Le bras de fer se poursuit entre le fisc et les robes noires. Le syndicat des avocats du Maroc a opposé son niet à l'accord conclu entre la Direction générale des impôts et l'Association des ordres des avocats portant sur la régularisation de leur situation fiscale. Ce compris les invite à procéder spontanément aux rectifications qu'ils jugent nécessaires, compte tenu des éléments déclarés et des insuffisances relevées. Ce qu'ils qualifient d'accord unilatéral. Contacté par Al Bayane, Maître Mohamed Chmaou, avocat au barreau de Rabat, prend à partie l'association des ordres des avocats. Pour lui, cette organisation n'est pas en mesure de prendre des décisions au nom des avocats dans la mesure où elle ne représente pas la profession. De son côté, l'association veut se dédouaner de toute responsabilité via un communiqué publié vendredi. Elle réagit aux reproches du syndicat, affirmant que sa mission s'est limitée à recueillir les propositions de l'administration fiscale. Et de poursuivre qu'aucun accord n'a été paraphé. Il ne s'agit que de propositions présentées devant les parties concernées, à mesure que chacun présente son avis. Cependant, le syndicat réagit aussi bien sur la forme que sur le fond. Le syndicat estime que les reproches formulés par la DGI manquent de fondements. Aux yeux de l'administration fiscale, «toutes les déclarations déposées à ce jour par les avocats sont erronées, sans toutefois préciser la nature et le poids des défaillances relevées», déplore-t-on. Les robes noires reprochent à l'administration fiscale de ne pas présenter des preuves quant à l'écart relevé entre leur situation et les revenus déclarés. Contacté par Al Bayane, un avocat basé à El Jadida estime que la procédure ouverte par la DGI ne respecte pas le principe d'équité fiscale. Pour lui, il aurait été préférable de traiter les demandes au cas par cas, en prenant en considération notamment le nombre et la nature des affaires traitées par an et le niveau d'honoraires qui diffère d'une ville à l'autre. D'autant plus que la profession d'avocat ne revêt pas un caractère commercial, dit-il. La même source plaide pour la mise en place d'une période transitoire pour dépasser cette contrainte de temps. En effet, l'administration fiscale impose aux avocats de procéder aux déclarations rectificatives et au paiement avant le 31 décembre 2018. La base requise pour le dépôt de cette déclaration rectificative correspond au montant payé par l'avocat au titre de l'exercice fiscal de 2017). Sachant que la régularisation de la situation fiscale couvre les exercices 2014, 2015, 2016 et 2017. L'accord conclu avec l'Association des ordres des avocats prévoit cinq tranches sur la base de l'impôt payé en 2017. Ces tranches sont comprises entre moins de 30.000 DH pour la première et plus d'un million de DH pour la dernière. Cela-dit, l'impôt rectificatif payé par cette profession sera compris entre un minimum de 30.000 DH pour la première tranche et d'un minimum de 500.000 DH pour la dernière tranche. Les avocats payeront donc un maximum de trois fois l'impôt payé en 2017. Si l'accord prône une démarche volontaire, il n'empêche que ceux qui ne régulariseront pas leur situation subiront des contrôles fiscaux pouvant déboucher sur des redressements, selon les lois en vigueur. Le fisc pourrait contrôler les comptes bancaires des avocats, mais aussi ceux de leurs clients. Une mesure qui suscite l'indignation chez ces professionnels. Ce contrôle viole le principe du secret professionnel, d'après Maître Chmaou. Notons que la profession est déjà assujettie à la taxe professionnelle, en plus de la TVA. Aujourd'hui, le syndicat plaide pour l'adoption d'un système fiscal propre à la profession. Objectif : réduire la pression fiscale qui pèse sur les robes noires. Dans son communiqué, le syndicat affirme que la majorité des avocats traverse une situation financière critique. Ceux qui en pâtissent le plus sont les juniors.