directeur artistique du festival Fès Jazz (2) Natif d'Oudja, le chanteur poète à la carrière prolifique, protéiforme et originale, Jean-Claude Cintas se définit avant tout comme «un Andalou d'origine, un Français d'adoption et un Marocain de cœur». Al Bayane : On a entendu dire que vous préparez une série de 5 films sur le jazz à Fès sous le thème: «Laisse brûler le jazz», où en êtes-vous avec ce projet ? Jean-Claude Cintas : Avec le réalisateur Jean-Pierre Zirn, le tournage est en cours de finalisation, et fin septembre, nous serons dans la médina pour tourner les dernières scènes. Je suis émerveillé par Fès, j'y ai fait de beaux festivals, j'y ai écrit beaucoup de textes, fais beaucoup de photos, de belles rencontres... tout cela je souhaitais le rendre à Fès au travers du jazz. Alors le concept «Laisse brûler le jazz... dans la médina de Fès» est né. Dans cette série, 5 thèmes seront développés à partir d'un chant poème que je lirai en voix off associés à des images de la vie, l'artisanat et les monuments historiques de la Médina et illustrer par des interventions musicales de grands artistes de jazz qui s'y sont produits. Ces thèmes sont la féminité, le métissage, la spiritualité, le voyage et la vie populaire. Par exemple pour le thème de la féminité, des artistes telles que Rhoda Scott, MônicaPassos et Tangora viendront musicalement l'illustrer. Que du lourd ! Ce projet sera prochainement publié sous forme d'un coffret accompagné d'un livre avec les chants poèmes, des photographies de la Médina, ainsi qu'un double DVD, avec la série des 5 films. Je souhaite que cette série de films, soit diffusée sur les TV marocaines et j'espère faire en sorte que cela se fasse. Je reste ouvert à toute proposition. Pourquoi avoir choisi Fès? Et que vous inspire cette ville? J'ai rencontré Fès, il y a 17 ans aux balbutiements d'un festival qui est devenu incontournable, le Festival des Musiques Sacrées du Monde de Fès. J'ai participé gracieusement, avec mon cousin feu Yves Cintas, à la réalisation des premiers sites web du festival. On connaît depuis la dimension extraordinaire qu'a prise ce festival, institution de la musique sacrée dans le monde. J'ai, depuis lors, plusieurs fois participé à ce festival en tant qu'invité et même comme je l'indiquais ci-dessus, par mes chants poèmes en 2009 avec «Petit carnet chant poétiques en confluences». Alors pourquoi Fès ? Fès m'a rattrapé lorsque l'éminent Mohamed Kabbaj, président de La Fondation Esprit de Fès, m'a demandé de prendre la Direction artistique du Fès jazz in Riad Festival en 2009. Pendant de longues années, j'avais traversé Fès, vécu à Fès périodiquement, photographié la Médina, rencontré des Fassis, vécu avec eux et là on me demandait d'y apporter ma contribution culturelle et artistique. J'ai accepté de m'inscrire dans ce projet car, par le biais de La Fondation Esprit de Fès, la culture est l'outil de partage entre les hommes et cela est indissociable de ma façon de vivre le monde. Fès la mythique, Fès la mystique, Fès l'andalouse, Fès également la jazzy, cette cité impériale, patrimoine mondial de l'humanité, capitale spirituelle et culturelle du Maroc, je dirai même la Florence du Maghreb, m'a toujours passionné. Hier comme aujourd'hui, tradition, modernité, diversité s'allient sur cette terre fassie de l'admirable architecture arabo-andalouse, espace de beauté et de liberté, ouvert au ciel et au monde, au sacré et au profane, à la création et à l'improvisation artistique. Parlez-nous de vos projets artistiques à venir au Maroc ? Mon prochain projet artistique au Maroc sera un hommage à Fès par un bel ouvrage d'art composé de chants poèmes et de photographies d'un des plus beaux palais fassis dont je tairais pour le moment le nom. J'y ai séjourné plusieurs semaines, accompagné de mon appareil photo et de ma plume. «Un lieu qui élève les hommes, élève le monde». 