D'aucuns croient que Safi ne compte pas parmi les métropoles culturelles de notre pays. Certes, les medias l'évoquent rarement en termes positifs : les contraintes d'un présent imprécis mettent souvent sous le boisseau, une fascinante histoire d'un melting-pot bien de chez nous. Depuis fort longtemps, Safi était considéré comme une Médina ayant toutes les structures idoines comme la garnison, le Maristan, la Grande mosquée pour le prêche du vendredi, des qissarias... En outre, Safi et son hinterland constituent, à mon sens, pour les initiés, un «Little Morrocco» culturel diversifié. Ainsi le substrat de Safi est-il la résultante de plusieurs affluents qui vont être succinctement décrits ci-dessous. L'élément européen Au port de Safi, qui peut à lui seul, raconter l'histoire de la ville, le visiteur sera étonné de constater la terminologie en vigueur chez les marin pécheurs : une suite de mots espagnols sertis d'expressions cosmopolites. Le vieux parler safiot est toujours riche en termes d'origine espagnole. Le même visiteur ne manquera pas de s'émerveiller à la vue majestueux château de mer, chef d'œuvre de l'architecteur militaire lusitanienne du XVème siècle. L'élément sépharade Une communauté juive assez réduite de nos jours mais autre fois fort nombreuse. L'importance de la présence juive, antérieur à l'événement de l'islam, selon certains historiens, de meure palpable dans le mausolée Ouled ben Zmirou avec son moussem annuel et avec les recettes succulentes d'une cuisine fort appréciée. Cette présence commence à être revisitée : travaux de l'historien Brahim kredya, ou l'œuvre de fiction du romancier safiot Hassan Riad, intitulée «Parchemins Hébraïques». (Voir les Gens d'ici suivi de « parchemins hébraïques» l'Harmattan- Paris 2006) L'élément subsaharien Les liens de Safi avec les pays du «SOUDAN» (Territoire des Noirs) sont avérés depuis que la ville fut le port de Marrakech, capitale de plusieurs dynasties régnantes au Maroc. Aussi la présence d'une culture Gnaoua avec ses «lilas» et ses rites de désenvoûtement fait partie intégrante de la culture safiote ; cet aspect culturel longtemps snobé, par rapport à un passé lié à l'esclavage, commence à être réinventé par des travaux documentaires ou de fiction. Ces liens sont recréés à la lecture du roman « Maître Samba, le dernier des gnouas» Ed- Asteria -2010 est présenté l'année dernière lors du Maghreb des livres à Paris. L'élément andalou Plusieurs familles originaires d'Andalousie sont venues s'installer, le plus souvent via Fès, à Safi. De nos jours, en sus de la gastronomie réputée, nous sommes redevables à ces familles du legs d'une musique raffinée. Rares, sont les Marocains qui n'ont pas été envoûtés par les «MAWAL» d'un des meilleurs vocalistes en l'occurrence M. Bajeddoub. En outre, les familles andalouses ont largement contribué à l'essor de la poterie et de la céramique de Safi. L'élément amazigh Certes l'arabe dialectal safiot est, un général, celui du littoral atlantique marocain arabophone. Cependant, c'est dans la matrice linguistique que la présence amazighe est la plus «audible». Ainsi, d'après une récente étude de l'universitaire M. Lataoui portant comme titre «Ichtionymie», il ressort que les noms de plusieurs poissons de Safi sont en berbère par exemple «amun» (daurade royale)...Au-delà de cette ligne verte linguistique le même poisson sera en arabe (el farkh). L'élément arabo-musulman Elément essentiel, depuis Ouqba Ibnou Nafie qui, d'après une légende consacrée à foulé les plages de cette mer en la regrettant en tant qu'obstacle l'empêchant de porter le message de l'islam plus loin. Le second personnage est sans doute le Cheikh Mohamed Saleh qui organisa un système d'hostellerie de Safi jusqu'aux lieux saints de l'islam. L'exode prémédité par les Fatimides d'Ifriqia (Tunisie), des tribus arabes (taghriba des Beni H'lal...) a scellé définitivement l'arabisation de la région et de son Chef-lieu Safi. Les plaines de Abda, les quelles étaient une partie de la confédération des Doukkala (les portes de Marrakech et d'Essaouira allant vers Safi portant le même nom «bab doukkala» offrent le parler de ses habitants, matière à des études linguistiques diverses : à titre d'exemple, la bâtisse ou habite quelqu'un de la plaine sera pisé ou en béton armé et portera le vocable khaima (tente) et s'intègrera dan un Douar (cercle) autour d'un feu protecteur symbolique . seraient –ce les traces d'un nomadisme atavique ? Enfin, le coté musical de cet élément demeure vivace avec cette musique qualifiée d'extra-muros : la aïta (appel) que la saga du Caïd Aissa Ben Omar a rendue célèbre avec le personnage de Chikha kharboucha, un laideron au verbe puissant haranguaient les Ouled Zid contre le despotisme du fameux Caïd jusqu'à leur extermination à la Zapata en début des années 20 du siècle précédent : «Aam Errafasa» (l'année de la bousculade) sous les remparts de la ville. Pour la aïta, il est nécessaire de rendre ici hommage à un homme qui a consacré sa vie à la recherche dans ce domaine et dans tout ce qui concerne cette culture populaire, feu Mohammed Bouhmid. (Voir «Il était une fois... Safi» Diwane Edition Safi 2008). En somme, c'est une richesse qui gagne à être connue et reconnue.