Au début, il y a le texte : écrit ou image. A la fin, il y a toujours le texte, mais écrit seulement. Entre ces deux stades limites, il y a tout un processus de création effectif et à la portée qui cherche son contexte créatif en rayonnant en dehors de cette présence tactile de texte. Autrement dit, qu'il continue et qu'il soit pérenne, en influençant, et en inspirant. Pour que la critique permette au texte original d'avoir une autre vie. Toute création se caractérise par cet état de fait. Son objectif ce sont les autres. Et ceux-là ont différentes identités que la critique cherche à attirer et à convaincre par tous les moyens stylistiques disponibles. C'est connu, la critique dirige, évalue, explique, conseille, sasse, éclaire. Et c'est là où l'écriture opère. La différence réside dans le support que la création a choisi au départ. Car le film, court, long ou documentaire ne ressemble pas à la littérature narrative, roman, nouvelle, poème ou pièce de théâtre. L'image n'est pas un texte de création littéraire. De ce fait, la nature de la critique diffère de par son point de départ et non pas sa finalité. Dans les deux cas le résultat obtenu est le texte écrit. Ce qui est impératif d'avoir et sur lequel il faut insister, c'est le texte écrit dans une langue forte, exacte, capable d'accrocher le cœur et l'esprit des lecteurs, ceux qui ont ces identités différents. Ici, on ne manquera pas de remarquer que la plupart de ceux qui s'étaient essayé à la critique en France durant les premiers temps du cinéma étaient des écrivains. Oui, le texte critique littéraire existe depuis belle lurette et a une riche histoire derrière lui. Il a pour objectif d'étudier (élucider) tous les pans de la littérature et non seulement le texte créatif au singulier, roman ou nouvelle... Par contre, le texte critique cinématographique est axé essentiellement sur le film et c'est à travers lui qu'il se fonde et existe et il prend par la suite toute sa splendeur s'il a été fort bien écrit. La forme est la même entre les deux textes. Un texte sur papier, dans un journal ou dans une revue. Mais au fond, ils diffèrent. La critique cinéma cherche l'idée déterminante, forte, inhabituelle qui est donné à voir dans la mise en scène qui est le contenu du film selon le critique cinéaste François Truffaut, l'idée qui met en valeur « l'ambigüité ontologique de la réalité » selon le fondateur de la critique cinéma André Bazin, « ce que les autres arts ne disent pas ». Ce même film, limité dans la durée, qui n'est pas ouvert à trop d'interprétation ni à des lectures diverses. De son côté le texte critique littéraire cherche l'impact général, une plus grande influence, en optant pour la lecture interprétative méthodique, une lecture dans une donnée vaste portée par la richesse inhérente à la langue/langage et qui est sujette à la diversité, les avis de toutes sortes, et les différences. Le roman est un univers clos sur des secrets et des possibilités infinies. Mais les deux domaines ont pour terrain de visualisation l'écrit, à travers la langue qu'il faut dominer et apprivoiser pour pouvoir créer le troisième texte. Comment ? Le film est avant tout une forme, de la technique qu'il faut maîtriser afin de réaliser l'œuvre en image et donner à voir l'idée. Le film ne demande pas de la connaissance préalable pour être « compris» au premier abord, c'est de l'image. Mais passé au deuxième niveau, celui de la «création» à proprement parlé, il devient un texte à déchiffrer, à «critiquer». Là, il diffère de la littérature qui dès le départ ne peut être abordée sans connaissance ni enseignement préalables. Ce sont des lettres, des phrases, des paragraphes, des règles, un langage étalé en style, de l'abstrait. Il est indéniable d'observer cette différence lors de l'écriture. Remarquons que quand un écrivain (de chez nous) écrit sur un film, il tombe fréquemment dans la paraphrase. Celle-ci, la critique cinématographique en a été sauvée, car fondée, instaurée, et a trouvé sa place, grâce à de grandes plumes passionnées et cinéphiles depuis les années vingt du siècle dernier et à l'effort érudit d'universitaires spécialisés il y a une cinquantaine d'années. Le résultat a été ces « théories du cinéma » qui avaient emboîté le pas aux théories littéraires, en y puisant les outils et l'âme mais en y ajoutant tout ce que le cinéma à pu créer : scénarii, cadre, montage, découpage, espace, temps... Tout le monde comprend ce qui se meut dans un «cadre» parce que c'est la «réalité» palpable, mais le film est un récit ayant ses propres règles, une création d'art et d'auteur que la bonne critique rehausse, purifie, pour le mettre à pieds d'égalité avec l'œuvre littéraire. La critique n'a que faire d'un navet. La critique s'est fait à partir de l'œuvre d'art. Le vrai. Ce qui n'est pas le cas de la critique littéraire. On n'a pas de navet en littérature. Certes il y a la littérature populaire, de gare, sentimentale, pornographies, d'action. Mais ça ne se fait jamais dans le non respect de la langue et des «règles» du récit. Alors qu'un film peut être n'importe quoi sauf un film digne de ce nom ! Il lui suffit de « montrer » comme le cas de certains de nos « films » marocains. C'est là où le littéraire marque un pas de taille. C'est l'écriture qui détermine Et les deux types de critique sont de l'écriture. Il ne suffit pas de connaitre les théories, ni toute une armada de connaissance dans le domaine des sciences humaines pour arriver à écrire un texte singulier, solide et inventif. Comme il ne suffit guère de lire un grand nombre d'œuvres littéraires universelles ou voir le plus possible de films. Ce qu'il faut c'est cette alchimie nécessaire qui transforme cela en écriture. Transforme l'impact senti après la lecture, après la vision, en phrases qui donnent à voir/ sentir les réactions intérieures, ce que le cœur à perçu, ce que l'intellect à saisi. Pour résumer, écrire un texte qui se singularise par la langue usité, le style adopté, l'approche choisie, et où l'égo et l'autre sont appelés à s'influencer mutuellement, obligatoirement, comme cela arrive dans toute acte de création. La critique c'est l'écriture rien de plus. Pour s'en convaincre on peut toujours lire par exemple les textes du fameux écrivain et maitre Jorge Luis Borgès des débuts quand il était critique de cinéma !