Fils de Si Said, son père, et de Fatima Ben Amar, sa mère tangéroise, Ali Yata, qui a vu le jour dans la ville du Détroit, devait recevoir, dès son jeune âge, à Tanger une bonne éducation, sous le regard bien veillant d'un Alem qu'il respecte profondément tout au long de son existence, Si Abdallah Guennoun. La famille Yata s'installe en 1933 à Casablanca, dans les demeures toutes neuves à l'époque de la Nouvelle Médina, au 5, place de la Mosquée. Le jeune Ali suit en parallèle les cours du Lycée Lyautey et ceux de maîtres et nationalistes de la première heure comme Si BouchtaJamai ou Ahmed El Chinguitti, qui lui donnent à la fois une culture arabo-islamique de grande qualité, l'amour du Maroc et la volonté de lutter pour son indépendance et sa souveraineté. Comme dirigeant du Parti communiste marocain, il connait les prisons du colonialisme français, à Casablanca (Ghbila), Alger (Barberousse), Marseille (Les Baumettes), Paris (Fresnes, la Santé) avant de « fréquenter », au temps des années de plomb, celle de Derb Moulay Chérif (1963), ou encore El Alou (1969-1970), en tant que Secrétaire général du Parti de la Libération et du Socialisme, (PLS). Le dirigeant communiste marocain, qui est exilé de son pays natal jusqu'en 1957, sur ordre du Résident général Juin en 1952, est parmi les trois personnalités à bénéficier de la nationalité marocaine par décision de Mohammed V et de Hassan II, alors prince héritier, pour leur engagement dans la lutte pour le recouvrement de la souveraineté du Maroc. Ce Dahir royal est publié au BORM en date du 6 septembre 1958 et concerne Mouloud Mammeri, originaire de Kabylie, précepteur d'Hassan II, Abdelkrim Khatib, né à El Jadida d'une famille originaire de Mascara, dans l'ouest algérien, et Ali Yata. Enfin, pour clore ce rappel sur le parcours patriotique d'un authentique fils du peuple marocain, voici des extraits d'une conférence de presse tenue le 8 mai 1973 au Club de l'Union des Ecrivains du Maroc à Rabat par Ali Yata, alors secrétaire général du PLS clandestin et consacrée à la présentation d'un livre «le Sahara Occidental Marocain». Il déclare dans son allocution liminaire : «Notre pays est encore amputé d'une importante partie de son territoire, tant au Nord qu'au Sud. En particulier, l'Espagne franquiste maintient sous son joug notre Sahara Occidental et rien, pour l'instant, ne laisse présager qu'elle compte le rétrocéder à la mère-patrie...» et «Les puissances impérialistes et néo-colonialistes encouragent vivement cette opération de rapine alors que certains pays frères semblent la bénir sous cape, ne faisant pratiquement rien pour la mettre en échec... au point qu'il est permis de se demander si d'aucuns ne rêvent pas de voir le Maroc à jamais privé de son Sahara Occidental, ce qui rendrait possible son encerclement, faciliterait sa domestication et permettrait la réalisation de certaines ambitions». Les observateurs de la scène politique marocaine estiment que «le communisme et l'idéologie marxiste-léniniste au Maroc se sont identifiés au camarade Ali Yata». Militant de la première heure qui refusait les postes honorifiques, Feu Yata se mettait spontanément du côté de la classe ouvrière, en cette période marquée par tant d'assassinats, d'enlèvements et de scissions successives au sein des principales formations politiques. Un parti d'authentiques résistants Dès qu'il a pris les commandes du parti communiste marocain, après le décès en 1945 de Léon Soltane, son fondateur, Ali Yata s'appliquera, d'abord, à donner à ce parti un cachet purement marocain. Son souci était de marocaniser le parti communiste marocain (PCM) et surtout vulgariser ses idées et sa doctrine politique et philosophique, grâce au ralliement de centaines d'ouvriers, d'agriculteurs et d'intellectuels de tous les horizons. Le Parti Communiste marocain n'était encore, à cette époque qu'une simple section relevant du parti communiste français (PCF) et les Marocains y étaient tout simplement interdits. En effet, pour reconnaître officiellement le PCM et lui accorder son récépissé, l'administration coloniale avait exigé qu'aucun Marocain, aucun arabe et aucun musulman ne devait y adhérer. Et c'est ce qui explique, dans une large mesure, que les premiers membres de ce parti étaient essentiellement des Français, si ce n'est des juifs marocains. Yata, l'unioniste pragmatique Dès les années 70 et dans la foulée de la Marche Verte pour la libération du Sahara, Ali Yata se distingue par son pragmatisme. À travers son nouveau quotidien Al Bayane, il lance son nouveau concept fondé de la révolution nationale démocratique. Celle qui devrait, selon lui, mener le Maroc vers la démocratie dans le pluralisme et le respect des principes les plus élémentaires des libertés individuelles et collectives. Déjà, il s'éloignait des idées socialistes traditionnelles importées de l'ex-URSS, s'intégrait à sa société musulmane et faisait tomber son mur de Berlin. Le communisme est déjà abandonné, le socialisme marocain sera inspiré de la réalité du pays ou il ne le sera pas. Les militants du PPS doivent au camarade Ali Yata non seulement l'existence de leur parti, mais surtout son intégration en tant que partenaire incontournable de la Koutla et des forces nationalistes et progressistes.