Budapest est le théâtre d'incessantes manifestations depuis que, le 12 décembre dernier et pour faire face à l'importante pénurie de main d'oeuvre, le gouvernement de Viktor Orban a apporté un amendement au Code du travail considéré comme étant «esclavagiste» par les hongrois dès lors qu'il permet aux entreprises d'imposer légalement à leurs employés jusqu'à 400 heures supplémentaires. En rappelant que les parlementaires avaient réuni plusieurs propositions et tout voté d'un seul coup alors qu'il «n'est pas normal de faire passer autant de choses en appuyant simplement sur un seul bouton», les manifestants dénoncent un processus législatif particulièrement expéditif. Aussi, réclament-ils, également, la suppression de la loi adoptée le même jour et portant sur les juridictions spécifiques aux appels d'offres et aux contentieux électoraux au motif qu'elle porterait atteinte à l'indépendance de la justice. A noter que c'est la première fois ce dimanche, depuis le retour au pouvoir de Viktor Orban en 2010, que l'opposition – toutes tendances confondues – a fait front commun en défilant sous une même banderole. Réunis devant le siège de la télévision publique qui est devenu le nouveau symbole de la fronde contre le gouvernement, les manifestants qui ont tenté en vain ce lundi de diffuser un message de revendication, ont accusé cette dernière de faillir à la mission qui lui est dévolue en ne donnant pas une information objective mais en se pliant aux injonctions du premier ministre nationaliste. Bien que les méthodes «autoritaires» de Viktor Orban soient régulièrement critiquées par l'Union Européenne qui lui reproche ses atteintes à l'indépendance de la justice et des médias et qu'en Septembre dernier, l'Article 7 du traité de l'Union Européenne permettant à l'instance continentale d'imposer des sanctions à un pays membre avait même été votée à l'encontre de la Hongrie par les députés européens, le Premier ministre hongrois n'avait pas connu une contestation d'une telle ampleur depuis celle d'Avril 2017 lorsque près de 40.000 manifestants avaient dénoncé une loi visant l'Université d'Europe centrale dont le financement avait été assuré par le milliardaire libéral américain George Soros. Pour Françoise Pons, journaliste au Figaro et auteure de «Hongrie : l'angoisse de la disparition», le secret de la longévité d'Orban qui a passé, en cumulé, 12 ans à la tête de la Hongrie, est qu'il est parvenu à répondre «aux attentes du pays notamment sur les questions économiques et d'immigration» alors que l'opposition s'est trouvée dans l'incapacité «de proposer une alternative claire». «Avec cette loi, dira Catherine Horel, directrice de recherche au CNRS, Viktor Orban touche à quelque chose qui concerne tout le monde : le travail». Aussi, n'interpellera-t-il pas la seule élite intellectuelle de Budapest mais tous les hongrois. Le mouvement de protestation risque donc de s'étendre bien au-delà de la capitale car les hongrois ont bien du mal à accepter que, pour pallier la pénurie de main-d'œuvre dans un pays en plein essor économique, le gouvernement continue à fermer ses portes à l'immigration et leur demande «de travailler plus sans majoration des heures supplémentaires». La rue hongroise est-elle à même de faire plier le Premier ministre Viktor Orban et de le contraindre à ouvrir les frontières du pays à une main d'œuvre étrangère ? Possible car le personnage est très pragmatique et que la situation est très complexe; alors attendons pour voir…