Entretien avec le réalisateur, scénariste et producteur américain James Gray Né à New-York en 1969, James Gray grandit dans le Queens, puis étudie à l'école de cinéma et de télévision de la University of Southern California de Los Angeles. Il fait ses études de réalisateur en 1994 avec Little Odessa, son premier long métrage qui remporte le prix de la critique au festival du cinéma américain de Deauville et le lion d'argent à la Mostra de Venise en 1994. En 2000, James Gray écrit et réalise The Yards. Ce film est sélectionné en compétition au festival de Cannes. En 2007, son film La nuit nous appartient est sélectionné au festival de Cannes. En 2013, son film The Immigrant est en compétition au festival de Cannes. En 2012, le festival international du film de Marrakech accueille James Gray comme membre de son jury long métrage. En 2013, il intervient au cours des masterclass du festival du film de Marrakech, là où nous l'avons rencontré pour cet entretien... Al Bayane : Vous avez été au Maroc au cours de la 12e édition du festival de Marrakech. Qu'est-ce qui vous a encore motivé à y être en cette 13e édition? James Gray : Le festival international du film de Marrakech est un grand lieu de rencontre entre les acteurs internationaux. Je suis revenu au Maroc cette année parce que j'aime Martin Scorsese et j'étais très impatient de le rencontrer de nouveau. Par ailleurs, j'aime le Maroc. C'est un pays merveilleux, surtout la ville de Marrakech. La preuve en est que Martin Scorsese, président du jury du FIFM de cette année, a tourné deux films au Maroc. C'est assez extraordinaire de constater, quand on va à Jemaa El Fna, que cet endroit n'a pas beaucoup changé au cours du temps et garde toujours ses valeurs. Un mot sur James Gray ? Votre enfance a-t-elle impacté votre vision du cinéma? Oui en effet. Je crois que cela est probablement dû au fait que j'ai vécu très tôt les clivages sociaux. J'ai été élevé dans un voisinage pauvre. Je crois que mes parents, surtout ma mère avaient d'énormes préoccupations sociales et financières. La vie pour eux était une bataille. Quand je suis allé à l'école, j'ai vécu une expérience très unique. J'étais un mauvais élève, je passais mon temps dans des salles de cinéma. J'accordais peu d'attention aux enseignants. Ensuite, j'ai fréquenté un lycée privé. Cette expérience m'a impacté d'une certaine manière. Certains de mes camarades étaient de milieux très riches et me méprisaient. Dirais-je que je fais du cinéma d'évasion ? Probablement pas, parce que le type de films que j'affectionne d'autres personnes ne les qualifieraient pas d'«évasion». Le meilleur cinéma, selon moi, est l'opposé de l'évasion, c'est un cinéma qui nous rappelle ce que signifie être une personne. Je n'ai jamais été attiré par l'«évasion». Et votre dernier film "The Immigrant". Comment a-t-il été reçu par le public ? Il faut dire que cette fois-ci j'ai eu une meilleure réception aux Etats-Unis. Les critiques américains ont eu une réaction extrêmement positive. Mais, il y a eu bien évidemment des critiques acerbes et négatives. Ce qui est pour moi un bon signe, car en effet si tout le monde aime votre film, il y a sujet à s'inquiéter. Le film a une vie. Il est appelé à devenir mature et ce n'est qu'une, deux, trois voire quatre années plus tard que l'on peut commencer à appréhender ce qu'il est réellement. «The Immigrant» a connu des jugements hâtifs, j'en ai été témoin au festival de Cannes cette année. Il y a toujours des jugements hâtifs par rapport aux films, surtout au festival de Cannes. Chaque film que j'ai réalisé a connu une mauvaise réception au festival de Cannes et quatre ans plus tard, des gens m'appellent et me disent «j'avais tort. Je pense que ton film est bien.». Que signifie le cinéma pour vous? Quel est votre prochain film? Je n'ai en effet aucun critère de définition d'un bon ou d'un mauvais film. Ce que moi je cherche dans un film c'est de savoir s'il y'a une certaine sincérité dans la tonalité du film. Je ne sais pas en effet ce que sera mon prochain film. Jusques là, j'ai trois projets en cours. Je m'engagerai sur le projet qui se pointera le premier. Je déteste passer cinq ans sans produire de film et des gens s'amènent et me disent : « James, tu es très lent. Fais-nous un film. » « C'est assez difficile, si vous prélevez des fonds, je le ferai immédiatement », dis-je. Je cherche à maintenir les trois projets. Ensuite, je me dévouerai l'un à l'autre selon mes capacités.