La télévision est un instrument de pérennisation de stéréotypes et de clichés et ne reflète pas les évolutions sociétales. C'est la conclusion fondamentale rapportée par l'étude réalisée par le bureau d'étude LMS/CSA et relative aux «attentes de la femme marocaine en matière de représentation de son image dans les médias audio-visuels». Les résultats de cette étude ont été présentés lors d'un atelier de restitution tenu mercredi soir à Rabat. La réalisation de cette étude s'inscrit dans le cadre de la mise en œuvre du Programme à moyen terme pour l'institutionnalisation de l'égalité hommes/femmes. L'étude vise à produire de nouvelles connaissances et données quantitatives et qualitatives sur la problématique de l'égalité de genre La finalité de l'étude étant de « générer de nouvelles connaissances et données qualitatives relatives aux attentes de la femme marocaine en matière de représentation de son image dans les médias audio-visuels. Elle a été effectuée en trois phases : qualitative, documentaire et quantitative. L'étude quantitative a été réalisée du 8 au 28 février et a porter sur un échantillon de 1500 femmes âgées entre 15 et 55 ans résidant en milieu urbain et rural et appartenant à des catégories socio-économiques différentes, dans toutes les régions du royaume. L'étude a porté sur trois thèmes dont les perceptions et vécus relatifs au statut et à l'image des femmes, perceptions et attitudes relatives aux représentations des femmes dans les média-audiovisuels marocains, attentes et aspirations relatives aux représentations des femmes dans les dits médias ; Les principaux enseignements de l'étude permettent de souligner la convergence considérable des résultats en termes de regards sur l'image des femmes dans les médias pour les différents profils de femmes interrogées. Concernant les perceptions relatives au statut de la femme en général, la situation des femmes est perçue comme ayant considérablement évolué et elles sont devenues instruites chez 94 % des femmes interviewées. En effet, sur l'effectif des femmes interviewées, 62 % d'entre elles, perçoivent le développement de l'accès à l'enseignement comme le changement majeur. Les femmes sont aussi devenues plus autonomes pour 20 % et libres pour 15 %. Concernant les perceptions relatives à l'image de la femme dans les médias, 77 % des femmes sondées perçoivent les médias marocains comme respectant l'égalité et l'équité dans la représentation numérique des genres, mais avec de fortes disparités entre deux univers dont l'information et l'animation d'une part et la publicité et les fictions d'autre part. Le premier univers de l'information et animation véhicule l'image de femmes élégantes et modernes, impliquées dans leur profession, engagées, compétentes, égales à leurs collègues masculins. Elles sont aussi valorisées et valorisantes pour les téléspectateurs. En revanche, l'autre univers, celui de la publicité et les fictions, il véhicule une image de femmes victimes, dévalorisées, peu respectées, déprimées, brimées, faibles et arriérées. Il s'agit de clichés dépassés, réducteurs et dégradants. La publicité et la fiction sont alors, les programmes les plus éloignés de la réalité des femmes et les plus dévalorisants pour elles. Chez 53 % des femmes sondées, la publicité est le genre qui ne valorise pas les femmes, alors que les programmes d'information constituent le genre valorisant le plus les femmes pour 95 % des sondées. Selon les résultats de l'étude, 35 % des femmes sondées considèrent que les programmes d'information représentent le genre reflétant le mieux la réalité, tandis que 18 % estiment que les programmes d'animation reflètent cette réalité. Cette part est de 18% et 4% pour la fiction et la publicité successivement. Selon les résultats de l'étude, la télévision véhicule des images contradictoires de la femme selon le type de programmes. D'une part, c'est l'image d'une femme élégante, instruite, indépendante, respectable et responsable dans les programmes d'information, et de l'autre, l'image d'une femme traditionnelle, manipulatrice, soumise, peu instruite, inexpérimentée, victime et écervelée dans les programmes de fiction et publicité. L'étude conclut que la télévision ne jour pas pleinement le rôle d'accompagnateur et initiateur des changements de la société et ne véhicule pas le concept de l'égalité entre les genres. La boîte cathodique est «clairement perçue comme un instrument de pérennisation et de renforcement des stéréotypes» affirme l'étude. Par ailleurs, et outre ses résultats édifiants, l'étude propose une série de recommandations pour renverser la tendance afin que la télévision joue le rôle de refléter les évolutions sociétales