Engagé jusqu'à la lie dans ses choix littéraires et créatifs, il ne cache pas, dans un style satirique, ses critiques aux absurdités qui traversent ce monde. Aux banalités qui le prennent en otage. Il croit dur comme fer qu'il est de son devoir de les mettre en exergue pour pouvoir les abolir. Omar Alaoui Nasna dédie ses aphorismes à l'édification de lendemains meilleurs. Des lendemains sans hypocrisie, sans haine, sans tartufferie… et pour une société où la liberté reste la ligne rouge à ne pas dépasser. Entretien. Al Bayane - Vous avez publié, en 2012, trois livres, pouvez-vous nous parler des circonstances ? De nature j'aime le langage des animaux en hibernation. J'ai attendu jusqu'à l'âge de quarante ans pour publier mon premier livre «Khoubz Allah» (Pain de Dieu). Dans ce sens, je crois que le respect du lecteur devrait être plutôt une croyance chez les écrivains. Beaucoup d'éditions lèsent le lecteur en lui offrant un menu qui lui cause un malaise digestif incurable. Le retard que j'ai accusé pour publier ces œuvres est du ainsi cette conviction. Heureusement, ou malheureusement, la cascade créative a mis au devant tout ce que je renfermais en moi. Entre 2010 et 2012, j'ai pu donc sortir six livres, et je vais bientôt accoucher de mon septième livre. Seul et unique vœu est qu'il ne sorte par voie césarienne. Pour ce qui est des deux derniers livres, le recueil de nouvelles « Hors zone » et le livre d'aphorismes « Provisoirement, je suis Moi-même » couronnent un parcours que j'ai investi et qui met le lecteur au cœur de toute l'opération créative. Barthe a appelé à la mort de l'écrivain, et je me trouve entrain de commettre par préméditation ce magnifique crime dans ces deux livres. -”Hors zone” a été édité aux éditions Dar Al Ayn, en Egypte, Vos nouvelles trouvent preneur à l'étranger, comment cela se passe au Maroc ? J'aime bien les espaces vides. Une façon d'exprimer la liberté et ma haine frontale pour les restrictions. L'Egypte ouvre grandement ses portes à la création. L'écriture ne peut être en harmonie avec les restrictions morales, car elle meurt en tant qu'opération créative. Elle a besoin d'oxygène. Seule la liberté, donc, offre à l'écriture son cachet d'authenticité. Nous devons par conséquent mettre un terme au souci de faire des livres un document qui attend sa soumission au mufti/prédicateur ou à la guillotine. -Que faut-il faire donc ? Au Maroc, je pense humblement, que l'Etat a le devoir d'intervenir pour ériger la lecture en un acte existentiel. Ceci nécessite, bien évidemment, une révision du système de valeurs et d'une certaine manière de concevoir la culture. Tout ce pour quoi on combat aujourd'hui relève de ce chantier culturel, et l'on doit faire attention à ces valeurs qui ne sont plus que des marchandises alléchantes. -Vous aviez eu l'occasion au SIEL de dédicacer votre dernier livre, comment avez vous trouvé cette nouvelle édition, en comparaison avec les précédentes ? Lors du SIEL, j'avais eu l'occasion de lire les gens plutôt que les livres. Leur enthousiasme pour le livre, mais en même temps leur incapacité à s'acquérir leur préféré, vu les prix. L'Etat a l'obligation, à mon avis, de subventionner les livres, tout comme ion fait pour les matières de base. Le livre n'est-il pas une matière de base ? Le livre est une usine qui façonne les êtres. La société alternative ne peut naître qu'entre les deux bords du livre. Je suppose, donc que le ministère de la culture ne devrait pas concurrencer les maisons d'édition, mais de subventionner plutôt les éditeurs, ce qui en soi et indirectement, un soutien au lecteur. Le Maroc démocratique a un seul et unique hymne, c'est le livre. Pour ce qui est de la dédicace, elle a connu un grand succès, la preuve est que personne n'y a fait attention ! C'est aussi un signe que je ne me suis pas encore bien présenté, dans le sens du marketing. Je suis très heureux, par contre, parce que le rayon de mon livre est resté vide bien avant la fin du SIEL. Le lecteur a donc un point de vue qui n'a aucune relation avec l'opération de marketing. -C'est quoi être aphoriste en ces temps de crise à tous les niveaux ? L'idée n'est point de confectionner un produit fort demandé sur le marché. L'aphorisme est peut-être le seul produit qui ne périt pas et n'a besoin d'aucun emballage. Nous produisons parfois des bavures, non parce que la culture nous a privée de notre instinct sauvage, mais parce que nous avons combattu cette sauvagerie, sous le charme de la culture. L'écriture des aphorismes tente de renouer avec l'authenticité humaine. Elle remete tout en question, c'est pourquoi, ce genre ne plait pas à certains. Mais, il faut dire que ce sont précisément ces questions qui lui offrent son charme particulier. -Comment, à votre avis, peut-on accorder la place qui lui revient aux Aphorismes ? Les aphorismes doivent-ils être convaincus. Toutes les preuves sont là pour justifier sa violence et ses agressions quotidiennes. L'état de conviction est un cas relatif à une raison civilisationnelle. Les aphorismes ne laissent aucune trace du crime. Les preuves font toujours du crime, un acte parfait. Sincèrement, je suis convaincu que tous les gens sont souciés du sens de leur vie, du sens des choses et des actes. Et ce sont ces sens qui donnent vie et qui attisent le feu de l'aphorisme. Une vie éternelle.