Vers un cinéma d'écriture Le titre pourrait paraitre pompeux pour certains, où carrément prétentieux, mais il est justifié vu la qualité du cinéma qu'on fait actuellement. On se pose des questions à son sujet, car le pays vaut mieux que ces films moyens, individualistes, consentis, acceptés. Certes, ils ont une facture technique respectable ; ils sont fondés sur des scénarios assez ficelés comme on en fait en général, or le cachet artistique original manque lourdement. On se voit à chaque fois devant des longs-métrages ou copiés ou télévisuels ou juste à la limité de l'acceptable pour le public, bien divers, mais généralement habitué à voir des histoires qui lui plaisent et ne le dérangent pas trop. Que des films jouent sur l'audace, la provocation, sur le thème qui sort du sociétal admis collectivement, ne change rien au constat. L'art, la profondeur, l'originalité restent à chercher. On a eu l'occasion d'observer cela lors du dernier festival international du film de Marrakech où les films marocains disons-nous compétitifs, et les autres projetés en avant-première, nous ont laissé sur notre faim. Rien que des films qu'on pourrait ajouter à une filmographie. Pas plus. Oui, des films sont produits. On est arrivé à avoir une certaine cinématographie foisonnante en nombre. Les paris lancés il y a une quinzaine d'années ont été tenus. Ils sont révolus les années où on peinait à réunir une quantité de films afin d'organiser un festival national une année sur deux ou sur trois. Des morceaux d'une réalité palpables mais loin d'honorer les espoirs émis par au moins deux générations de cinéphiles, cinéaste, critiques, intellectuels et professionnels. Car l'impression criante est que ce cinéma a été dévié, a pris un chemin qui ne lui était pas destiné au début. On rêvait d'un cinéma de haute teneur artistique, un cinéma qui illumine la société, qui enrichit l'imaginaire, qui est un miroir et un creuset pour nos problèmes et nos aspirations. Moderne, imaginatif, fédérant. Un cinéma qui force l'admiration des autres nations, et qui nous fait acquérir le statut créatif qui est le notre. Au lieu de cela, les presque vingt-cinq films annuels qui sortent sont juste des films à voir le soir dans les quelques salles rescapées du naufrage, où à la télé après des mois de hauts et bas dans le circuit commercial. Sans plus. Le film qui marque les esprits, qui crée le vrai débat, qui réunit tout le monde, est à inventer. Il y a répétition, et on répète à chaque fois cette réalité et sans s'en lasser. Et ça ne va pas changer avec des films d'une certaine diaspora en mal de reconnaissance en dehors du Maroc, où avec des films qui singent les séries télévisuelles, ou des films faits par des réalisateurs sans vision du monde ni projet innovateur individuel digne d'être assisté. Opter pour un sein nu, une référence politique jugée audacieuse, transgresser le religieux, on veut bien. Mais sans la manière ni la perspicacité dans le maniement, les bobines résonneront dans le creux ! Le cinéma c'est comme l'écriture, on est obligé de le respecter, de le préparer et avoir la connaissance et les outils requis pour le réussir. Sinon il faut passer son chemin. Il n'est pas fait pour les ignares et les personnes avides de célébrité, de bien matériels et autres intérêts de profit. Bien sûr, le sujet concerne le cinéma assisté et subventionné par l'état. Libre à tout un chacun de faire son cinéma avec son argent ! L'état est forcé d'aider le cinéma de qualité, qui participe à l'avancement du pays et de la société dans la voix de la modernité, du progrès, ce qui se réalise par l'art et le culturel. Tanger tient son rendez-vous. Le quatorzième. Des débats seront amorcés ici et là. Des réalisateurs, quelques critiques, des journalistes, des responsables du CCM, des invités, un certain public, tout ce monde passera une semaine de cinéma, certains pour regarder des films d'autres pour le farniente. La peur est que ça ne tombe pas dans la routine, le ressassement des mêmes sujets, des mêmes craintes, des jérémiades de toutes sortes, et essentiellement que ça ne tombe pas dans l'impression que le cinéma marocain est une affaire d'une poignée d'«élus » et de «chanceux», méritant ou non ! Il y a eu l'instauration d'une commission pour penser ce cinéma, la sortie d'un livre blanc ! On attend, mais connaissant ce cinéma pour l'avoir un peu accompagné quelques années, on se permet d'avoir des doutes... car on croit que le cinéma est une affaire d'imagination, de capacité à oser des récits et des histoires fondé une vision et une culture acquises (oui encore une fois !!). Un cinéma qui emprunte les voix de l'écriture. Mais on espère.