La sévère dégradation par l'agence de notation Moody's de la note souveraine du Portugal, en la reléguant au niveau des investissements spéculatifs, a porté un coup dur au pays, pourtant engagé dans un exigeant et ambitieux programme de rigueur et de réformes visant à respecter ses objectifs budgétaires. Par Nadia El Rhzaoui Alors que le pays vient à peine d'entamer la mise en oeuvre du programme d'ajustement exigé par l'Union européenne (UE) et le Fonds monétaire international (FMI) en échange d'une aide de 78 milliards d'euros sur trois ans, l'agence Moody's a fortement dégradé récemment la note à long terme du Portugal, de quatre crans de "Baa1" à "Ba2", la reléguant dans la catégorie des investissements spéculatifs. L'agence de rating américaine qui a assorti sa décision d'une perspective négative, estime que le pays, lourdement endetté, pourrait avoir besoin d'un deuxième plan d'aide après celui conclu en mai avec l'UE et le FMI, avant de pouvoir de nouveau emprunter sur les marchés. Moody's craint que le pays ne parvienne à tenir les engagements pris envers ces institutions en matière de réduction du déficit et de stabilisation de la dette, en raison des défis redoutables auxquels il est confronté notamment au niveau de la réduction des dépenses, de l'augmentation des impôts, de la croissance économique et du soutien au système bancaire. Le Portugal, qui a pu bénéficier fin mai de ses premiers emprunts dans le cadre du plan de renflouement, s'est engagé à mettre en oeuvre un programme de rigueur et de réformes sur trois ans négocié par le précédent gouvernement socialiste, battu lors des élections législatives anticipées du 5 juin. Cette nouvelle cure d'austérité doit permettre au Portugal, troisième pays de la zone euro à faire appel à une aide extérieure après la Grèce et l'Irlande, de ramener son déficit public de 9,1 pc du PIB en 2010 à 5,9 pc cette année, puis à 3 pc en 2013. Dans cette optique, le Premier ministre Pedro Passos Coelho a indiqué que le Portugal devait faire une économie supplémentaire d'un peu plus de deux milliards d'euros pour garantir l'objectif d'un déficit de 5,9 pc du PIB prévu pour cette année. Pour ce faire, le nouveau gouvernement, qui a affirmé à maintes reprises sa volonté d'assainir rapidement les finances publiques du pays, a présenté récemment un programme qui se veut "plus ambitieux" que le plan d'aide international pour respecter les objectifs budgétaires de cette année avec notamment l'anticipation de mesures d'austérité, parmi lesquelles la restructuration des entreprises publiques, l'accélération du programme de privatisations et la création d'une taxe spéciale sur les revenus. Concernant cette dernière décision, le gouvernement de coalition de droite a mis en place un impôt exceptionnel sur les primes de fin d'année, une mesure qui va au-delà des exigences du plan de renflouement et qui devrait rapporter au total quelque 1,025 milliard d'euros, dont 840 millions en 2011. Le Premier ministre portugais a de nouveau annoncé dimanche que son gouvernement va présenter d'ici fin août de nouvelles mesures d'austérité pour remplir les objectifs de réduction de déficit budgétaire pour 2011, précisant que ces mesures sont nécessaires pour combler "un trou d'environ deux milliards d'euros dans les comptes publics".
Afin d'apporter leur soutien aux réformes budgétaires prévues par le plan de sauvetage financier, des experts de l'UE et du FMI se trouvent actuellement au Portugal dans le cadre d'une "mission technique" de deux semaines. La mission de la Commission européenne, de la Banque centrale européenne et du Fonds monétaire international, a pour principal objectif d'apporter un soutien technique aux autorités portugaises pour la mise en oeuvre des réformes structurelles dans le domaine des finances publiques. Le travail des experts internationaux qui devra s'achever le 27 juillet portera notamment sur "les procédures de préparation et exécution du budget de l'Etat" et "le suivi des principaux risques de l'exécution budgétaire". Alors que le gouvernement montre des gages de bonne volonté, l'agence Moody's a de nouveau abaissé la semaine dernière la note sur la dette garantie par l'Etat de quatre banques portugaises, ainsi que la note de la dette de plusieurs entités publiques dans le sillage de la dégradation de la note du Pays. Vendredi dernier, l'agence américaine a de nouveau dégradé la note de sept banques portugaises dont les principales sont reléguées au niveau d'investissement "spéculatif". Parmi les établissements dégradés par Moody's, les quatre principales banques du pays à savoir la banque publique "Caixa geral de depositos" (CGD), BCP, BES et BPI, qui avaient pourtant passé avec succès les tests de résistance menés à l'échelle européenne. Ces banques se sont montrées capables d'absorber une combinaison particulièrement grave de chocs économiques et financiers prévus dans un scénario de crise, avait indiqué la Banque du Portugal, à l'issue de la publication des résultats des "stress tests" menés sur 90 banques européennes. La décision de Moody's de déclasser la note du Portugal avait suscité l'indignation et l'incompréhension de la classe politique portugaise qui a mis en avant la bonne volonté du nouveau gouvernement qui a présenté un plan d'austérité jugé ambitieux pour respecter ses objectifs de réduction de déficit. La dégradation spectaculaire par Moody's de la note du Portugal a également contribué à relancer les craintes d'une contagion d'une crise de la dette au sein de la zone euro et suscité une vive réaction en Europe où les critiques et les commentaires ont témoigné de l'irritation croissante des autorités européennes à l'égard des agences de notation dont l'influence sur les marchés financiers est déterminante. Après la dégradation de la note du Portugal, la banque centrale européenne (BCE) a infligé un camouflet à l'agence Moody's en décidant de continuer à accepter des titres de dette portugaise dans ses échanges avec les banques portugaises. Cette décision revient de facto à ignorer la mise en garde de Moody's sur la solvabilité du Portugal. Le président de la BCE Jean-Claude Trichet a justifié cette décision par le fait que le Portugal a engagé des réformes jugées "appropriées" par les gardiens de l'euro, estimant que le nouveau gouvernement portugais de centre droit est "crédible" dans ses efforts de redressement des finances publiques. "Non seulement le programme de réformes sera appliqué, mais sur les privatisations et sur la hausse des taxes, il va plus loin que ce que demandent l'UE et le FMI", avait déclaré Jean-Claude Trichet dont le geste constitue une petite bouffée d'oxygène pour le Portugal, mais aussi pour la zone euro où la crise de la dette prend un visage menaçant.