L'ordre national des ingénieurs géomètres topographes tire la sonnette d'alarme sur la situation des topographes. C'était lors d'un point de presse organisé le 22 avril à Casablanca. Cet ordre pointe du doigt le projet de loi 57.12 relatif à l'immatriculation foncière, qui accorde aux techniciens la mission de bornage, ce qui est de leur attribution exclusive, disent les ingénieurs géomètres topographes. Le point avec leur président, Mohamed Chrorou. Al Bayane : Vous avez palé, lors d'un point de presse tenu le 22 avril à Casablanca, d'une pression exercée par le gouvernement. De quoi s'agit-il au juste ? Mohamed Chrorou : La pression dont j'ai parlée lors de la conférence de presse tenue le 22 avril 2013 à Casablanca est celle exercée par les techniciens topographes qui travaillent à l'Agence nationale de la conservation foncière du cadastre et de la cartographie (ANCFCC), qui refusent de faire le bornage sous la direction de l'ingénieur géomètre-topographe (IGT), tel que prévu par la loi 14-07 dans son article 19, qui a accordé à celui-ci la mission de procéder à la délimitation de la propriété foncière, en particulier le bornage. Pour jeter un éclairage sur cette question, je dois rappeler le contexte dans lequel est intervenu le projet de loi 57.12. En effet, l'ANCFCC a établi une première note de service qui précise que toute mise à jour d'un titre foncier est soumise à l'obligation de disposer d'un plan de construction autorisé par la commune. Celui-ci doit être obligatoirement respecté pour toute de mise à jour d'un bien foncier. En l'absence dudit plan, celle-ci ne peut avoir lieu. Or, juridiquement et notamment au regard de l'article 19 de la loi 14.07, ces opérations, dont le bornage, sont entièrement réalisées par l'ingénieur géomètre-topographe (IGT). Conséquence immédiate de cette obligation, toutes les mises à jour se sont trouvées bloquées et, par ordre logique, toutes les transactions relatives aux biens fonciers. Automatiquement, ceci s'est répercuté sur les recettes de l'ANCFCC, qui ont connu une diminution importante. Est-ce que cet état de fait est toujours d'actualité, ou est-ce que l'administration a mis en place d'autres mécanismes qui, tout en veillant à la régularité des opérations de mise à jour, ont permis de donner un coup de pouce pour sortir de l'impasse ? En effet, face à cette situation de crise, et afin de remédier à la situation, la même Agence a émis une deuxième note qui annule dans les faits la première. Cette dernière autorise les mises à jour des titres de biens fonciers, à condition que les intéressés (les particuliers) fournissent une attestation d'un Bureau d'études de béton armé affirmant la stabilité de la construction objet de la mise à jour. Ceci s'est traduit par un engouement sur les mises à jour et, donc, une multiplication des dossiers. C'est dans ce contexte que la loi 14.07 a été adoptée, attribuant exclusivement à l'ingénieur géomètre-topographe la délimitation des biens fonciers. En effet, l'article de cette loi (qui vient compléter le dispositif mis en œuvre par la loi 30.93) a placé l'IGT au cœur de tout le processus de bornage, en en faisant le seul responsable. Le bornage doit être fait par lui ou le faire-faire sous sa direction par d'autres collaborateurs dont les techniciens. Voilà l'esprit et la lettre de la loi en vigueur. Comment s'effectue le bornage ? Les dossiers topographiques de mise à jour nécessitent une sortie sur les lieux pour constater la conformité de ceux-ci au plan établi par l'GT. Ce constat est fait dans un procès verbal signé par l'ingénieur qui établi descriptif rigoureux des limites de la propriété. Cette sortie sur le terrain est appelé bornage dans le jargon de l ANCFCC. Dans ce cas, la mise en circuit de cette 2e note aurait dû décongestionner le traitement des dossiers. Or, vous parlez toujours de pression. Pouvez-vous mieux préciser votre pensée ? Voyez-vous, le refus des techniciens d'effectuer le bornage a pris la loi 14.07 comme prétexte, voire en tant que bouc émissaire, arguant qu'ils ne sont pas habilités à procéder directement au bornage, puisque ceci est réservé aux ingénieurs. En fait, il faut entendre par là sous la responsabilité de l'ingénieur géomètre-topographe public relevant du Cadastre. Avec la 2e note de l'ANCFCC (que j'ai citée précédemment), les dossiers déposés se sont multipliés sous l'effet de la grève des techniciens qui refusent de sortir sur le terrain, agissant ainsi en parfait lobbying sur l'Administration de la conservation foncière. Cette pression a, bien entendu, touché les intérêts des citoyens. D'où l'amendement 57.12 du gouvernement. Quelles sont vos propositions pour résoudre ce problème ? Pour débloquer les dossiers en souffrance et rester dans le cadre de la loi en vigueur, l'ingénieur géomètre-topographe (public et privé par ailleurs) doit continuer à signer le PV descriptif qu'il établit lui-même et sous sa responsabilité. Car, il faut le souligner ici, il est le seul à avoir une assurance RCP (qui est aujourd'hui de 10 millions de dirhams et qu'on voudrait porter à 30 millions). Cet ingénieur, je dois le rappeler ici, est soumis à un double contrôle exercé, d'une part, par l'ordre national des IGT et, d'autre part, par l'administration du Cadastre. Nous estimons que l'IGT doit demeurer le seul responsable des actes de bornage, eu égard à tout ce que je viens de souligner, que ce bornage soit effectué par lui-même ou par des collaborateurs. Avez-vous un appel à lancer ? De par la constitution et la loi, l'ordre National des Ingénieurs Géomètres Topographes participe aux côtés des pouvoirs publics à l'élaboration de toute stratégie nationale porteuse pour généraliser, sans encombres ni défaillances, l'immatriculation foncière. Cette mission s'inscrit - et doit le rester - dans une logique «win win» entre l'Etat et le secteur privé. Dans ce cadre, il est temps que l'Administration établisse un contrat programme avec l'ONIGT pour inciter les ingénieurs géomètres-topographe à contribuer activement et sainement à la généralisation de l'immatriculation foncière dans notre pays.