Pour Mohammed Tozy, professeur de sciences politiques, expert consultant auprès d'organismes internationaux et spécialiste du mouvement islamiste marocain, le festival de Casablanca revêt une importance grandissante dans le domaine de l'enrichissement de la culture artistique des Marocains. Pour ce qui est des visions obscurantistes de quelques uns qui réfutent l'organisation de ce genre de manifestations, Tozi préconise le droit des Marocains à festoyer dans la tranquilité et la résponsabilité. Al Bayane : Comme vous le savez, le festival de Casablanca a démarré jeudi dans la capitale économique du Royaume. Selon-vous, quel symbole revêt l'organisation de ce genre de manifestations ? M. Tozy : Il existe plusieurs symboles à l'organisation du festival de Casablanca. La plus importante reste la diversité métropolitaine de la ville de Casablanca qui abrite cette manifestation. Ce festival n'est pas seulement un événement populiste. Loin de là, ça permet une grande cohésion et diversité sociale. Aussi, le gigantisme des scènes et le grand nombre du public marocain que nous observons lors de ce festival, témoignent de la grande capacité des Marocains à festoyer sans excès ni dépassement, ce qui donne une image d'un Maroc de modernité et de grande maturité culturelle. D'un autre côté, certains esprits appellent au boycotte des festivals organisés sur le sol marocain, du fait que ça constitue, selon eux, une dilapidation des ressources financières du pays et participent à la débauche des jeunes marocains. Que leur répondez-vous ? Les gens ont le droit d'avoir leurs avis qui peuvent diverger. Néanmoins, nous aussi, avons le droit de ne pas être d'accord avec cette manière de voir les choses. A mon sens, manifester n'a rien d'anormal ni de criminel et ne porte aucunement atteinte aux mœurs publiques. Les Marocains sont fatigués d'être guidés en permanence sans avoir le droit de donner leurs avis et manifester leur joie et dire oui à la vie, oui au divertissement raisonnable, non à l'obscurantisme. Personne n'a le droit d'obliger les Marocains à quoi que ce soit. Ce sont des choses dépassées et qui ont trop longtemps duré. Côté organisationnel, j'estime que toutes les conditions sont réunies afin de garantir la réussite de ce festival planétaire. J'appelle ceux qui désirent faire revenir le Maroc des siècles en arrière, d'aller voir le nombre de personnes qui se rendent au festival et à tous les festivals organisés dans notre pays, pour savoir que les Marocains qui démontrent un grand esprit de responsabilité, veulent être libres d'être contents. Quelques marocains se disent préoccupés par le volet sécuritaire du festival. Selon-vous, les Marocains peuvent-ils se rendre au festival de Casablanca sans avoir peur de possibles incidents ? Quand vous êtes amenés à gérer des centaines de milliers de personnes parmi le public en plus des artistes et la gigantesque logistique qui accompagne la tenue de ce genre de festival, c'est tout à fait normal qu'il y ait des difficultés et des possibilités d'incidents. C'est pour cela que les services de sécurité doivent s'acquérir de leurs tâches et garantir la sécurité des citoyens. Il ne faut pas oublier que dans la culture marocaine, et ce depuis longtemps, nous assistons à ce que j'appelle « l'auto-police». En d'autres termes, durant les festivals, des éléments de police sont présents mais méconnaissables, afin de palier à toute défaillance.