Le duel samedi au stade Vicente Calderon à Madrid entre les deux co-leaders de la ligue espagnole de football (Liga), Atletico Madrid et FC Barcelone (Barça), s'est achevé sur un nul blanc (0-0). Ce résultat invite à une lecture multiple et donne une leçon magistrale à tout entraîneur avide de voir son équipe sortie indemne d'un enfer footballistique et sans dégât. Les deux clubs partagent la tête de classement avec le même nombre de points. Ils sont conscients du grand défi à relever devant un adversaire (Real Madrid) qui partage la même ambition de finir la saison champion et avec la coupe du roi en poche. Le duel Atlético-Barça ne peut passer inaperçu dans les annales du football mondial pour les leçons léguées, les stratégies des deux entraîneurs et les tactiques appliquées par les meneurs de jeu des deux clubs. Deux clubs qui luttent pour le leadership mais évoluent avec deux styles différents. Si le Barça a un budget quatre fois supérieur, cette avance ne paraissait guère aussi grande sur le terrain. Le Barça excelle le tiki-taka (passes courtes et précises) mais l'Atlético a la vertu de perfectionner le pressing sur l'adversaire mettant en avant des joueurs qui luttent de la même manière que les titans d'antan. Le match a été aussi un duel entre argentins et brésiliens, des joueurs qui représentent deux grandes puissances du football mondial. L'école argentine du football domine, en fait, la Liga avec deux entraîneurs (Tata Martino et Simeone) qui inculquent les bases du football spectaculaire aux joueurs qui sont à leurs commandes. Le Barça compte dans ses files Leo Messi (actuel meilleur du monde) et Mascherano, un solide défenseur central. L'Atlético a bâti sa tactique sur la force et la rapidité de deux brésiliens, David Costa et Felipe Luis. Le duel de samedi est le troisième de la saison qui se solde sur un nul, ce qui confirme l'égalité entre les deux clubs. La Lutte demeure dure et sans vainqueur apparent. Le Barça gagne la partie grâce seulement au goal-average. Le choc n'a pas résolu l'inconnue de celui qui commande aujourd'hui dans la Liga. Les deux clubs ont bouclé la phase aller avec 50 points chacun mais le Barça remporte le titre symbolique de champion d'hiver. Le même club avait, l'été dernier, remporté la Super-Coupe d'Espagne à l'ouverture de la saison footballistique. L'aller, de cette complétion disputée au Vicente Calderon, s'est achevé sur un nul d'un but partout (1-1) alors que le retour, joué au Camp Nou, a fini sur nul blanc. Les catalans remporteront ce premier titre de la Liga grâce à la valeur double des buts marqués dans le camp adverse. Dans les trois duels, il n'y avait eu ni vainqueur ni vaincu. Les chances de remporter les titres en lice sont égales de manière que le Barça a perdu le statut de maître absolu de la Liga qu'il conserve depuis l'ère Guardiola. Samedi, les deux clubs ont eu l'occasion d'émerveiller le monde en offrant un match dont les protagonistes ont été les joueurs et les entraîneurs : jeu musclé, pression sur tous les fronts, effort mesuré. Une grande déception : il n'y a pas eu de buts en dépit des styles de jeu opposés. Avec l'espoir que les deux clubs maintiennent le même rythme de jeu (et avec le Real Madrid au 3e rang), la Liga s'avère spectaculaire dans l'attente de connaître le verdict du match en phase retour qui se jouera au Camp Nou. Parmi les conclusions à tirer du duel de samedi, il semble que le résultat nul a été accueilli avec satisfaction par les tous les protagonistes, y compris le Real Madrid. Si ce dernier gagne dimanche son match face à l'Espagnyol, il réduira la différente le séparant des co-leaders de deux points. Comment a joué chaque club ? Le Barça a débarqué au Vicente Calderon plein de confiance avec le retour de Léo Messi mais l'Atlético a semé des pièges au milieu de terrain en réduisant au maximum les espaces de jeu. Le Barça a réussi aussi à monter une défense plus solide pour freiner les contre-attaques et incursions de David Costa, David Villa et d'Adra Turan. Jusqu'à la deuxième mi-temps, le Barça a maintenu le contrôle du match et résisté en même temps à la pression de la ligne d'attaque des rouge-blanc. Avec l'entrée de Messi, le Barça gagne plus d'espaces et crée davantage d'occasions de buts. L'argentin jouait sans balle et en même temps attirait les défenseurs adverses loin de leurs parcelles habituelles. L'Atlético a pris la précaution de faire reculer ses deux lignes (centre et attaque) pour resserrer l'étau autour de Messi. Au moins, cinq joueurs assuraient la vigilance de l'argentin qui a pourtant réussi à inquiéter plus d'une fois Courtois, le portier de l'Atlético. Neymar, aligné également en deuxième mi-temps, a déstabilisé les plans de Simeone en menant sa propre guérilla dans le flanc gauche et créant des couloirs devant Messi. Les deux entraîneurs argentins, Tata Martino et Simeone, étaient conscients du moment