Pourquoi la lutte contre le tabagisme piétine-t-elle? Pour la Conférence des parties de l'OMS pour la lutte anti-tabac (FCTC), la réponse est claire. Ce sont les industriels du tabac, qui sont un frein à l'application de la convention-cadre de l'OMS pour la lutte anti-tabac élaborée depuis 13 ans et censée contribuer à réduire le tabagisme à l'échelle mondiale. Cette semaine, les organisateurs de la Conférence des parties de l'OMS pour la lutte anti-tabac (FCTC) ont opposé un niet catégorique à la participation des cigarettiers aux débats de la conférence qui réunit cette semaine 137 pays à Genève. Un vieux conflit qui refait à chaque fois surface. La lutte contre le tabagisme est à l'origine d'une rixe entre les industriels du tabac et l'OMS. En effet, la branche de l'OMS en charge de la lutte contre le tabagisme estime qu'il est temps d'avancer en matière de lutte contre ce fléau, sachant que le tabac tue chaque année 7 millions de personnes. Les cigarettiers seraient pointés du doigt comme la principale cause empêchant des avancées pour éradiquer le phénomène. Rappelons qu'en 2017, l'agence de presse Reuters avait déjà publié des documents dans lesquels elle braquait les lumières sur les manœuvres du cigarettier Philip Morris pour empêcher la lutte contre le tabac menée par l'OMS. Les documents révélaient entre autres le lobbying mené par le cigarettier pour contrecarrer la généralisation du paquet neutre, sans couleur, une mesure inscrite dans la Convention cadre pour la lutte contre le tabac… Selon la FCTC, «l'ingérence de l'industrie du tabac, combinée à l'émergence de nouveaux produits du tabac, continue d'être considérée comme l'obstacle le plus sérieux à l'application de la Convention». D'où l'interdiction cette semaine aux industriels du tabac de prendre part aux discussions de la FCTC qui réunit 137 pays à Genève pour enrayer le fléau. Une accusation qui n'est pas du goût des industriels qui se défendent bec et ongles et font valoir que leurs nouveaux produits (cigarettes électroniques…) sont à même de permettre d'éradiquer le phénomène dans le monde. Lundi dernier, les organisateurs ont fermé les portes aux géants du tabac, arguant que permettre une participation des cigarettiers aux débats était synonyme de complaisance et de laxisme en matière de lutte contre le tabagisme. D'ailleurs la cheffe du secrétariat de la convention-cadre, la Dr Vera Luiza da Costa e Silva, n'y est pas passé par quatre chemins, déclarant que «L'industrie du tabac ne ménage pas ses efforts enragés en mobilisant des budgets astronomiques pour saper l'application du traité». L'objectif des organisateurs en limitant l'accès aux débats uniquement aux délégués des différents pays serait de mettre fin à l'influence des industriels dans l'application de la convention cadre. Quant aux cigarettiers, ils veulent coûte que coûte être associés aux discussions sur la lutte contre le tabagisme. Dans une tribune du public, le vice-président de la stratégie de réglementation de Japan Tobacco International (JTI), Michiel Reerink, a expliqué que l'objectif des cigarettiers n'est pas d'exercer une influence, mais de présenter son point de vue. «Nous estimons que nous devrions faire partie de la conversation», a déclaré pour sa part la vice-présidente de la communication scientifique de Philip Morris, Moira Gilchrist. En plus de vouloir participer aux discussions, les industriels de la cigarette appellent les décideurs politiques à réduire les taxes et demandent le droit de promouvoir leurs nouveaux produits, comme étant moins nocifs que d'autres. Ce qu'ont soutenu quelque 72 scientifiques et experts dans une lettre ouverte au directeur de l'OMS, soulignant que les nouveaux produits offrent «la perspective de gains importants et rapides en matière de santé publique». L'Alliance pour la convention-cadre ou l'ONG Corporate Accountability, des organisations qui soutiennent la FCTC, restent quant à elles, sceptiques sur les preuves des avantages de ces produits alternatifs apportées par les scientifiques. Elles estiment d'ailleurs que ces «preuves scientifiques sont financées par l'industrie du tabac». Une vraie crise de confiance mine donc les relations entre OMS et cigarettiers. Elle ne date pas d'aujourd'hui. Les combats entre les géants du tabac et l'OMS remontent aux années 70. En 2014 déjà, le secrétariat du FCTC avait interdit aux cigarettiers d'assister à une conférence antitabac à Moscou. Convention-cadre pour la lutte antitabac C'est en 2005 que la Convention –cadre de l'OMS pour la lutte antitabac est entrée en vigueur, après l'adhésion de 40 pays. Le traité a été élaboré suite à la mondialisation du fléau du tabagisme. Un phénomène, facilité par certains facteurs, comme la libéralisation des échanges commerciaux, les IDE. Les dispositions majeures de cette convention concernent, notamment la mise en place de mesures financières et fiscales pour réduire la demande de tabac et d'autres mesures autres que financières, comme le conditionnement et l'étiquetage des produits du tabac, la réglementation de la composition des produits du tabac ; les dispositions pour réduire l'offre en tabac , à travers la lutte contre le commerce illicite des produits du tabac ; la vente aux mineurs du tabac…