5000 photos, dont je dois maintenant extraire la quintessence artistique. Cela paraîtra prochainement sous la forme d'un beau livre d'art en 2 langues. C'est un lieu entièrement rénové dans le plus pur style traditionnel marocain. Ce lieu très flamboyant comporte des zelliges, des stucs, des plafonds, qui sont de véritables «Dentelles de lumière». C'est envouté et captivé par cette « haute couture » de l'artisanat et de l'architecture arabo-andalouse marocaine, très présente à Fès, que j'ai laissé ma fibre andalouse et mon attachement profond au Maroc s'exprimer. Mais il y a aussi un autre projet qui me tient à cœur et qui est, pour le moment, en sommeil c'est celui de réactiver le Fès Jazz in Riad Festival, lui redonner sa place ! A bon entendeur... Vous êtes natif d'Oujda, que représentent pour vous cette ville en particulier et le Maroc en général ? Oujda, j'y suis né en 1957, dans un Maroc libre, libéré du protectorat français. J'y ai vécu jusqu'à mes 14 ans puis direction la région parisienne. Un choc culturel pour moi. Mes grands-parents andalous, certainement d'origine berbère, ont émigré vers l'Algérie, puis sont passés au Maroc pour pouvoir commercer avec Fès et construire enfin une vie meilleure qui s'est finalement avérée très difficile. Ils ont opté pour la nationalité française et ont construit une ferme au pied du djebel Mahser, un lieu déshérité mais tellement beau, à Oued el Heimer, à 33 km d'Oujda. Ils ont donné naissance à 10 enfants, tous ont des frères ou sœurs de lait marocain car ma grand-mère à chaque grossesse avait un lait maternel très abondant qu'elle partageait. J'ai vécu dans ce village de l'Oriental parmi les marocains et les «gaouris», des Espagnols, Italiens et Français immigrés. Dans cet œcuménisme juif, musulman et chrétien, on mélangeait trois langues, le dialecte marocain, le français et l'espagnol. Tout ce beau monde vivait bien ensemble. Que de souvenirs. C'est pour moi fondateur, ce sont mes racines, y compris mes 2 années au lycée Pierre et Marie Curie d'Oujda... J'aurais tendance à dire que je suis un andalou d'origine, un français d'adoption et un marocain de cœur. Autre scoop : j'ai aussi un projet artistique lié à Oujda. Il aura la forme d'un livre qui sera un hommage épicurien, un hommage à la nourriture que j'y ai savouré pendant toute mon enfance. Je n'en dirai pas plus ! Bio-express Jean-Claude Cintas a publié au Chasseur Abstrait Editeur : «50 chants poèmes », «Anagramme d'asile». Mais aussi participé à de nombreux ouvrages collectifs, en particulier, les Cahiers de la RALM (Revue d'Art et de Littérature, Musique) : «Dire le texte», «Ceci n'est pas une série», «Littérature et homosexualité», «La série à l'index»... Disponibles sur Amazon. Mais aussi en 2012, aux "Editions Comme Unique" a publié plusieurs ouvrages d'art, chant poèmes et photographies : «Lumières de Haute-Egypte» (152 p.), «Fès Jazz in Riad Festival 2009» (80 p.), «Fès Jazz in Riad Festival 2010» (80 p.), «La Cappadoce : Cheminement rupestre» (30x30 - 126 p.), «10 performances chant poétiques : en réaction à» (152 p.), «St Petersburg : Mosaïques célestes» (30x30 - 68 p.), «So beautiful» (18 x18 – 56 p.). A paraître : «Dentelles de lumières fassies», «Le Cantique du poète insoumis - 1000 chant poèmes», «Ma femme est mon plus beau des mecs»...