de la Liga. Ils ne voulaient pas tout risquer. Les joueurs des deux clubs doivent lutter sur plusieurs fronts : Liga, coupe du roi, Champion ́s League et matchs internationaux avec leurs sélections respectives. Comme l'état de santé des joueurs prime, ceux-ci sont appelés à être pleinement en forme en mai prochain, un mois décisif pour les footballeurs. Autre conclusion. Martino a eu le courage de laisser au banc de touche Messi et Neymar. Son objectif est d'entamer la deuxième mi-temps à égalité et sans encaisser de but. Pedro, Fabregas et Alexis ont assumé la responsabilité de diriger les attaques et d'harceler la défense adverse. Les deux joueurs les plus rapides du Barça, Pedro et Alexis, n'ont pu briller à cause de la réduction d'espaces. L'Atlético a appliqué à la lettre les grandes lignes de sa tactique habituelle basée sur la pression et les contre-attaques. Il n'a pas pu marquer de but mais a gagné ses galons de solide co-leader et favori. Le football est aussi une science Ni l'Atlético ni le Barça n'ont inscrit de but mais les leçons du match feront partie du manuel des entraîneurs de football. D'abord, dans un duel entre deux co-leaders, Tata Martino a pris le risque de forcer Messi et Neymar à chauffer les bancs de touche durant 45 minutes avant d'être alignés. Personne ne peut s'attendre voir les deux génies de ces temps suivre le match comme de simples spectateurs. Simeone, par contre, savait qu'il avait l'obligation de marquer plus d'un but en première mi-temps avant que soit aligné son compatriote Messi, principale référence de l'attaque catalane. L'Atlético a réussi à avorter toute tentative d'attaque du Barça sans pour autant démontrer qu'il était en mesure de dominer pleinement le match. Il était sommé à suivre le jeu d'accordéon appliqué par le Barça et se déplacer suivant les mouvements des passeurs de balle. Il a souffert dans la récupération de la balle mais aussi dans l'organisation de loin des attaques. Ses attaquants arrivaient ainsi éreintés par la double tâche de défense-attaque. C'est le cas d'Adra Turan et de David Costa. Les espaces deviennent grands devant eux. Simeone savait aussi que la défense catalane est vulnérable dans certains aspects techniques. L'Atlético était sur le point de faire vibrer les filets catalans plus d'une fois lors de tirs de corners et coups de pied arrêtés. Martino, en l'absence de Messi et Neymar, a investi sa confiance en deux trios : Pedro-Fabregas-Alexis dans l'attaque et Busquets-Xavi-Iniesta au milieu de terrain pour leur assurer la garde. Pour désarmer ces deux trios, Simeone a opté pour une stratégie plus conservatrice (4-5-1) avec Costa comme pointe mais aussi comme vigile d'Alba, l'ailier rapide catalan. David Villa (un ex-Barça) l'a appuyé dans le harcèlement de la défense catalane. Le Barça su comment neutraliser Costa. Pedro, attaquant rapide, recule des mètres de temps à autre pour prêter main forte à la défense ; Piqué, défenseur central, a avancé sa position ; Busquets, Xavi et Iniesta gelaient la balle avec des passes courtes et millimétriques au milieu du terrain; Fabregas assumait le rôle de récupérateur et passeur de balle. Le jeu du Barça a été moins profond mais l'Atlético ne pouvait avancer de risque de léguer des espaces devant les rapides attaquants catalans. La substitution d'Iniesta (blessé) par Messi a révolutionné les schémas des deux entraîneurs. Fabregas cède son poste de fausse pointe à l'argentin en reculant sa position de quelques mètres. Messi n'a pas tardé de tenter sa chance en exécutant un shoot contre les bois gardés par Courtois. L'Atlético n'a pas baissé les bras et Costa, servi par Arda, était sur le point d'ouvrir la marque. Neymar entre en remplacement d'Alexis. Encore une fois, Simeone change de tactique et opte pour un jeu conservateur. Le duo Messi-Neymar intimide la défense adverse. Messi devient plus menaçant en campant en face des bois adverses et de la défense fatiguée. Tata Martino libère Alba qui commençait à progresser avec facilité pour services des passes à ses coéquipiers de la ligne d'attaque. Simeone, voyant comment les catalans récupèrent de la force et sont plus forts sur le terrain, ordonnait un regroupement de ses joueurs dans la défense pour finir la partie sans encaisser de but. Il n'y a plus de temps pour préparer des contre-attaques. Le Barça ne peut non plus réaliser en temps peu de minutes à la finale ce qu'il n'a pas pu faire durant tout le match. Les deux entraineurs optent aux ultimes minutes pour la résignation. La Liga est encore longue et les points se gagnent dans d'autres matchs. Les deux équipes se sont séparées sur la sensation de poursuivre la lutte pour se maintenir en tête de classement. Le partage des points a été équitable et les joueurs ont finalement fait montre du fair-play en échangeant les maillots et oubliant les douleurs causées par les tacles reçus de part et d'autre.