Cela fait trop pour l'art marocain, de perdre en cette journée du 17 Janvier 2012, deux de ses plus grands artistes. Mohammed Rouicha et Mohamed Sousdi se sont éteints donc. Deux hommes, un destin : porter le chant marocain à la gloire à travers deux expériences exceptionnelles. Né en 1950 à Khenifra, capitale berbère au cœur des fières montagnes de l'Atlas, Rouicha grandit dans une famille modeste. A 11 ans déjà il quitte les bancs de l'école, pour commencer trois ans plus tard à jouer Laoutar pendant des occasions et cérémonies traditionnelles. Avant cela, et pendant qu'il était encore un enfant de 2 ans, une vraie autre pépinière de l'art populaire, à El Hay El Mohammadi à Casablanca, voyait la naissance d'un artiste pas moins illustre. Mohammed Sousdi voit le jour ainsi en 1952. Rouicha l'aura dit à plusieurs reprises, la vraie école, c'est la vie ! Homme discret et humble, il n'a cessé de surprendre par la grande sagesse qui s'exprimait dans ses paroles, que ce soit dans ses chansons ou dans les rares interviews qu'il lui arrivait d'accorder. Mohammed Sousdi quant à lui incarne avec Lemchaheb, groupe fondé en 1975, un exemple d'espoir pour la jeunesse des années soixante-dix. Un groupe à l'image de cette jeunesse, créatif, audacieux et même révolutionnaire, dans lequel Sousdi scande avec sa voix qui fait vibrer plus que les sentiments de ceux qui l'écoute, sinon les valeurs et principes enfouis au fin fond de chaque marocain libre et authentique. Authenticité, tel est le mot qui puisse justement le mieux représenter Mohammed Rouicha. Qui d'entre nous en voyant Laoutar ne pense pas à ce grand homme ? Il a adopté cet instrument et en a fait son ultime compagnon. Il créait des chefs-d'œuvre muni de Laoutar seul, ou quelques fois avec un bendir aussi, accompagné d'un groupe de danseuses, Cheikhat comme nous les appelons, avec leurs robes blanches parées de bijoux berbères. Sa voix douce s'accordait à merveille avec les échos des chants de ces dames, nous rappelant les monts dont ils proviennent tous. Ce n'est pas avec des moyens plus développés que Mohamed Sousdi et Lemchaheb se frayèrent un chemin sur la scène artistique marocaine et arabe. Leur percée était pénible. Manque de soutien, harcèlement de la part des autorités à cause des paroles de leurs chansons jugées trop fortes, tout cela leur a bien donné de la peine. Mais c'est également cela qui a forgé un artiste comme Sousdi, courageux et déterminé à faire parvenir sa voix au plus large public, afin d'éveiller les consciences. Si Lemchaheb ont dû malheureusement, et pour diverses raisons, arrêter de produire depuis quelque temps. Rouicha de sa part a presque gardé le meilleur pour la fin. Inass Inass, une dernière merveille du chant berbère, touche incontestablement par ses paroles ceux qui les entendent, sinon par sa mélodie propre au style de son auteur. Enfin, Rouicha a fait un dernier legs à la jeunesse, au cas où celle-ci aurait manqué d'apprécier son art, à travers sa collaboration dans le dernier titre de Hoba-Hoba Spirit, « Atlas Dancefloor ». Une seule chose reste certaine, si ces hommes nous ont quittés, leur art restera là pour nous les rappeler, et surement éternellement ! Youssef Chayban http://www.artisthick.ma L'art ne meurt pas… La famille de la chanson marocaine est en deuil. En une seule journée, celle du 17 janvier 2012, elle a perdu deux de ses plus grands artistes. Les célèbres chanteurs, Mohammed Rouicha et Mohamed Sousdi se sont subitement éteints. Si le premier, Rouicha, auteur, compositeur et chanteur, reste et restera le maestro de la chanson populaire amazighe et arabe, avec sa voix douce et vibrante aux rythmes de son ultime compagnon «Laoutar», le second, Sousdi, pépinière de l'art populaire dans le quartier mythique de Hay Mohammedi