Belle et... vraiment bête ? Rarement un roman n'aura fait autant de bruit en France que ce «Belle et bête», de Marcela Iacub, inspiré de sa liaison avec l'ancien patron du FMI, Dominique Strauss Kahn. Rarement, nous serons tombés aussi bas dans l'univers littéraire. Depuis plusieurs jours en France une polémique a vu le jour sur la parution d'un roman pseudo-érotique inspiré d'une relation libertine entre la romancière et DSK. Une grosse polémique médiatique déchire la presse française et l'affaire s'est terminée au tribunal de Paris qui a décidé mardi de ne pas interdire le livre mais de l'assortir d'un encart. L'érotisme est une des grandes tendances de la littérature française pour 2013. Nombre d'éditeurs cherchent depuis des mois des auteurs rompus à un exercice difficile et surfé sur le phénomène «50 nuances de grès» qui s'est écoulé en France cette année à plus de 750.000 exemplaires. Ecrire l'érotisme ne s'improvise pas. Malgré cela, les éditeurs croulent depuis quelque temps sous les manuscrits d'auteurs persuadés de tenir là un chef d'œuvre du genre. Las ! On est encore bien loin des œuvres d'Alfred de Musset qui savait manier le lyrisme avec poésie. Dans Gamiani, on se rappelle encore cette phrase si belle de Musset : «Infernale lubricité ! Je n'avais plus la force de m'ôter de ma place. Ma raison était perdue, mes regards fascinés. Ces transports furibonds, ces voluptés brutales me donnaient le vertige». Ou encore de la magie d'Aragon qui savait comme nul autre pareil traduire la passion et la beauté féminine. Aujourd'hui, mise à part quelques très bons auteurs du genre, on navigue en pleine misère. Revenons à nos «moutons» : dans ce débat autour de «Belle et bête», nous avons d'un côté ceux qui défendent le texte de la romancière, de l'autre ceux qui pourfendent un récit «très mauvais». J'ai lu de nombreux extraits de ce «roman». Une chose est sûre, cette romancière n'est pas spécialement douée pour raconter des scènes érotiques et c'est bien ça le drame ! On a juste envie d'emporter ce livre au Salon de l'agriculture - qui se tient cette semaine à Paris - pour y déambuler dans les allées entre hennissements de chevaux en rut et cochons grouinant de plaisir devant la truie en chaleur. «Tu étais vieux, tu étais gros, tu étais petit et tu étais moche. Tu étais machiste, tu étais vulgaire, tu étais insensible et tu étais mesquin. Tu étais égoïste, tu étais brutal et tu n'avais aucune culture. Et j'ai été folle de toi. Non pas qu'il y ait un rapport de cause à effet entre tes défauts et les sentiments océaniques que j'ai éprouvés. C'est une curieuse coïncidence. Même au temps où ma passion était si fastueuse que j'aurais échangé mon avenir contre une heure dans tes bras je n'ai jamais cessé de te voir tel que tu étais : un porc» (extrait de Belle et bête de Marcela Iacub, paru chez Stock) Dans cette affaire, il y a eu coup médiatique, il fallait défendre un récit complètement bâclé en révélant que le «porc» décrit et jamais nommément cité dans le livre... était DSK ! Ce qui aurait pu apparaitre comme un vulgaire roman pseudo-érotique sera devenu en quelques heures un véritable phénomène dont tout le landernau littéraire parisien parle et là encore c'est moche et minable. Bien des lecteurs auront légitimement le droit de me demander : «Mais pourquoi consacrez vous votre chronique à ce livre ?». Je vous répondrais, chers amis lecteurs, que justement, j'ai choisi de consacrer ma chronique de la semaine à ce bouquin pour dénoncer une dérive qu'on observe depuis quelque temps dans le paysage littéraire français. Cette dérive du témoignage choc à tout prix a atteint ses limites. Que l'édition littéraire soit en difficulté, c'est une évidence. Que l'on soit aussi stupide pour répondre à cette crise du livre en se livrant à de telles dérives, là je dis «non» ! «C'est ma compassion pour les porcs, ces animaux si dénigrés qui a éveillé mon intérêt pour toi. Tu étais le grand persécuté, le bouc émissaire. Je me suis sentie obligée de prendre ta défense pour dire : “Les porcs ont le droit d'être des porcs. Une société qui met ces créatures en prison aux seuls motifs qu'ils ont des goûts propres à leur espèce n'est pas une société libre et juste.» (Extrait de « Belle et bête » de Marcela Iacub) La liberté d'expression si chère en France a des limites et cette ligne jaune a été allègrement franchie cette semaine avec ce roman paru aux Editions Stock, une vieille maison d'édition très réputée. Une belle maison qui, avec ce roman, fait de l'ombre à d'autres qui ne méritaient pas un tel sort ! Promis, la semaine prochaine, on tourne la page ! *Journaliste, éditeur