En finirait-on de charger l'administration de tous les maux possibles et imaginables, qu'il y aurait encore place à des trouvailles ? Dans tous les pays du monde en effet, les services publics passent pour être l'une des formes les plus accomplies de la lenteur et de l'attentisme. Nos administratifs – et non pas administrateurs, comme on aurait tendance à les qualifier- n'échappent pas à cette règle universelle d'économie d'énergie dans la gestion des affaires publiques. On les dit même enclins à se surpasser. Qui de nous n'a pas attendu son tour dans une file d'attente aussi longue qu'un jour sans pain, pour enfin bouillir de rage contenue devant un guichet dont le préposé discute de choses qui n'ont rien à voir avec ce pour quoi il est payé ? C'est une situation commune. Ce qui l'est moins, c'est que réagissant contre ce sans-gêne flagrant et en avisant le supérieur hiérarchique du mis en cause, vous vous entendiez dire qu'il vaut mieux être conciliant pour ne pas avoir à subir l'ire de celui dont le comportement vous a mis en colère. Il se peut même que le conciliant supérieur hiérarchique y aille de sa petite note sur les difficultés qu'il y a à travailler dans des conditions aussi précaires que celles qui l'entouren. «Constatez qu'il est seul, le pauvre ; et qu'il y a fort à faire chaque jour que Dieu fait», vous dira t-il pour booster votre compréhension. Des exemples comme celui-là sont foison. De même qu'est familier le spectacle de guichets qui n'ouvrent qu'à neuf heures passées, quand l'horaire de travail -parfois affiché en lettres de lumière pour faire moderne- mentionne, quant à lui, les huit heure et demi comme début légal des prestations de service. Là, il n'y a pas même possibilité de trouver oreille attentive parmi la hiérarchie : le supérieur, lui, n'arrive qu'à dix heures. Or donc, si l'administration publique offre une image racornie de sa mission, si elle a mauvaise presse, c'est qu'elle y est pour quelque chose. Si tel n'était pas le cas, les gens n'en parleraient pas. Car, en vertu du principe qui veut que seuls les problèmes font débat et que les mérites ne viennent à discussion que par opposition à ce que sont les insuffisances, les gens ne parlent que de ce qui ne va pas, rarement de ce qui globalement tient la route. Sauf que dans le cas de nos administrations, il semble bien qu'il n'y ait même pas de route. A preuve : cette voie hiérarchique qui conduit à excuser d'office le subordonné, quand bien même il serait pris en défaut de négligence. Dit en termes crus, cela s'appelle l'impunité. Beaucoup d'experts en développement la tiennent pour l'origine des abysses s'agissant de la mauvaise gouvernance. Si la sanction n'existe pas, si elle n'honore pas le mérite et condamne la faute, elle met sur le même pied la bonne et la mauvaise attitude. Et comme en vertu du principe de la pénibilité du travail, les gens sont enclins à économiser leurs énergies, les choses sont naturellement portées à aller de travers. D'où la question ? Que faire ? Peut être ce qu'on faisait avant que le laxisme ne marcotte : sévir. Le code du travail prévoit des procédures en cas de manquement de l'employé à son devoir. Il faut simplement les agiter pour qu'il en sorte un mieux. Mais, pour cela, faut-il encore que la voie hiérarchique soit ouverte. Et surtout, que les administrés osent défier l'inertie. On sait que c'est une réalité dont l'éradication consomme beaucoup d'énergie.