communes, John Bercow, qui interdit de présenter une nouvelle fois au cours de la même session parlementaire un texte déjà rejeté. Le prochain épisode de la saga du Brexit aura lieu lundi, les députés devant tenter de s'accorder sur une alternative au plan de Theresa May. Mercredi, ils avaient échoué à réunir une majorité sur huit scénarios proposés.