Enjeux d'ici et de là-bas Jamal Eddine Ryane, Président de la Plate-forme intercontinentale des MRE aux Pays-Bas, est l'un des grands connaisseurs du dossier des Marocains résidant l'étranger (même s'il n'est pas totalement d'accord avec ce qualificatif). Où qu'ils soient, il exigé que ces MRE soient pris en considération non seulement par leur pays d'accueil, mais aussi par leur par leur pays d'origine. Propos La communauté marocaine à l'étranger, avec ses nouvelles générations, doit-elle avoir des représentants politiques dans les pays d'accueil ou se contenter de le faire dans son pays d'origine ? La représentation politique de la troisième génération et des autres générations à venir dans les pays d'accueil serait plus efficace, bien que son apport soit relativement faible actuellement. Déjà, elle commence à donner ses fruits par l'accès même à des postes décision: ministres, secrétaires d'Etat, élus, etc. L'exemple par Rachida Dati, Najat Belkacem, Ahmed Aboutaleb, et autres... Du moment que la dernière génération a intégré le monde de la politique, les autres générations suivront l'exemple et en masse. Force est de se demander quels seraient les dossiers à traiter, concernant leur communauté. Ils résident dans un pays ou ils connaissent parfaitement ses lois et ses droits. En l'occurrence, ils connaissent les ennuis des Marocains du Monde. Mais pour quel type de représentativité à l'égard de leur pays d'origine? En priorité, ils sont et seraient censés œuvrer pour la promotion de la citoyenneté de leur communauté à l'étranger. Ils bénéficient de la naturalisation; donc ils devraient exercer leur citoyenneté complètement. Ainsi, ils pourraient défendre les droits politiques, économiques, sociaux et culturels, dans la langue de leur pays d'accueil. Ils y sont installés et, en définitive, leur apport en la matière est crucial. Mieux donc est de constituer une force d'influence partageant des intérêts communs, en vue de faire pression sur les décideurs des pays d'accueil car ils sont en face d'une panoplie de problèmes freinant leur intégration complète. Quelle est l'attitude des Marocains du monde face à l'islamophobie ambiante dans certains pays d'accueil ? D'abord, depuis les événements du 11 septembre 2001, les MRE (ou la Communauté marocaine à l'étranger, ou les Marocains du Monde... il faut décider le type de nomination), comme d'ailleurs tous les Arabes, doivent montrer le meilleur d'eux-mêmes afin de contrer la montée de l'islamophobie, et par là, la recrudescence du racisme. L'islamisme en constitue le hic majeur. Que ce soit en Europe ou aux Etats-Unis, l'affluence des barbus habillés à l'afghane et exerçant de petits commerces aux portes des mosquées (je donne l'exemple du quartier Astoria à New-York ou nous voyons des crêpes marocaines qui se vendent) accentue les préjugés. Ensuite, nos ressortissants souffrent de l'exclusion aussi bien dans les pays d'accueil que dans leur pays d'origine: Ils sont rarement appelés pour faire part de leur avis parce qu'ils sont arabes, musulmans... Et c'est là où nos politiciens sont appelés à assumer leur entière responsabilité puisqu'ils y sont concernés. Et la femme MRE ? La question de la femme MRE constitue une épine dans le pied et demande beaucoup de réflexion certes, mais aussi des décisions concrètes. C'est la partie immergée de l'iceberg. A titre d'exemple, le divorce. La femme l'obtient dans le pays où elle a son domicile conjugal. Cette décision ne vaut rien mais la procédure de la faire valider par les tribunaux de son pays d'origine reste la plus compliquée ! Sachant qu'il y a des conventions entre son pays d'origine et son pays d'accueil. Elle est souvent victime de préjudices physiques, matériels et moraux. Nous citons les cas de la pension alimentaire des enfants, de la confiscation de ses papiers par son époux ou sa belle famille en cas de décès de l'époux. Mais cette situation prend des dimensions vairées et vertigineuses d'un pays à un autre... Dans les pays du Golfe par exemple, les ennuis sont