Ahmed Fouad Nejm n'est plus Si l'échelle de Richter pouvait mesurer l'onde de choc qui a secoué tout un peuple suite à la disparition de l'un ses inlassables défenseurs, celui qu'a vécu l'Egypte en cette matinée du 3 décembre aurait titillé les sommets. L'annonce de la mort du poète populaire Ahmed Fouad Nejm à l'âge de 84 ans, a eu l'effet d'un puissant séisme sur les bords du Nil, mais aussi dans le monde arabe et bien au-delà. Et pour cause, ce natif de 1929, est devenu un célèbre poète politique dès les années 50 du siècle dernier. Régimes égyptiens successifs, mais aussi dictatures arabes, ont été la cible régulière de ses nombreux poèmes engagés, ce qui lui a valu de passer quelque dix-huit années dans les geôles de Nasser et Sadate. Ce dernier lui reprochera surtout d'être l'instigateur, à travers ses virulents poèmes, de la révolte estudiantine du 19 octobre 1979, que le Raïs avait qualifiée d'«Intifada des voleurs». Pour avoir successivement critiqué Nasser (surtout après la défaite de 1967 face à Israël), puis Sadate (pour les accords de Camp David) et Moubarak (à cause de son penchant trop dictatorial), Ahmed Nejm fut considéré comme le symbole du défi et de la critique acerbe contre les différents Raïs égyptiens. Même l'actuel régime n'a pas échappé à sa verve poétique. C'est ce qui explique peut-être que la télévision officielle ne lui a consacré, hier, qu'une laconique phrase, pour annoncer son décès, sans aucune autre forme de présentation de l'illustre défunt. Le combat inlassable d'Ahmed Fouad Nejm au profit des démunis sera consacré sur le plan international, lorsqu'il lui a valu d'être nommé ambassadeur des pauvres par l'Organisation des Nations unies en 2007 et ce à travers son implication directe dans la gestion du Fonds arabe de lutte contre la pauvreté. Son travail en duo avec feu Cheikh Imam Issa, plus connu lui aussi sous le nom de chanteur des pauvres, a boosté sa célébrité. En effet, le poème d'Ahmed Nejm le plus connu dans le monde arabe était chanté en prélude à tous les concerts de Cheikh Imam : «Quand le soleil se noie dans une mer de brume, Quand une vague de nuit déferle sur le monde, Quand la vue s'est éteinte dans les yeux et les cœurs, Quand ton chemin se perd comme dans un labyrinthe, Toi qui erres et qui cherches et qui comprends, Tu n'as plus d'autre guide que les yeux des mots.» Les œuvres d'Ahmed Fouad Nejm, nombreuses et variées, laissaient en général transparaître une profonde sensibilité aux problèmes des couches sociales les plus démunies, et un amour infini pour la liberté et la justice sociale. Une voie qu'aura à continuer sa fille, Nawara Ahmed Fouad Nejm, journaliste, activiste des droits de l'homme et blogueuse égyptienne qui a actuellement le vent en poupe, en cette étape politique cruciale que traverse aujourd'hui le pays des Pharaons.