Joaquin Phoenix et Toby Maguire sont végétariens, et visiblement leurs fans leur ont pardonné. Pourtant ils dérogent à une règle profondément ancrée dans la conscience américaine: pour être viril, mange de la viande. Que les «vrais hommes» n'aillent pas dire qu'ils mangeraient bien une quiche! Les femmes elles peuvent s'en tenir au chocolat, au tofu et aux yaourts. D'où viennent ces clichés? Les distinctions par genre de nos habitudes alimentaires ont-elles des origines génétiques, sociales? Voilà les questions posées par une éditiorialiste de Salon, Riddhi Shah, qui découvre au fil de son enquête que ces clichés ont bien plus de force aux Etats-Unis qu'ailleurs. Première hypothèse sur l'origine de ces différences: c'est une question de génétique. D'après Marcia Pelchat, une psychologue spécialisée dans la sélection alimentaire, les femmes sont génétiquement prédisposées à préférer les goûts plus sucrés, et ont une plus grande sensibilité aux goût amers. C'est pour cette raison que les cocktails pour les femmes sont souvent sucrés, pour masquer l'alcool, alors que les cocktails pour les hommes sont eux plus amers. Deuxième hypothèse: celle de David Katz le directeur du Centre de Prévention de l'université de Yale, selon lequel nos habitudes alimentaires s'expliquent par l'évolution. Les hommes, les chasseurs, voient la viande comme une récompense de leurs efforts, et ont également besoin de plus de protéines pour développer leur masse musculaire. Nos besoins caloriques différents peuvent ainsi être expliqués par l'accès différent que l'on avait à la nourriture quand nous étions hommes et femmes des cavernes. Autre facteur: les hormones. Les désidératas alimentaires des femmes pendant leur grossesse, ou pour certaines, avant leurs règles, peuvent expliquer pourquoi elles préfèrent manger tel ou tel aliment pendant l'année. Riddhi Shah prend l'exemple du chocolat, «l'aliment typiquement attribué aux femmes». Dans l'imaginaire américain en particulier, une envie subite de chocolat a toujours été considéré comme réservée aux femmes avant leurs règles et aux soirées pyjama post-rupture. Une étude d'une psychologue de l'Université de Monctlair, Debra Zellner, montre que 50% des femmes américaines ont des envies subites de chocolat alors que seulement 20% des hommes en ont. Cette même étude permet de constater la spécificité américaine. Debra Zellner a en effet constaté qu'en Espagne, les hommes et les femmes ont autant envie de chocolat les uns que les autres (25%) et à l'inverse qu'en Egypte les deux sexes s'en passent volontiers pour des aliments plus salés. D'autres études ont montré que plutôt que les filles, ce sont les garçons qui aiment les bonbons et les sucreries. L'auteure, qui est indienne, s'accorde une parenthèse personnelle en relevant que son mari ne peut se passer de sucre dans son alimentation alors qu'elle s'offre volontiers un whisky et un bon steak. Tout s'accorde ainsi pour dire que si les préférences alimentaires sont liées au genre, leurs différences sont en tout cas exacerbées par la culture américaine. Or ces habitudes se perpétuent, puisque les gens sont plus susceptibles de manger quelque chose quand ils l'associent à des qualités qu'ils aimeraient voir en eux. Un homme qui veut être fort et masculin a plus de chances de manger quelque chose qui est décrit comme fort et masculin. Dans la culture américaine, ce sera de la viande. La publicité alimentaire a son influence également, car elle est très spécifique aux Etats-Unis, d'après Brian Wansink directeur du Laboratoire de Publicité alimentaire à Cornell: C'est le prolongement de l'identité, un phénomène rendu possible par l'histoire américaine, où la nourriture n'a jamais manqué, a toujours été en abondance. Malgré l'épidémie d'obésité actuelle, les femmes américaines, et surtout les femmes riches américaines, ont tendance à faire très attention à leur poids –et c'est un autre facteur qui affecte les différences d'habitudes alimentaires. On ne demande pas aux hommes de surveiller leurs calories de la sorte, explique Paul Rozin, professeur de psychologie de l'université de Pennsylvanie. Mais est-ce que ces distinctions hommes/femmes peuvent changer? Peut-être, si l'on en croit la montée en puissance des buveuses de bière. Mais Paul Rozin n'en est pas si sûr, car le traditionnel repas familial, qui permet aux hommes et aux femmes de manger la même chose, tend à disparaître au profit des dîners au restaurant ou à emporter, où chacun choisit ce qu'il veut.