et aussi de les orienter et anticiper de manière positive. La télévision est alors appelée à « montrer les femmes dans leur diversité, de les valoriser dans la sphère familiale et aussi de montrer les réalités sans pour autant généraliser ni caricaturer. Et d'assainir les rapports entre les genres » Informer et sensibiliser, ensuite réglementer et contrôler, puis évaluer et assurer le suivi, ce sont les trois temps de la stratégie préconisée par l'étude. Cette stratégie est déclinée en une série d'objectifs et d'outils de travail. Prix «Vers l'égalité dans les médias» Le Ministère de la communication annonce la création d'un prix annuel «Vers l'égalité dans les médias» au sein des institutions partenaires du ministère, en l'occurrence les supports médiatiques et les diverses instances professionnelles œuvrant dans le secteur. Il s'agit d'un prix «destiné à récompenser l'excellence du travail journalistique en matière d'égalité hommes/femmes et à honorer les professionnels des médias qui intègrent ce concept dans leurs écrits et productions» a déclaré Khalid Naciri, ministre de tutelle porte-parole du gouvernement. Intervenant à l'ouverture d'un atelier de présentation d'une étude sur « les attentes de la femme marocaine en matière de la représentation de son image dans les médias audio-visuels», le ministre a aussi fait savoir que l'objectif visé étant de «promouvoir la culture égalitaire dans les médias, de sensibiliser aux enjeux de l'égalité hommes/femmes, d'améliorer l'image de la femme dans les produits médiatiques, et de dénoncer la discrimination fondée sur le genre dans la société marocaine». Ce prix, ajoute la même source, pourrait être organisé le 3 mai de chaque année à l'«occasion de la journée mondiale de la liberté de la presse, par le ministère de la communication en partenariat et en concertation avec les organisations professionnelles». «Ce rendez-vous sera l'occasion par excellence pour inviter les différents opérateurs médiatiques à contribuer à la liberté de la presse tout en incluant l'égalité entre femmes et hommes dans les pratiques journalistiques» a affirmé le ministre. M.Z. Khalid Naciri : La promotion de l'égalité est un projet de société Le Ministre de la Communication porte-parole du gouvernement, l'Ambassadeur du Canada au Maroc, le président de la Haute autorité de communication et de l'audiovisuel (HACA) et la Directrice de la femme au Ministère de développement social, ont souligné l'importance des médias audiovisuels dans la promotion de l'égalité entre les hommes et les femmes. Ils prenaient part aux travaux de l'atelier de présentation des résultats de l'étude réalisée par le bureau d'étude LMS/CSA pour le compte du projet du Programme à moyen terme pour l'institutionnalisation de l'égalité hommes/femmes. «Les médias qu'ils soient écrits ou audiovisuels, jouent un rôle majeur dans le façonnement de l'imaginaire collectif. Ils véhiculent des principes et valeurs, développent la diffusion d'idées», a déclaré Khalid Naciri, ministre de la communication à cette occasion. Mais les médias, a-t-il tamponné, peuvent également véhiculer des stéréotypes. «Ces clichés et stéréotypes ont beaucoup plus d'impact lorsqu'il s'agit de la télévision, car l'image influe incontestablement sur les comportements publics» a-t-il insisté. Pour Khalid Naciri, l'image de la femme dans les médias reste, comme dans d'autres pays «stéréotypée et empreinte de préjugés ne reflétant pas toutes les avancées réalisées en matière des droits des femmes et n'accompagnant pas tous les progrès accomplis dans ce domaine». Selon l'orateur, si le Maroc se distingue parmi les autres pays par la particularité de son expérience dans le domaine de l'égalité de genre, six années ne sont pas suffisantes pour que cette égalité soit acquise ; il faisait allusion à la durée consommée par le dit projet. «La promotion de l'égalité est un problème de société et un choix stratégique qui suppose un changement de pratiques et une évolution des mentalités. C'est un projet de société, les enjeux de genre nous interpellent tous dans nos valeurs et nos comportements quotidiens» a-t-il insisté. De son côté, le diplomate canadien a espéré que l'étude et ses recommandations permettraient d'améliorer l'image de la femme dans les médias. Quant au président de la HACA, il a plaidé pour travailler sur l'image de la femme, mais il faut changer la réalité. Pour sa part, la Directrice de la femme au ministère du développement social a mis en exergue les actions entreprises par son département dans le cadre de la Stratégie nationale pour l'égalité visant l'institutionnalisation et la promotion de l'équité et l'égalité à la faveur des femmes. M.Z.