Le président tunisien Béji Caid Essebsi a adopté, mercredi, un ton de fermeté contre les tentatives de déstabilisation dans le pays, mis au défi par le durcissement de la grogne sociale et le piétinement de la relance économique. Dans un discours très attendu, M. CaidEssebsi a été catégorique sur la décision des autorités à combattre toutes les formes d'atteinte à l'Etat de droit, au moment où les manifestations se multiplient un peu partout, venant se conjuguer aux difficultés du gouvernement Youssef Chahed à remettre le train sur les rails. « Il n'est plus permis de couper les routes », a martelé le président tunisien, qui semble avoir épuisé toute sa patience vis-à-vis des protestataires entravant, surtout, la production du phosphate et du pétrole, les principales sources de devises en compagnie du tourisme et des exportations de l'huile d'olive et des dattes. « Après avoir consulté le Conseil de sécurité nationale (…), j'ai décidé que c'est l'armée qui protègera dorénavant les sites de production », a proclamé M. Caid Essebsi, visiblement profondément affecté par l'escalade qui envoie une image peu rassurante aux investisseurs et aux partenaires étrangers. Le président tunisien s'est dit « conscient » que c'est « une décision dangereuse », mais devenue « un impératif pour mettre un terme à cette situation ». « Lorsque l'armée va prendre ses responsabilités, il ne sera pas facile de traiter avec elle », a averti M. CaidEssebsi, insistant que l'Etat de droit reste « le socle de la démocratie ». Des protestataires bloquent, depuis quelques semaines, la production des sociétés pétrolières à Tataouine, dans le sud, réclamant la consécration de quelque 20 pc des recettes de ce secteur au développement dans cette région. « Les richesses nationales appartiennent à l'ensemble du peuple tunisien et non pas à une quelconque région », a répondu le président tunisien, qualifiant « d'irréalisables » les revendications des manifestants de Tataouine. Dans la foulée de cette effervescence sociale tous azimuts, des voix se sont élevées pour réclamer le changement du gouvernement, de plus en plus isolé, alors que d'autres sont allées jusqu'à demander des élections anticipées. « Ne comptez pas sur moi » pour aller dans ce sens, a lancé le chef de l'Etat, précisant que les élections législatives et présidentielles auront lieu « dans leurs délais juridiques et constitutionnels ». Il a, à cet effet, fait un clin d'oeil à ses rivaux politiques, qui « n'ont pas digéré » leur défaite aux élections de l'automne 2014, tout en les invitant à accepter l'alternance et les règles du jeu démocratique. Il faisait allusion à son prédécesseur Moncef Marzouki et à ses anciens alliés au pouvoir, qui ont récemment menacé de descendre dans la rue dans le cas de la promulgation d'un projet de loi sur la réconciliation économique destiné, selon eux, à « blanchir la corruption » sous l'ancien régime. Là aussi, le président tunisien parait déterminé à aller jusqu'au bout, en affirmant, sans pour autant prononcer le nom de la loi, que cette initiative est maintenant entre les mains de l'Assemblée des représentants du peuple (ARP, Parlement), désormais unique institution habilitée à s'y prononcer. « L'option démocratique est menacée de manière sérieuse », a-t-il averti, dans un appel de pied aux formations politiques « qui ont été agissantes et au-devant de la scène avant de régresser ». A l'opposé du sombre paysage politique, le président Caid Essebi s'est montré optimiste sur la situation économique, en faisant état d'une croissance « encourageante » au premier trimestre, les hausses respectives de 34% du nombre des touristes et de 56% des intentions d'investissement. La Tunisie demeure, cependant, mise à rude épreuve par un déficit budgétaire abyssal, devant dépasser 6% cette année, un endettement insoutenable, culminant à plus de 65% du PIB, ainsi qu'à la forte dépréciation du dinar, avec un effet immédiat sur le renchérissement des prix.