Dans les années 1970 et suite à une insurrection qui avait fait près de 150.000 morts, les musulmans du sud des Philippines s'étaient soulevés contre le pouvoir central – alors que le pays est majoritairement catholique – pour réclamer soit l'autonomie soit l'indépendance du sud des Philippines. Aussi, après un long et périlleux processus de paix qui avait débuté dans les années 1990, le Front Moro islamique de libération (MILF) a signé en 2014, avec le gouvernement des Philippines, un accord de paix aux termes duquel il avait été convenu d'octroyer l'autonomie à la minorité musulmane dans certaines parties de la grande île de Mindanao et des îles de l'extrême sud-ouest. C'est donc dans le cadre de ce processus de paix que, ce 21 Janvier 2019, 2,8 millions d'électeurs habitant cette région, ont été appelés aux urnes pour une consultation à l'issue de laquelle la Commission électorale a annoncé que 1,7 million se sont prononcés pour la création de cette nouvelle région autonome qui prendra le nom de Bangsamoro et que 254.600 ont voté contre; un résultat que Murad Ebrahim, le dirigeant du Front Moro assimile à un «raz-de-marée sans précédent» qui devrait permettre d'aboutir à une paix définitive et durable dès lors que le Front islamique de libération entend déposer les armes, démobiliser un tiers de ses 30.000 combattants et «rentrer dans le jeu politique». D'ailleurs, ce dernier a déjà commencé à faire l'inventaire de son arsenal. Ces armes ne vont pas être détruites mais déposées dans un entrepôt sous la garde d'anciens combattants du front et de soldats des forces gouvernementales. Etant lui-même originaire de Mindanao, le président phillipin Rodrigo Duterte a toujours été pour la création de cette nouvelle région qui se verra octroyer des prérogatives bien larges notamment en matière de sécurité quand bien même la Police restera sous le commandement du gouvernement de Manille. La loi organique de la région autonome de Bangsamoro prévoit qu'au cours des dix prochaines années, elle recevra 950 millions de dollars de fonds de développement ainsi qu'une bonne partie des impôts collectés localement. Mais à l'exception du Front Moro qui, après avoir fait alliance avec le pouvoir central, avait commencé à soutenir «militairement» les forces gouvernementales, les autres groupes islamiques présents dans la zone – notamment celui d'Abou Sayyaf, créé dans les années 1990 grâce aux financements d'un membre de la famille d'Oussama Ben Laden et qui n'avaient pas voulu conclure d'alliance avec Manille – ont tous fini par prêter allégeance à l'Organisation Etat islamique encore très active dans le sud du pays. Ces groupements sont tellement actifs dans la région que ce dimanche matin, 28 Janvier 2019, 27 personnes seraient mortes et près de 80 autres auraient été blessées au cours d'un double-attentat à la bombe dans l'enceinte et sur le parking d'une église de l'île de Jolo pendant la messe dominicale. Bien que n'ayant pas encore été revendiquée, cette attaque terroriste ne pourrait provenir que du groupe Abou Sayyaf bien implantée dans la région. C'est dire que le chemin vers la paix dans l'ile de Mindanao est encore parsemé d'embûches mais attendons pour voir…