et agent littéraire à Paris Rarement un roman n'aura fait autant de bruit en France que ce «Belle et bête», de Marcela Iacub, inspiré de sa liaison avec l'ancien patron du FMI, Dominique Strauss Kahn. Rarement, nous serons tombés aussi bas dans l'univers littéraire. Depuis plusieurs jours en France une polémique a vu le jour sur la parution d'un roman pseudo-érotique inspiré d'une relation libertine entre la romancière et DSK. Une grosse polémique médiatique déchire la presse française et l'affaire s'est terminée au tribunal de Paris qui a décidé mardi de ne pas interdire le livre mais de l'assortir d'un encart. L'érotisme est une des grandes tendances de la littérature française pour 2013. Nombre d'éditeurs cherchent depuis des mois des auteurs rompus à un exercice difficile et surfé sur le phénomène «50 nuances de grès» qui s'est écoulé en France cette année à plus de 750.000 exemplaires. Ecrire l'érotisme ne s'improvise pas. Malgré cela, les éditeurs croulent depuis quelque temps sous les manuscrits d'auteurs persuadés de tenir là un chef d'œuvre du genre. Las ! On est encore bien loin des œuvres d'Alfred de Musset qui savait manier le lyrisme avec poésie. Dans Gamiani, on se rappelle encore cette phrase si belle de Musset : «Infernale lubricité ! Je n'avais plus la force de m'ôter de ma place. Ma raison était perdue, mes regards fascinés. Ces transports furibonds, ces voluptés brutales me donnaient le vertige». Ou encore de la magie d'Aragon qui savait comme nul autre pareil traduire la passion et la beauté féminine. Aujourd'hui, mise à part quelques très bons auteurs du genre, on navigue en pleine misère. Revenons à nos «moutons» : dans ce débat autour de «Belle et bête», nous avons d'un côté ceux qui défendent le texte de la romancière, de l'autre ceux qui pourfendent un récit «très mauvais». J'ai lu de nombreux extraits de ce «roman». Une chose est sûre, cette romancière n'est pas spécialement douée pour raconter des scènes érotiques et c'est bien ça le drame ! On a juste envie d'emporter ce livre au Salon de l'agriculture - qui se tient cette semaine à Paris - pour y déambuler dans les allées entre hennissements de chevaux en rut et cochons grouinant de plaisir devant la truie en chaleur. «Tu étais vieux, tu étais gros, tu étais petit et tu étais moche. Tu étais machiste, tu étais vulgaire, tu étais insensible et tu étais mesquin. Tu étais égoïste, tu étais brutal et tu n'avais aucune culture. Et j'ai été folle de toi. Non pas qu'il y ait un rapport de cause à effet entre tes défauts et les sentiments océaniques que j'ai éprouvés. C'est une curieuse coïncidence. Même au temps où ma passion était si fastueuse que j'aurais échangé mon avenir contre une heure dans tes bras je n'ai jamais cessé de te voir tel que tu étais : un porc» (extrait de Belle et bête de Marcela Iacub, paru chez Stock) Dans cette affaire, il y a eu coup médiatique, il fallait défendre un récit complètement bâclé en révélant que le «porc» décrit et jamais nommément cité dans le livre... était DSK ! Ce qui aurait pu apparaitre comme un vulgaire roman pseudo-érotique sera devenu en quelques heures un véritable phénomène dont tout le landernau littéraire parisien parle et là encore c'est moche et minable. Bien des lecteurs auront légitimement le droit de me demander : «Mais pourquoi consacrez vous votre chronique à ce livre ?». Je vous répondrais, chers amis lecteurs, que justement, j'ai choisi de consacrer ma chronique de la semaine à ce bouquin pour dénoncer une dérive qu'on observe depuis quelque temps dans le paysage littéraire français. Cette dérive du témoignage choc à tout prix a atteint ses limites. Que l'édition littéraire soit en difficulté, c'est une évidence. Que l'on soit aussi stupide pour répondre à cette crise du livre en se livrant à de telles dérives, là je dis «non» ! «C'est ma compassion pour les porcs, ces animaux si dénigrés qui a éveillé mon intérêt pour toi. Tu étais le grand persécuté, le bouc émissaire. Je me suis sentie obligée de prendre ta défense pour dire : “Les porcs ont le droit d'être des porcs. Une société qui met ces créatures en prison aux seuls motifs qu'ils ont des goûts propres à leur espèce n'est pas une société libre et juste.» (Extrait de « Belle et bête » de Marcela Iacub) La liberté d'expression si chère en France a des limites et cette ligne jaune a été allègrement franchie cette semaine avec ce roman paru aux Editions Stock, une vieille maison d'édition très réputée. Une belle maison qui, avec ce roman, fait de l'ombre à d'autres qui ne méritaient pas un tel sort ! Promis, la semaine prochaine, on tourne la page !