avec le groupe Lemchaheb, groupe fondé en 1975, incarne l'espoir des jeunes, l'audace et l'authenticité. Deux ténors appartenant à la même génération, le premier est né en 1950 à Khenifra et le second a vu le jour en 1952 à Casablanca, ont marqué la trajectoire de l'art dans le pays, ont chanté pour éveiller les consciences et ont œuvré pour enrichir le répertoire de la musique. Deux expériences exceptionnelles, deux styles uniques dont le point d'intersection s'articule autour des valeurs de la justice et d'amour, souvent véhiculées à travers des chansons mélodieusement et harmoniquement chantées. Leurs chansons sont des trésors. Des valeurs sûres. Deux sagesses. Deux illustrations de deux parcours riches qui resteront gravés dans les mémoires et dans les annales de la chanson. Ces deux talentueux artistes nous ont quittés en une journée. Mais leurs créations ne mourront jamais. L'art ne meurt pas. B. Amenzou Funérailles des deux artistes à Casablanca et Khénifra Les funérailles des deux grands artistes se sont déroulées mercredi à Casablanca, pour feu Sousdi, et à Khénifra, pour feu Rouicha. Deux funérailles en une seule journée et dans deux villes éloignées l'une de l'autre, ce qui a privé un grand nombre d'artistes et d'intellectuels d'assister aux deux obsèques en même temps. Le ministre de la culture, Mohamed Amine Sbihi s'est rendu à Khénifra alors qu'une autre délégation du ministère était à Casablanca. A signaler également qu'une forte délégation du parti du progrès et du socialisme (PPS) était présente aux funérailles de feu Sousdi à Casablanca. Nous y reviendrons dans nos éditions de demain. Mohamed Rouicha tire son ultime révérence Le célèbre chanteur populaire marocain Mohamed Rouicha est décédé, mardi à Khénifra, à l'âge de 62 ans, des suites d'une longue maladie, apprend-on auprès de son entourage. Grand spécialiste de Laoutar, artiste accompli de renommée, interprète fin et raffiné de chants amazigh et arabe, Mohamed Houari, alias Rouicha, un surnom qui veut dire +fusion+, est né en 1950 à Khénifra où il n'a fait qu'un bref passage par l'école qu'il a quittée à l'âge de 11 ans. L'homme, qui a marqué de son empreinte la musique populaire marocaine, n'allait pas tarder à céder au chant des sirènes: sa passion pour la chanson et Laoutar, avec ses airs festifs et son timbre pénétrant. Le défunt a rendu l'âme auprès des siens, alors qu'il se rétablissait encore après une brève hospitalisation à l'hôpital Cheikh Zayed de Rabat, où il a été admis pour des soins intensifs. Dans un entretien par téléphone à la MAP, il y a une semaine, cet artiste hors pair adressait encore ses remerciements et sa profonde reconnaissance à tous ses fans qui lui ont témoigné amour et soutien. “Mes débuts avec l'art et la musique remontent aux années soixante (plus précisément l'année 1964). J'ai commencé comme amateur à la RTM dans la division amazigh et arabe. Il aura fallu attendre l'année 1979 pour être confirmé comme musicien professionnel. L'art, et la musique plus particulièrement, est un métier stressant. Mais c'est une responsabilité qu'il faut assumer”, disait-il dans un entretien à la presse. L'année 1964 marque la date de l'enregistrement de sa première chanson, se souvient Driss El Kaïfi, un ami proche et spécialiste de la musique amazigh qui passe en revue les étapes marquantes du parcours artistique de Rouicha. Son talent fut révélé très tôt alors qu'il était un élève brillant. Le doyen de la musique amazigh Hamou El Yazid, lui avait d'ailleurs prédit un avenir prometteur. Et c'est donc à travers cette maîtrise de la fusion entre plusieurs répertoires que Rouicha parvient à asseoir sa propre école. Humble et ouvert, Mohamed Rouicha a réussi à explorer des Œuvres de plusieurs chercheurs et intellectuels dans le patrimoine