Lettre de Khouribga Les hasards ( ?) de la programmation ont réuni en une seule journée de la compétition officielle de Khouribga trois films où la condition de la femme africaine réécrit le scénario d'un cinéma porté par les ambitions de témoignage, voire de dénonciation. Virgen Margarida de Licinio Azevedo (Mozambique), Malak de Abdeslam Kelaï (Maroc), Sherifa de Steven Af (Togo) mettent, selon des démarches esthétiques différenciées, au centre de leur récit des figures féminines qui portent l'ensemble de l'enjeu drmatique et lui confèrent une dimension hyperbolique. Très tôt, le cinéma africain dans ses différentes variantes (égyptienne, maghrébine, sénégalaise, malienne...) a fait de la question de la femme le moteur d'un récit qui symbolise la volonté de réappropriation d'une identité à la fois culturelle, sociale voire artistique ...car en racontant la femme, ces cinéastes voulaient broder une métaphore d'un monde qu'il refuse. La femme et l'espace étant constitutif d'une démarche cinématographique qui s'inscrit dans une double quête ; celle de capter un sujet authentique, puisé dans l'africanité culturelle et celle de la réappropriation d'un outil, la caméra, déjà marquée par des codes esthétiques et narratifs du lieu de son émergence et de son développemnt (l'Europe, les Usa...). Des films sont alors à citer sur cette voie. La Noire de... de Sembene Ousmane passant pour l'acte inaugural et je pense au film du cinéaste hommagé lors de cette édition, Finzan de Cheikh Oumar Sissoko qui est un véritable plaidoyer pour une nouvelle émancipation de l'Afrique à travers l'émancipation de la femme. C'est en somme le programme narratif du film qui nous vient du Mozambique, Virgen Margarida de Licinio Azevedo. Ici, c'est un réquisitoire impitoyable livré sans concession aux illusions qui ont nourri les indépendances. Le récit revient à l'année 1975, celle qui a vu les forces révolutionnaires arracher l'indépendance et entamer la lourde tache de construction d'une nouvelle nation, d'un nouveau sujet. Ses slogans sont révisités ici d'une manière quasi tragique pusique il restitue d'une manière pratiquement documentaire la projet, sinistre, de réeducation auquel sont soumises, des «filles de mauvaises vies» ramassées à l'aveuglette dans les rues d'une garnde ville. Le film suit le voyage infernal de cette population doublement victime au fond de la brousse où elles sont amenées à être dirigées par d'autres femmes sur la voie de la récupération pour « la famille et la patrie ». Le film décrit par petites touches, par la succession de scènes tantôt tragiques tantôt tragi-comique, la faillite de ce programme. Un véritable acte de dénonciation d'une période complexe et somme toute fatale pour la suite des événements ; réécrivant l'histoire d'un point de vue réfelexif, : la parabole de la virginité renvoyant au rapport des nations africaines avec l'autre. Cette virginité supposée être issue d'une période révolue (le colonialisme) a été finalement la conséquence d'un viol autochtone. La jeune Margarida a été violée par l'un des sbires du nouveau régime libérateur ! Le film est sobre, quasi-académqiue dans son style, porté par la générosité de ses comédiennes qui se sont appropriées les rôles ; incarnant avec justesse ces femmes qui finiront par forcer le destin à ouvrir une voie vers quelque chose d'autre, en pleine brousse. Le plan final renvoyant comme un clin d'œil fraternel à la scène qui clôt Malak du Marocain Kelaï. Si les filles de Azevedo sont acculées par une force politique violente à quitter leur milieu et finalement à se,rebeller, Malak, la jeune mère célibataire se construit elle –même sa prise de conscience face à l'hypocrisie ambiante et à la violence symbolqiue qui traverse les rapports sociaux. L'attachement à son enfant, conçu hors norme étant un attachement à une innocence encore possible ; à des rapports sociaux différents.