Christine Dumont-Léger est une femme de la terre. Elle puise son inspiration dans la nature. Elle est allée à la rencontre des femmes amazighes du Haut Atlas marocain. Ce périple a débouché sur un beau livre mettant en valeur ces femmes. L'ouvrage a été présenté lors de la 37e édition du Livre Paris. Nous avons rencontré Christine dans le pavillon du Maroc à Paris. Al Bayane : Vous avez consacré un beau livre aux femmes amazighes dont la présentation a eu lieu au pavillon marocain dans le cadre du salon international du Livre de Paris qui s'est déroulé du 23 au 27 mars. Pourquoi les femmes amazighes? Christine Dumont-Léger : C'est tout simplement parce que le Maroc est une terre de mon âme. Je suis une femme de la terre. Ce sont les Amazighes qui sont venus me chercher dans mes terres. Je suis donc allée les rejoindre, et nous nous sommes reconnues. Je pratique la terre. J'ai besoin de retourner et de retrouver l'origine du geste et de sa musicalité. Je suis allée voir ces femmes derrière les montagnes. Du coup, j'ai découvert leur quotidien quand elles chantent pour accompagner leurs travaux et tâches quotidiens du matin au soir. Elles chantent à chaque fois qu'elles se mettent en mouvement dans le tissage ou dans les champs. J'ai découvert leurs rituels quand elles se rapprochent de la terre, assises, proches du sol. Elles lancent un appel, racontent leur vie à travers les chants. Dans le tissage c'est pareil ! Quand elles se mettent à l'œuvre, le tissage est horizontal, et puis, elles se dressent verticalement, toujours assises et proches de la terre, elles tissent et se mettent à chanter. Elles chantent leurs peines, leurs amours... elles chantent tout ce qui se passe dans leur vie intime. J'avais besoin de les rencontrer. J'ai vécu avec elles dans trois villages de l'Anti-Atlas et du Haut Atlas marocain. Elles m'ont ouvert leurs portes et je suis retournée leur apporter leur livre en octobre 2016. Avant, j'étais en face d'elles et cette fois-ci, elles m'ont mise à côté d'elles. Maintenant, je fais partie des leurs. Comment avez-vous trouvé la poésie et les chants amazighs? Ce sont des femmes poètes au quotidien. Je ne suis intéressée ni au rituel ni aux cérémonies. Je les observe tout simplement quand elles chantent. Ces femmes respirent la poésie, elles inspirent la poésie parce qu'elles sont habitées par tout ce qu'elles font et sont reliées avec la nature. J'ai étudié dans les milieux ruraux, j'ai étudié les peuples éleveurs et cultivateurs... Ce sont des peuples très proches de la nature. Et c'est ça qui fait d'eux une population sensible et harmonieuse. Elles sont entières. En tant que Française, le problème de la langue ne s'est-il pas posé? Non. En fait, elles parlaient en amazigh et moi, en français. Nous nous comprenions malgré la diversité des langues. Nous nous sommes rencontrées au niveau des sens : dans l'écoute, le visuel, le toucher, les impressions. A mon avis, c'était la plus belle des rencontres parce qu'elle n'était pas intellectuelle. C'était plutôt une rencontre de cœur. Comment avez-vous traduit leurs chants? C'est uniquement la musicalité de ce qui j'ai reçu des chants que je retranscris. Le grain d'orge, l'eau qui coule dans les rivières, quand elles marchent pieds nus sur terre. C'est ça qui donne le chant en fait. Votre ouvrage est un beau livre où l'image et le texte se marient. Parlez-nous de la conception artistique de ce beau livre? J'avais fait une maquette et je suis allée voir mon éditeur Retnani au Salon du Livre en Mars 2012. Il l'avait acceptée. Dans cette belle œuvre, les femmes parlent et écrivent leurs pensées par le tissage. Elles écrivent toute leur vie intime à travers ces petits signes «secrets». Le tissage est une page d'écriture secrète et le tissu, un véritable alphabet. Le Maroc était l'invité d'honneur du Salon du Livre de Paris. C'est une très bonne chose que le Maroc soit l'invité d'honneur du Livre Paris.