Passer d'une extension quantitative à une dimension plus qualitative pour la réforme du système éducatif : Voilà en somme l'ambition de Saaïd Amzazi, ministre de l'Education nationale, de la formation professionnelle, de l'enseignement supérieur et de la recherche scientifique. Le chef du département de tutelle qui fut l'invité spécial de la table ronde du PPS, est venu présenter, vendredi 30 novembre, sa formule ou plutôt la vision de l'Exécutif, contenue dans le projet de loi-cadre 51.17. Le but escompté par l'adoption de ce texte, est de tirer vers le haut un secteur englué dans la médiocrité et tant décrié pour ses outputs. Pourtant, le chef du Département de l'Education et de la Formation n'a nullement l'intention de s'inscrire en faux par rapport aux réformes précédentes pour faire aboutir ce chantier crucial pour le devenir du Maroc. Des efforts, certes, ont été consentis, mais il reste un long chemin à parcourir, a-t-il laissé entendre. Ces efforts ont porté essentiellement sur l'extension significative du taux de scolarisation passant de 50% à 90% dans le monde rural. Mais au delà de l'augmentation du taux de scolarisation, tout le monde est d'accord aujourd'hui que l'enjeu principal consiste à rendre plus performant notre système éducatif dans le dessein de se mettre au diapason des standards internationaux, a indiqué le ministre. Il faut dire, selon le conférencier, que tout perfectionnement de notre système éducatif ne peut se produire sans une restructuration du modèle pédagogique et ce à travers la mise à niveau de l'arsenal juridique, jugeant que le projet de loi-cadre 51.17 est sans précédent dans la législation portant sur le système éducatif. Atteindre un tel objectif, nécessite avant tout une appropriation collective des enjeux du projet, a-t-il insisté. Autrement dit, la mise en œuvre de la loi-cadre, actuellement dans la phase finale du processus législatif, requiert une implication et une adhésion de tous les acteurs principaux : managers d'écoles, corps enseignant et familles, étant donné que l'enseignement est une question sociétale, a-t-il noté. D'où la nécessité de l'élaboration de la loi cadre, qui constitue «un document juridique contractuel et engageant pour toutes les parties». Des chiffres alarmants! Evidemment, la réforme, n'en déplaise à certains, a un coût, mais le plus essentiel, c'est d'instaurer les mécanismes de la bonne gouvernance pour réussir ce chantier, la consécration de la régionalisation et la mise en place d'un modèle de gestion accordant plus d'autonomie aux décideurs des établissements publics, a-t-il lancé. Ainsi, à l'instar des académies, le ministre a l'intention de développer davantage l'autonomisation des universités au niveau de chaque région et une gestion qui se conforme au principe de l'évaluation, la responsabilité et la reddition des comptes. Abondant dans le même ordre d'idées, il a dévoilé quelques chiffres alarmants sur les défaillances de l'enseignement supérieur, notamment les universités à accès libre dont la rentabilité demeure mesquine, nonobstant l'engagement des professeurs. A l'en croire, seulement 15% des étudiants parviennent à décrocher le diplôme de la licence dans le délai légal. Encore plus, 43% des inscrits renoncent à l'université après y avoir passé 4 ans et sans même parvenir à obtenir aucune attestation de scolarité. S'agissant de la déperdition scolaire, il est vrai, a-t-il expliqué, que le taux à l'échelle nationale se situe à 1% dans le milieu urbain mais ce taux atteint dans le milieu rural 5,7% et s'élève à 12% dans le collège et 10% dans l'enseignement secondaire. Une situation due essentiellement à des mécanismes générateurs économiques et socioculturels, a-t-il ajouté. «Cela représente un vrai gâchis et constitue un énorme gaspillage d'énergies et d'argent», a-t-il déclaré. Et d'ajouter, «Au lieu de subir la réalité, il faut passer à l'action et il est temps de mettre une rupture avec le passé». Le numéro Un du département de l'Education et de la Formation a révélé que l'année 2019 sera cruciale pour revoir le système d'accès libre à l'université, tout en soulignant que cet espace restera ouvert à tous les titulaires du baccalauréat mais avec de nouvelles conditions et de nouveaux pré-requis. Ainsi, le conférencier a cité le cas de 28% des bacheliers des branches scientifiques qui se dirigent vers les sections de droit arabe. Il s'agit pour lui d'une conduite aberrante qui nous renseigne d'abord sur l'absence d'orientation et traduit la faible compétence des élèves en matière de langues étrangères. «C'est une orientation d'échec qui traduit parfaitement la problématique de l'adaptation de l'université au