Fidèle à sa tradition depuis sa création, il y a quelques années, la fondation Fam'art se distingue encore par une initiative aussi originale que saisissante. En effet, cette structure associative, composée pour l'essentiel, d'artistes plasticiennes, entame, depuis le 27 novembre, une action baptisée «carnet de voyage». Ce périple artistique consiste, en fait, à marquer, dans un premier temps, trois villes du sud marocain, en l'occurrence Tafraout, Tiznit et Agadir. L'idée est de sceller les divers sites par des coups de pinceaux à même de valoriser le cachet patrimonial et de notifier la dimension esthétique au sein du vécu quotidien. Le grand mérite de la fondation est de transpercer le mutisme et de dépasser l'inertie. Munis de leur livret, les artistes se rendent sur les lieux adoptés, non pas au hasard, mais, pour des renvois révélés, durant la première phase de l'ébauche. Au fur et à mesure, ils s'ingénieront à enfanter des impressions et des effigies, en cohérence avec les propriétés ambiantes. Aucune notice prescrite n'est conjecturée dans cette épreuve. Seule l'inspiration de l'aquarelliste est sollicitée, dans un espace incitateur à la créativité. Il est donc question de convier la population à un banquet artistique où se croisent l'historicité spatiale et la contemporanéité novatrice du lieu en festivité plastique. L'activité est d'autant plus conviviale qu'elle appelle à des vertus dont le civisme occupe une place au soleil. Pour lancer cette action inédite, la fondation a jugé bon de faire appel, vendredi dernier, à une pléiade d'artistes et d'intellectuels afin de, tout d'abord, présenter ce projet, mais également, de faire preuve de partage et de communion. « On voudrait faire intervenir des intéressés en vue d'orner et dérouler le motif de l'esquisse, en stade de gestation. Les regards croisés autour d'une entreprise commune raviveront, sans nul doute, cet entrain qui se veut citoyen et symbiotique ! », claironnait Mohamed Sanoussi, illustre peintre, très connu pour son style patrimonial captivant, devant une assistance participant à ce débat sur les multiples manières de se rendre utile dans son terroir, avec les moyens de bord. Une occasion aussi pour Saïd Oubraim, artiste-photographe de grand talent, de conter, d'un air narratif émouvant, sa longue cavalcade au Tibet. Cette expédition aventureuse, révèle-t-il, lui a permis de côtoyer de très près, l'immensité de l'étendue tibétaine et les similitudes ethnique, vestimentaire, orfèvre et comportementale de son peuple, par rapport au nôtre, dans son mode de vie rupestre. La spiritualité cultuelle fait pareillement graver les valeurs, à travers des usages et des attitudes dont les âmes se purifient au quotidien et exorcisent les méfaits fossoyeurs de la chasteté humaine. Au cours de cet échange fructueux, on appréciera aussi l'intervention pertinente de Mohamed Bajalat, président du Forum Izorane. Effectivement, dans la dynamique de plus en plus ascendante qui tend à mettre en valeur le patrimoine ancestral de la ville, Izorane est désormais incontournable. Son attachement à cet idéal est d'autant plus ardent qu'il colle parfaitement à la résolution de Fam'art d'exalter cet esprit civique, par le biais de fresques artistiques, notamment au fameux cinéma Salam. Cette bâtisse abandonnée à son sort, qui git tel un mastodonte éventré au cœur de la métropole soussie, vient d'être citée, par des experts de l'architecture contemporaine de grande renommée mondiale, parmi les 10 monuments du 20e siècle au Maroc, à commencer par l'édifice de la banque du Maroc à Rabat. Une raison, parmi tant d'autres, de protéger ce fleuron patrimonial de la voracité foncière et de l'immortaliser par des actions plastiques nobles comme celle initiée, aujourd'hui, par Fam'art, en ces temps de désolation. Cette action de haute teneur civique est à saluer très vivement d'ailleurs...