Les citoyens découvrent, trois semaines seulement après l'arrivée au pouvoir du gouvernement du Parti Populaire, une série de contradictions qui couvent dans l'Espagne en crise. Il est difficile d'admettre en ces moments difficiles la mise en pratique d'une batterie de mesures drastiques affectant l'ensemble du secteur public au moment où les Présidents Directeurs Généraux d'anciennes Caisses d'Epargne (publiques) converties en entités bancaires privées jouissent des salaires parfois 22 fois supérieurs à celui du président du gouvernement. Il est aussi scandaleux de se permettre des plans de pension qui garantiraient à ces PDG des pensions annuelles de 500.000 euros alors que plusieurs millions de citoyens ont accès à une pension non complémentaire qui est 50% inférieure au Salaire Minimum Interprofessionnel. Paradoxalement, le gouvernement conservateur dirigé par Mariano Rajoy ne cesse de surprendre la société par un rosaire de mesures qui amenuisent le pouvoir d'achat des classes vulnérables, hypothèquent l'avenir des jeunes générations et torpillent l'Etat du bien-être. L'exécutif justifie sa politique d'austérité par la nécessité de ramener le déficit public à 4,4% du Produit Intérieur Brut (PIB). Initialement, le gouvernement comptait épargner 16,5 milliards d'euros grâce aux coupes budgétaires pour éponger le déficit en 2011. Ensuite, il avait annoncé de récupérer huit milliards d'euros grâce à la lutte contre la fraude fiscale avant de laisser entendre qu'il avait hérité des socialistes un déficit de 50 milliards d'euros. Cependant, l'Espagne vient de découvrir qu'elle devra faire face à un rajustement de l'ordre de quarante milliards d'euros en 2012 pour accomplir l'objectif du déficit établi, un chiffre qui est supérieur de 42,8% du montant des rajustements assumés entre 2010 et 2011. Cette mauvaise nouvelle a été rendue publique, lundi, par l'agence de notation certifiée Moody's, qui considère nécessaires de recourir à davantage de mesures d'austérité afin de remettre les finances publiques sur un parcours durable. «Accomplir avec un tel rajustement dans un contexte de ralentissement de la croissance économique suppose le risque d'aggraver la négative perspective économique», signale l'agence dans un communiqué après avoir pris connaissance de la déviation de l'objectif de déficit annoncée par le gouvernement de Madrid. Autre mauvaise nouvelle signalée par Moody's est relative à la baisse du PIB qui se réduira de 0,5% à 1% en 2012, contre un taux de croissance positif de 0,7% en 2011. D'autant plus, cette situation pourrait s'aggraver à cause de l'impact négatif qu'aura sur cet effort de consolidation, la crise de la dette de l'ensemble de la zone euro, met en garde l'agence de notation. Selon Moody´s, le fait que le gouvernement espagnol parle d'un déficit en 2011 de 8% ceci signifie une déviation de 22 milliards d'euros par rapport à l'objectif de 6% prévu, une donnée « négative pour le profit de crédit ». Bien que la société commence à ressentir les effets négatifs des premières mesures déjà prises par le gouvernement, Moody's estime que «la rapidité de la mise en application des actions du gouvernement, reflètent son engagement à l'égard de la consolidation fiscale». Toutefois, l'agence de notation écarte tout effet immédiat de l'annonce par le gouvernement des recettes de l'ordre de huit milliards d'euros additionnels à travers la lutte contre la fraude fiscale. Ces recettes sont «notablement difficiles de quantifier et de récupérer». Ce constat a coïncidé, lundi, avec la publication des émoluments des PDG de caisses d'épargne qui ont été fusionnées grâce à l'injection de plusieurs dizaines de milliards d'euros par le trésor public à base d'impôts versés par les citoyens. La lecture du ranking des PGD de ces entités financières révèle des salaires annuels allant de 456.000 euros à 2,3 millions d'euros. Il s'agit des patrons des sept ex-caisses d'épargne (publiques) dont les opérations de fusion ont été financées par le Fonds de Restructuration Ordonnée Bancaire (FROP) qui ont touché un montant global de 70 millions d'euros en 2011. C'est le cas de Rodrigo Rato, actuel PDG de Bankia (ex- Caja de Madrid) et ancien vice-président du gouvernement d'Aznar, qui a empoché plus de 2,3 millions d'euros. Il a également bénéficié d'un apport de 500.000 euros qui lui ont été versés à son plan de pensions. En cas de départ, il recevra également une indemnité égale à 2,8 millions d'euros. D'autres hauts responsables de Bankia ont des salaires annuels de plus d'un million d'euros., Le salaire du PDG de la banque catalane Catalunya Caixa a été de 1,5 millions d'euros en 2011. Cette banque avait bénéficié d'un soutien de trois milliards d'euros. Compte tenu de ces salaires pharamineux, le gouvernement a exigé de la Banque centrale d'Espagne d'établir un rapport détaillé sur la justification des salaires, frais de déplacements et indemnités versés aux directeurs des banques qui ont été assistées par l'Etat pour assainir leurs comptes et réussir le processus de fusion avec d'autres entités financières. A la grande surprise des analystes et experts financiers, le gouvernement a, d'autre part, décidé de porter à 100 milliards d'euros le montant maximum que pourra accorder à la nouvelle dette qu'émettent les entités bancaires espagnoles en 2012. Ce volume représente près de 10% du PIB. Cet aval a pour objectif de donner confiance aux investisseurs sur le système financier. En cas de banqueroute d'une banque, l'Etat assumera ses obligations. Ceci intervient suite à la situation des banques espagnoles en 2011 qui devaient faire face à plus de 90 milliards d'euros non récupérés faute de dévolution de prêts. L'Espagne découvre ainsi les nouvelles facettes de la crise mais aussi l'arrogance du système bancaire qui dorlote ses dirigeants avec des salaires et primes astronomiques mais n'hésite pas à recourir à l'assistance publique pour esquiver la faillite.