S'adressant à la nation, ce jeudi 7 Juin, dans un discours télévisé dans lequel pour parler de lui-même il disait tantôt «je» tantôt «nous», le Président du Burundi, Pierre Nkurunziza, 54 ans, à la tête du pays depuis 2005, a pris tout le monde de court en annonçant son désir de vouloir «passer la main» en 2020 alors même qu'il vient à peine de promulguer, sans la faire adopter par l'Assemblée nationale et en se contentant seulement d'y apposer sa signature, une nouvelle constitution qui lui permet, certes, de se maintenir au pouvoir jusqu'en 2034 mais, surtout – et toute la nouveauté est là – de rétablir la monarchie. Mais s'il est vrai que cette Constitution, approuvée par 73% des électeurs, avait fait l'objet d'un référendum le 17 mai dernier, il n'en demeure pas moins vrai que c'est à coups de gourdins que les burundais avaient été appelés à voter «oui», qu'il leur était interdit de s'abstenir et que seules certaines formations politiques avaient été autorisées à prôner le «non». Mais que s'est-il passé pour que Pierre Nkurunziza change d'avis subitement alors qu'il n'a pas encore terminé son troisième mandat ? Rêverait-il de devenir Roi ? Il semblerait que oui... Arrivé au pouvoir à l'issue des accords de paix d'Arusha signés en 2005 et qui avaient mis fin à une guerre civile qui avait fait quelques 300.000 morts, cet ancien chef de guerre des Forces pour la Défense de la Démocratie (FDD) avait pris les rênes du pays après avoir été élu par le Parlement puis réélu, en 2010 pour un nouveau quinquennat, le dernier selon la Constitution en vigueur. Mais l'amour de Pierre Nkurunziza pour le pouvoir étant sans limites, les «promesses de réconciliation» de ses débuts à la tête du pays vont rapidement laisser la place à la corruption, au népotisme, au clientélisme et, bien sûr, à la rapine et à la violence politique quand en 2015, il va décider d'annoncer sa candidature pour les nouvelles élections présidentielles et même, selon un de ses anciens compagnons du maquis aujourd'hui en exil, de s'introniser roi au cours d'une discrète cérémonie qui s'était déroulée au nord-ouest de Bujumbura. Contestée par les burundais, cette élection qui s'était déroulée dans un climat de très grande violence avait poussé Adama Dieng, le conseiller spécial de l'ONU pour la prévention du génocide à dénoncer, dans les colonnes de l'Humanité, un «discours de haine» susceptible de «transformer un conflit politique en conflit interethnique». D'ailleurs, en l'espace de trois années, cette crise politique aurait fait, selon diverses ONG, 2.000 morts, 6.000 prisonniers et 20.000 disparus et poussé à l'exil près de 400.000 personnes. Dans son rapport, en date du 4 Septembre dernier, une commission d'enquête onusienne avait déclaré que des crimes contre l'humanité auraient été commis dans le pays depuis Avril 2015 ; date à laquelle, pour faire éviter des poursuites au chef de l'Etat, le Burundi avait décidé de se retirer de la Cour Pénale Internationale. Marqué par une soif de pouvoir absolu, le parcours de Pierre Nkurunziza, maquisard devenu président puis rêvant d'être roi, s'est toujours appuyé sur la violence politique et la prédation mettant la main sur tout si bien qu'aucun secteur de l'économie n'échappe au pillage, à la corruption et aux malversations du clan présidentiel car s'il a toujours clamé qu'il croit en Dieu et au Burundi, Pierre Nkurunziza «croit surtout à l'argent». Maquisard devenu président du Burundi de 2005 à aujourd'hui, Pierre Nkurunziza parviendra-t-il à s'introniser roi envers et contre tous en suivant les pas d'un certain Jean-Bedel Bokassa le 4 Décembre 1977 en République Centrafricaine ? L'époque n'est plus la même quarante ans plus tard mais attendons pour voir...