Le débat sur l'adéquation entre l'économie et son développement d'une part et la protection de la nature d'autre part ne fait que commencer. La durabilité du développement est un concept, relativement récent, qui reste au niveau des vœux pieux quant à sa prise en compte dans des économies déjà engagées dans le productivisme et la promotion de la consommation sans aucune relation avec les besoins réels des populations. Les transitions nécessaires entre un modèle économique dont la ruine est déjà entamée par ses nombreuses crises et ses impacts néfastes sur la nature et un modèle économique qui se cherche entre la rupture totale avec l'ancien ou simplement l'amendement de ce dernier pour le rendre plus «propre» soulèvent des tensions à tous les niveaux. Au niveau international tout d'abord, où après les enthousiasmes des débuts, on se trouve face à des vétos mus beaucoup plus par l'intérêt égoïste des uns et des autres que par la volonté de «répondre aux besoins du présent sans compromettre la capacité des générations futures de répondre aux leurs». Il y a longtemps qu'aucune conférence internationale n'a pu aboutir à des résolutions concrètes pour faire face aux changements climatiques ou à la dégradation de l'environnement en général. La réaction des politiques se trouve anesthésiée par les difficultés des économistes à trouver des solutions pour respecter la capacité des écosystèmes à générer des richesses. Le constat des dommages causés à la planète largement reconnu n'arrive pas à mobiliser pour «éviter le suicide de l'espèce humaine». Homo sapiens aime beaucoup pioncer, et à toutes les latitudes, après avoir beaucoup (et mal) consommer que penser à «notre avenir commun». La tendance à généraliser le mode de vie à l'occidentale sur l'ensemble des sociétés et des territoires, malgré son échec apparent, reste prédominante. Elle ne tient aucunement compte dans sa mondialisation et sa globalisation galopante «des systèmes très hétérogènes du fait de leur différentes trajectoires évolutives ou historiques» sur lesquels elle s'exerce sans régulations adaptées. Les limites de l'action focalisée dans le temps et dans l'espace sont apparentes et n'arrivent pas à restreindre la pauvreté et l'exclusion au sein de la société. Par ces temps de crise, la disjonction entre l'environnement, l'économie et le social est telle que la politique perd ses repères. Que faire? Comment agir dans une société qui se cherche et où le mimétisme imposé par l'hégémonie médiatique de l'opulence occidentale bafoue les valeurs et altère l'immunité des comportements contre l'aliénation? Cela d'autant plus que cette même société ne veut nullement, ou pour le moins clairement, s'engager dans des ruptures fondamentales pour se créer de nouveaux horizons de liberté, de justice et d'émancipation. Dilemmes opposés pour le militantisme et pour l'opportunisme : les discours se ressemblent sans que les conclusions convergent. L'exploitation des masses continue et leur esclavage se maintient par différentes méthodes, modernes dans leurs formes mais ancestrales dans leurs buts. L'essoufflement des modèles actuels et des replâtrages conjoncturels augurent des crises nouvelles de plus en plus déchirantes et de plus en plus dures à résorber. La solution qui paraissait la plus improbable, voire la plus radicale, devient suite au «laisser aller, laisser faire» la plus urgente et la plus adéquate à défaut d'avoir maintenu l'effort de la réforme et sa promotion. L'éclatement des structures qui accompagne l'évolution de la société prédatrice et non égalitaire menace l'ensemble de l'édifice dans sa stabilité. Comme l'ivrogne dont les rouges bajoues font croire à une bonne santé alors qu'il est miné par la cirrhose et autres maladies. Pour les Marocaines et les Marocains, il est plus que temps de s'engager résolument dans l'édification d'une véritable démocratie participative pour éviter l'exagération d'une fragmentation sociale et spatiale déjà patente depuis le protectorat et dont les politiques publiques menées depuis l'indépendance n'arrivent pas à résorber les mécanismes. Pessimisme de la réflexion et optimisme de la volonté, pour la promotion d'un développement durable au Maroc et ailleurs.