marché de travail», a-t-il affirmé. Aussi, l'intervenant a évoqué également la question du taux de croissance en lien avec l'emploi. En termes plus clairs, les postes d'emploi crées annuellement s'élevant à 80 mille ne peuvent pas satisfaire l'abondance de la demande, étant donné que le nombre des lauréats à l'échelle nationale se situe à 250 mille pour chaque année. « Cela représente un véritable dilemme, car pour absorber le flux annuel des diplômés, il faut un taux de croissance d'au moins de 7%», a noté le ministre. Sur un autre registre, le ministre du Mouvement populaire (MP) s'est attelé dans son intervention sur le problème de la dégradation voire l'effondrement des valeurs morales et éthiques auprès des élèves considérant, dans ce sens, que la cellule familiale est un acteur principal voire une pierre angulaire pour mener à bien le chantier de la réforme. Ainsi, le projet de loi-cadre 51.17, qui s'inscrit dans le cadre d'une politique publique et qui se veut innovante et plus moderniste, trouve son origine dans les discours de SM le Roi Mohammed VI, la Constitution 2011, la vision stratégique de la réforme 2015-2030 et les conventions internationales portant sur les droits de l'enfant, de la femme, entre autres, a indiqué le conférencier. Les principes fondamentaux de la réforme Selon le ministre, ce projet consacre le principe de la globalité dans la concrétisation de la réforme et ce dans le cadre d'une vision intégrée et systémique conformément à une ingénierie institutionnelle garantissant la complémentarité entre les acteurs principaux et un management transversal avec des objectifs SMART (Spécifique, Mesurable, Ambitieux, Réaliste et Temporel). Cela étant, la réforme a des objectifs spécifiques, mesurables ambitieux, réalistes et temporels, dans une perspective à court, à moyen et à long terme. Soit pour une période allant de 3 ans à 10 ans. La loi-cadre prévoir, outre l'intégration de manière progressive de l'enseignement préscolaire au sein de l'enseignement primaire, une extension de la période de la scolarité obligatoire pour tous les enfants et ce à partir de 3 ans jusqu'à 16 ans. Par une telle mesure, le projet de loi a pour objectif d'augmenter la moyenne des années de scolarité et lutter contre l'analphabétisme et la déperdition scolaire. Une moyenne qui se situe actuellement à 5 ans et 6 mois pour les jeunes âgés de plus de 15 ans, plaçant ainsi le Maroc dans le rang 136 parmi 175 pays au niveau mondial. En sus, l'extension de la scolarité passe par la mise en place du principe de la discrimination positive au profit des milieux ruraux et des zones périurbaines. L'objectif escompté est celui de réduire les inégalités socio-spatiales, a expliqué le ministre. Qui plus est, le projet de la loi-cadre souligne l'importance du développement et de la mise en place d'un nouveau modèle pédagogique pour être au diapason avec les pays développés. A cela s'ajoute aussi le renforcement des compétences linguistiques des élèves par la valorisation des langues étrangères les plus influentes notamment dans les matières scientifiques. Sur un autre registre, Saaïd Amzazi a appelé à lutter contre les stéréotypes et les images négatives que se fait la société à l'égard des centres de la formation professionnelle, tout en faisant savoir que son plan de réforme vise à développer et adapter le contenu des formations professionnelles aux exigences du marché. Bref, le projet de la loi-cadre s'assigne comme objectif le développement du système d'orientation scolaire et professionnelle sans oublier la requalification et la valorisation des ressources humaines à travers des programmes de formations continues. Une telle ambition nécessite une enveloppe faramineuse. A titre d'exemple, trois sessions de formation de 15 jours par an coûteraient à l'Etat environ 1,5 milliard de DH. Globalement, la concrétisation de ce projet dans son intégralité requiert un montant de 10 milliards de DH par an. Le projet de la loi-cadre prévoit aussi le renforcement et la régulation du secteur de l'enseignement privé en veillant à octroyer une autonomie totale aux universités publiques sur la base d'un contrat d'objectifs et de moyens et l'instauration d'un système d'évaluation équitable intégrant responsabilité et reddition des comptes, a-t-il fait savoir, tout en invitant les députés à s'atteler à l'examen de ce projet et à son approbation dans les plus brefs délais. Et de conclure que « la réalisation des objectifs de la réforme constitue une priorité nationale et une responsabilité partagé entre l'Etat, la famille, les instances de la société civiles, les opérateurs socioéconomiques et les collectivités territoriales…».