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Mostafa Derkaoui, l'esthétique comme éthique
Le festival de Rabat lui rend hommage
Publié dans Albayane le 03 - 11 - 2015

Mostfa Dekaoui et le cinéma, c'est un récit de vie passionné et passionnant : il s'identifie au cinéma et le cinéma s'identifie à lui. Le rapport de Mostafa Derkaoui a avec la caméra est en effet un rapport d'appropriation.
Ce n'est pas un outil que l'on manipule; c'est une partie de soi; qui parle au nom de soi; le prolonge. Elle est l'expression d'un projet; d'un projet cinématographique.
Parce que justement Mostafa Derkaoui est un cinéaste habité par un projet. Son parcours se présente dans ce sens comme un itinéraire, à l'image du voyage odysséen, pour user d'une image qu'il affectionne quand il parle de scénario. Sa filmographie est un scénario ouvert sans cesse revu, remanié, revécu dans l'angoisse des interrogations de l'écriture.
Mostafa Derkaoui est une figure marquante de la cinématographie marocaine. Il en est tout simplement l'un des emblèmes. Après des études de cinéma à Lodz en Pologne, il rentre au Maroc en 1973. Comme un certain nombre de ses collègues, jeunes lauréats de grandes écoles de cinéma européennes, il rejoint le CCM. Mais dans son cas, se fut pour une courte durée. C'est déjà un indice sur un caractère et une personnalité. Il fait le choix du cœur et non de la carrière. Il fonde alors une société privée de production qui va lui permettre d'entamer la réalisation de son premier long métrage, De quelques événements sans signification (1974). Le film lui-même sera «un événement» et porteur de beaucoup de significations. Le contexte général de l'époque ne se prête pas à des exercices osés, y compris en termes d'images. En d'autres termes, ce n'était pas une ambiance idéale pour la sortie d'un film «extrémiste» comme Quelques événements sans signification. Pour filer cette métaphore politique, le film est «radical» dans sa forme et dans son contenu. A comprendre dans le sens où il va à l'encontre des schémas narratifs dominants. Mostafa Derkaoui a choisi, pour son premier essai de reprendre le cinéma là où il est arrivé avec les nouvelles avant-gardes européennes, le cinéma indépendant américain et le nouveau cinéma d'Amérique latine. L'intrigue classique est neutralisée au bénéfice d'une quête qui joue sur la mise en abyme filmique puisque nous sommes en présence du dispositif qui nous montre un film dans un film. Une équipe de cinéma cherche à réaliser un film sur le cinéma marocain tombe par hasard sur un crime et décide de suivre l'affaire. Il s'agit du procédé de détournement du récit policier classique au bénéfice d'une narration qui neutralise les codes de genre, creusant un écart avec l'horizon d'attente du spectateur habitué au cinéma dominant...au point de déranger le ministre de l'information de l'époque qui décide d'interdire le film. «Il ne faut pas que ceci voit le jour» ; après moult tractations, il ramena sa décision à une interdiction à l'exportation (sic).
De quelques événements sans signification fait partie aujourd'hui des films cultes de notre mémoire cinéphilique. Il est porté par une démarche esthétique qui n'est pas sans rappeler le cinéma de Cassavetes, la figure emblématique du cinéma indépendant et radical américain. Mon hypothèse est que «Evénements sans signification» de Derkaoui est frère de combat de Faces de Cassavetes (1968). On y retrouve en effet le même souffle contestataire qui bouscule le langage cinématographique standardisé. Une radicalité qui commence en fait avec le dispositif même de production tout à fait original. La lecture du générique du premier film de Mostafa Derkaoui est en soi un manifeste pour une nouvelle manière de faire le cinéma. Tout ce que le pays compte comme intellectuel est quasiment impliqué d'une manière ou d'une autre dans le film. Des peintres célèbres sont associés à la production. Le film s'ouvre in medias res ; sans scène d'exposition classique. Une série de plans rapprochés; une multitude de visages, cheveux longs et rebelles; barbes révolutionnaires ; la bande son en contre-point joue sur un autre registre. La caméra, portée à l'épaule est toujours en mouvement ; suit tel acteur puis rebrousse chemin pour en suivre un autre. La caméra est impliquée dans ce corps à corps. Le montage imprègne un autre rythme et qui ne fait pas du raccord un dogme ; il privilégie plutôt le télescopage des plans. On part sur un mouvemente esquissé par un acteur, pour brusquement enchaîner sur un autre dans une suite de gros plans et d'inserts qui dialoguent autrement.
Férid Boughédir, le critique de cinéma tunisien qui avait co-dirigé le numéro 14 (printemps 1981) de CinémAction, consacré au cinéma maghrébin, avait émis des réserves à l'égard du style du film « D'aucuns affirment que l'hermétisme ou le symbolisme de certains films intellectuels sont parfois dans le tiers monde, la seule façon de détourner la censure en présentant masqué ce qu'on ne peut dire directement. Si dans certains cas, cet effort débouche sur des découvertes éclatantes, dans d'autres il aboutit aussi au pire des confusionnismes » écrit-il en substance... Sauf que dans ce cas marocain « l'hermétisme » supposé du film n'a pas empêché les décideurs de l'époque de bien comprendre son message et de l'empêcher finalement à tester son rapport au public.
Le projet portait donc déjà les limites de l'époque qui l'a vu naître: le rêve confinait à l'utopie. Mais cela n'a pas empêché Derkaoui de continuer à nager à contre-courant, proposant une certaine constance dans sa démarche globale marquée par une fragmentation du récit, un éclatement du système des personnages, un travail pointu sur l'image avec le recours (risqué d'un point de vue de la réception) aux images nocturnes, et un découpage polyphonique de l'espace narratif. Polyphonie conviendrait d'ailleurs comme un titre générique de l'œuvre deDerkaoui qui est riche d'une dizaine de longs métrages. Un chiffre qui le situe en très bonne position par rapport à ses autres confrères.
Fidèle à lui-même, Derkaoui nous propose oeuvre qui n'obéit à aucune logique de genre échappant à toute canonisation. C'est une œuvre affranchie au sens où l'on dit un Affranchi chez les Grecs de l'antiquité. Le cinéma de la modernité dont se réclame les films de Derkaoui instaure un système de référence à la littérature, à la peinture, au théâtre qui lui assure une légitimité artistique et une forme de lisibilité (en liaison avec un contexte culturel favorable). Le pari de Derkaoui est d'assurer cette cohérence par les seules vertus du langage cinématographique.
Il serait utile aujourd'hui de faire revivre cette mémoire dans des copies correctes pour opérer un échange avec les nouvelles générations de cinéastes et de cinéphiles.


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