Langage silencieux des formes Les cimaises de la galerie Nadira à Rabat (la découverte) expose du 9 au 18 janvier courant les œuvres récentes de l'artiste peintre Mona El Amri. L'errance de cette artiste à travers les traits gestuels demeure le moteur principal qui entraîne ses alphabets iconographiques dans des univers différents et permet ainsi aux regardants de vivre de nombreuses expériences humaines. Ainsi, cette forme lyrique est traitée non seulement comme unité de communication graphique, mais aussi comme élément de signification. C'est cette mutation dans la théorie qui a permis de découvrir l'infinité des lieux ouverts à l'activité du signe, et en particulier le patrimoine intime, par quoi cette artiste a tenté de définir une identité visuelle collective. Les formes qu'il interprète relèvent plus d'une symbolique que d'une sémiotique. Pour Mona El Amri, la démarche plastique relève de la liberté gestuelle loin de tout usage ornemental des motifs peints. Il s'agit d'une scénographie chromatique qui crée une festivité de couleurs et de formes variées et débordantes. L'artiste gère sciemment l'espace de la toile et la soumet à une tension permanente, celle qui anime sa vision artistique assure un équilibre figural. Ici, l'artiste crée un nouveau langage visuel, dynamique et tendu vers l'inconnu. Elle a l'art d'instrumentaliser les formes et les signes pour en faire un langage subjectif qui plonge dans une sphère de spiritualité magique et imprime des émotions indicibles. Le "dit" n'est pas systématiquement utile par nécessité, surtout quand il s'agit de traquer les nobles sentiments humains, de scruter les profondeurs de la création et de graver sur le fabuleux imaginaire. La forme serpentine demeure le principal élément de la structure du trait et sa quintessence. Quant au signe, il est un signal intrinsèquement générateur de la communication énigmatique... Il est temps de puiser sur les traits gestuels surtout à notre ère dotée d'impressions, d'impulsions et de contraintes psychologiques, voire de contradictions, comme alternative de tout discours banal, qui accentue l'enfermement, étouffe les canaux de la communication et accumule nos complexes d'ordre psychique. L'artiste nous invite à 'entendre avec les yeux, au lieu des oreilles, et de lire en silence à travers les sentiments et les affections, au lieu des bouches et des lèvres. Loin de tout tapage et spéculation, l'exposition de Mona permet au récepteur de communiquer, harmonieusement, avec sa nature profonde et de saisir dans la sérénité les traits saillants de son entourage riche de plusieurs significations, en l'occurrence les formes et les archétypes. Hymne lyrique et polyphonique, sa peinture est une véritable aventure visuelle. Une aventure née du passé et qui s'est projetée dans l'avenir. A partir de l'interrogation des formes visuellement insolites, la toile dépasse son contexte identitaire pour d'autres sphères. La forme immigre vers d'autres contrées, suggérant ainsi son universalisme et son ouverture sur d'autres cultures. Sur le plan structurel, chaque forme est dotée d'une dimension expressive autonome. Mona est une artiste hypersensible soucieuse de remonter le temps, de découvrir par passion, comment l'être humain a travers sa vision de la vie, a pu définir des formes interpersonnelles. Ainsi, les formes-signes évoluent et se métamorphosent, en créant une dimension esthétique et en suggérant un langage silencieux des formes.