de musique et de poésie amazighes. Rouicha a visiblement préféré tirer sa révérence ultime avant une soirée-hommage en son honneur et en celui du maestro incontesté de la danse populaire Ahidous Moha Oulhocine Achibane, un autre monstre de la culture amazighe, organisé par la Société nationale de radiodiffusion et e télévision et le Théâtre national Mohammed V. Chanteur et parolier prolifique ayant alterné arabe et amazighe avec égal bonheur et qui s'est produit sur plusieurs scènes au Maroc comme à l'étranger, il laisse à la postérité quatre enfants (deux garçons et deux filles) et des dizaines de tubes. Les mélomanes de différentes générations n'oublieront pas de sitôt les airs envoutants de ses chansons porteuses de la majesté du cèdre et de la grandeur du Moyen-Atlas, comme “Chhal men Lila”, “Ya majmaa Al mouminine”, “Qulou lammimti” ou encore sa dernière perle où il a déployé toute son maestria “Inas, Inas”. Ses funérailles ont eu lieu mercredi après la prière d'Addohr dans la ville qui l'a vu naître, grandir et mourir. Houcine Maimouni Mohamed Sousdi, la voie chaude de Lamchaheb L'artiste marocain Mohamed Sousdi, le parolier à la voix chaude du groupe mythique “Lamchaheb”, s'est éteint, lundi soir à l'hôpital Mohammed V de Casablanca à l'âge de 60 ans, apprend-on auprès de ses connaissances. Sousdi, un des éminents membres du groupe du quartier des Roches Noires (Casablanca), qui a connu son âge d'or dans les années 70, s'était rendu lui-même, la veille à l'hôpital, pour “ des gênes respiratoires “ où il est décédé, a déclaré à la MAP, Mohamed Bakhti, compagnon de route du défunt au sein de Lemchaheb. Le défunt, qui a laissé derrière lui une épouse et cinq enfants dont deux filles, sera inhumé mercredi après la prière d'Addohr au cimetière Achouhada. “C'est une perte monumentale pour la chanson marocaine et la scène artistique nationale dans son ensemble”, a confié à la MAP, la voix entrecoupée de sanglots, Ahmed Roudani, de la troupe Tagadda. Tout jeune, Sousdi, un fan invétéré de la chanson hindoue, avait remporté le prix de la meilleure voix pour son interprétation de la chanson légendaire “Dosti” lors d'un concours télévisuel en 1969. Il a rejoint, par la suite, le théâtre Taieb Seddiki, une pépinière d'artistes des années fastes de la création artistique, où il allait incarner plusieurs rôles jusqu'en 1972. Le défunt était l'un des fondateurs, en 1973, de la formation musicale Lamchaheb avec notamment les Lamrani Moulay Chrif, Mbarek Chadli, Mohamed Batma, Saïda Beirouk et Hamdou. Durant plus de trente ans, cette troupe, qui avait opté pour un goût prononcé pour les musiques occidentales, a enflammé les foules des jeunes avides d'ouverture en introduisant des instruments électriques modernes, réussissant avec brio un mélange culturel instrumental, en “électrifiant” des morceaux de leur répertoire associés aux rythmes et sonorités du bendir, jetant ainsi les jalons d'une sorte de pop-music à la marocaine. Le riche répertoire des enfants de Roches Noires a engrangé les succès et continue encore à confirmer à chacune des sorties et des concerts plein d'énergie, la gloire que le groupe a accumulée au fil des années. Lemchahab s'était forgé une place au soleil sur la scène musicale marocaine aux côtés des Nass El Ghiwane et Jil Jilala, qui avaient déjà conquis les cœurs. Avec ses tubes légendaires comme Khiala, Had ecchi mektoub, Dawini, Meddahou, Ya Chraa et autre Amana, Lemchahab, avec leurs longues robes noires bariolées de flammes rouge et or, une tenue traditionnelle aux couleurs de feu les faisant distinguer des autres groupes, avaient chanté les quêtes de paix et du bien-être, dénoncé la hogra (frustration) et la misère créant à chacun de ses passages une union, une fusion avec le public. Khalid Abouchoukri