Le gouvernement est appelé à présenter des mesures «Choc» pour être en phase avec les changements politiques et constitutionnels prévus, souligne Abdeslam Seddiki, membre du Bureau politique du PPS et professeur universitaire. Figure à la tête des priorités, la mise en place d'un dispositif susceptible de favoriser une croissance forte et créatrice d'emploi, affirme-t-il. Plusieurs revendications à caractères socio-économiques ont été exprimées par les jeunes marocains. D'après-vous, Comment le gouvernement doit agir pour les satisfaire ? Il faut reconnaître, de prime abord, que les revendications économiques et sociales exprimées par les jeunes lors des marches pacifiques sont tout à fait légitimes. Elles ne sont pas d'ailleurs nouvelles. Elles ont trait à ce qu'il convient d'appeler les droits économiques, sociaux et culturels (DESC) tels qu'ils sont mentionnés par le Pacte international relatif aux DESC et ratifié par le Maroc en 1979. Il s'agit essentiellement du droit au travail, à la santé, à la sécurité sociale, au logement, à une alimentation saine, à l'éducation, à la culture…Sur chacun de ces droits, force est de constater que le Maroc enregistre un grand déficit nonobstant les efforts déployés au cours des dix dernières années. Que doit faire le gouvernement pour satisfaire ces revendications ? Rappelons que nous sommes en face de droits qui ne peuvent être satisfaits que progressivement. Par exemple, on peut accorder le droit à l'expression par une seule décision, mais on ne peut faire autant pour assurer l'emploi à tout le monde. C'est une donnée importante à prendre en considération. Mais le gouvernement, même dans sa composante actuelle et avec toutes ses limites, objectives du reste, peut faire beaucoup de choses comme il l'a montré au cours des dernières semaines : intégration de titulaires de doctorat et de master dans la fonction publique, rallonge de l'enveloppe consacrée à la caisse de compensation…Tout cela n'est pas suffisant. Il doit annoncer des mesures «chocs» pour accompagner les changements politiques et constitutionnels en perspective. A-t-il les moyens de jouer ce rôle de précurseur et de visionnaire ? That's the question. Au-delà des doléances coutumières, la barre des revendications est placée bien plus haut dans la conjoncture actuelle. Concrètement, quelles sont les priorités qui s'imposent aujourd'hui ? C'est vraiment difficile d'établir des priorités quand il s'agit de besoins fondamentaux de la population. Si on avait à choisir entre le canon et le beurre, le choix est vite fait. Mais on n'est pas dans une telle séquence. La population ne demande pas l'impossible. Elle cherche à assurer sa dignité. Or, celle-ci est tributaire de l'emploi. Disons, avec toutes les réserves, que la priorité doit être l'emploi et donc la croissance. Le gouvernement doit annoncer des mesures fortes pour créer les conditions d'une croissance forte et créatrice d'emplois. Tabler sur la fonction publique comme seule solution est porteur de risque. Le gouvernement, malgré les critiques dont il fait l'objet, doit montrer qu'il est capable de faire plus et de faire mieux. Sinon, il vaudrait mieux, dans l'intérêt du pays, qu'il s'en aille. Selon vous, comment le Conseil économique et social doit-il procéder pour concrétiser les revendications ? Il ne faut pas donner au CES les prérogatives qu'il n'a pas. Il est un cadre de réflexion, de débat et dans le meilleur des cas de propositions. Par ailleurs, le Conseil vient d'être créé, il est en train de s'organiser, d'arrêter son programme de travail. Certes, il peut aider, de par sa composition, à trouver des solutions à certains problèmes, pas plus. Disons en un mot que la situation est grave, mais elle est loin d'être désespérée. A condition que tout le monde veuille apporter sa contribution et en premier lieu ceux qui ont accumulé des fortunes des décennies durant. C'est le moment ou jamais de faire preuve de solidarité.