La célébration d'un anniversaire quelconque est toujours un moment marqué par une certaine émotion. En ce qui me concerne, le journal Al Bayane a joué un rôle d'une importance cruciale dans ma trajectoire politique en tant que militant acquis aux valeurs progressistes. Je me rappelle quand le journal a été créé en 1972, alors que je venais juste d'intégrer les rangs du Parti. Je faisais partie de la Commission de la rédaction qui se réunissait à l'époque une fois par semaine sous la présidence du directeur fondateur, le regretté feu Ali Yata. J'avoue que j'ai énormément appris à l'occasion de mes rencontres régulières avec un certain nombre de militants qui se sont portés volontaires pour apporter leurs contributions ou plutôt élaborer des analyses sur tel sujet ou telle problématique. Ce fut pour moi un cas d'école. En fait, c'était l'occasion de se retrouver dans un organe de presse qui n'était pas comme les autres supports journalistiques. Autrement dit, c'était un organe de presse militant où la pratique journalistique était considérée en quelque sorte comme un « prétexte » pour que la revendication de la démocratisation de l'Etat puisse se frayer son chemin. Autrement dit, Al Bayane représentait pour moi, une école de pensée, d'action politique, de militantisme et de construction progressive d'une nouvelle doctrine nationale et progressiste dont notre pays avait besoin. L'étape suivante a débuté à partir de 1975. L'objectif escompté était celui de la préservation de l'intégrité territoriale et de la consécration de l'option démocratique de notre pays. Je me souviens à quel point feu Ali Yaya était fermement attaché à la nécessité d'apporter un témoignage au moins hebdomadaire sur la question du Sahara marocain. Je me rappelle une fois, lors de la tenue de la réunion hebdomadaire de la Commission de presse, il nous a demandé d'écrire un article sur le Sahara. Je me suis interrogé sur l'utilité de la rédaction d'un tel article alors qu'il n'y avait pas d'actualité là-dessus. La réponse de Si Ali a été on ne peut plus clair : sur la question du Sahara, nous n'attendons pas l'actualité. C'est nous qui la créons jusqu'à ce que nos revendications soient concrétisées, alors que les autres ont tendance à les oublier. Sa réponse fut pour moi une véritable leçon de patriotisme que je n'oublierai jamais. Il faut dire que la valeur ajoutée du journal Al Bayane est celle de continuer à lever haut l'étendard de la construction de la démocratie avec notre propre référentiel progressiste et socialiste. C'était du journalisme avec un souffle politique mitant et le journal Al Bayane incarnait un organe de combat pour la liberté, la justice sociale, la démocratie et les droits de l'Homme... Aujourd'hui, il n'y a pas de doute que le champ médiatique a encore besoin de la presse partisane, mais vu les conditions difficiles et par les temps qui courent, nous sommes passés à une autre phase. Il s'agit en fait d'une transition, d'une étape où le journalisme partisan était un front de lutte des partis politiques à une autre marquée par un environnement et un contexte substantiellement différent, en ce sens que de nouveaux acteurs sont venus occuper l'espace médiatique. Toutefois, cela nous interpelle sur les moyens en vue de renouveler l'action journalistique et d'une manière générale, l'action médiatique. Khalid Naciri