nombreux et des fois même inhumains. La femme qui part y travailler ne peut le faire que par l'intermédiaire d'un garant (kafil), une sorte de parrainage unique en son genre ! Or, dès son arrivée, son passeport est confisqué par ce «parrain», et combien sont celles qui se sont trouvées impliquées dans des réseaux de mafia de la prostitution ! Pourquoi avez-vous besoin d'une bonne représentation politique dans le pays d'origine ? L'intervention des politiciens des Marocains du Monde serait plus efficace s'ils avaient une représentativité au sein des conseils marocains chargés des MRE, comme la Constitution le leur garantit dans les articles 16, 17 et 18. Et pas seulement ça. Il est temps de faire appel aux nombreuses compétences de la communauté marocaine de l'étranger pour des postes de responsabilité ou des départements ministériels clés... Tout les domaines sont à prendre en considération, notamment, l'économie, le tourisme, le développement humain. Mais la question de la femme doit être l'une des priorités, surtout que le problème des femmes se pose avec acuité dans les pays arabes, et principalement ceux du Golfe. A la différence des autres régions du monde, l'émigration est strictement individuelle. L'arrivée de quelque 100.000 femmes vers la fin du siècle dernier, début de ce siècle, via de louches contrats de travail, empire leur situation. Le mutisme des autorités marocaines ne peut plus être tolérable ! Le devoir appelle à la libération de ces filles, de ces femmes taxée de «filles de joie» de «vendeuses de charmes», du joug des pétrodollars ! Ainsi beaucoup de Marocaines se trouvent victimes de cet attrape-nigaud scellé, vu cette réputation que le Maroc est devenu un champion dans l'exportation et le business du sexe. Autre constat que nos politiciens MRE doivent prendre en considération face au mutisme de l'Etat marocain, c'est l'attitude hostile des pays arabes à l'égard des immigrés qui n'ont pas le droit d'acquérir un bien immobilier. Nous citons les cas de l'Algérie, de la Lybie et de l'Arabie Saoudite. Et ceci est favorisé au nom des considérations diplomatiques entre pays frères. Qu'en est de l'intégration de la 3e génération ? Comme déjà dit, l'intégration de la troisième génération dans le monde politique a marqué un bon point. Elle le sera encore mieux pour les générations à venir, dans leur pays d'accueil, et parallèlement au Maroc. Quels sont les défis qui se posent à vous et qu'il va falloir rapidement relever ? Le premier défi à relever consiste à améliorer la condition socio-économique de la majorité de nos ressortissants, en France, en Belgique, en Espagne, en Italie, aux Pays-Bas... Ils habitent dans des HLM ou dans des faubourgs, quartiers sous-équipés en infrastructures socioculturelles. Il y a juste des annexes administratives. Le logement est l'un des aspects les plus inquiétants. L'habitat est un facteur discriminatoire du moment qu'ils sont enfermés dans des sortes de ghettos ou il n'y a pas de respect de la vie privée, en raison des descentes continuelles de la police. Le rôle des politiciens est de désenclaver ces «zones interdites» afin de bannir cette représentation négative que les Européens se font des immigrés. Or, politiquement, l'Europe se désintéresse et ce sont les leurs qui doivent prendre la relève. Pourtant cette communauté est bien qualifiée pour être mal prise mal prise en considération... On ne doit pas négliger les Marocains qui ont fait preuve de compétences dans les domaines des sciences, de la médecine et de l'ingénierie. Des surdiplômés qui excellent dans leurs disciplines mais qui sont considérés comme du prolétariat intellectuel. En d'autres termes, on leur donne rarement la chance d'accéder à des postes de décision bien qu'ils jouissent d'avantages sociaux plus larges. La question se pose aussi dans l'autre sens : pourquoi le pays d'origine ne fait pas appel aussi à eux? Même si l'Europe se déclare «la gardienne de la démocratie», elle se comporte avec autant de répugnance envers les habitants d'origine maghrébines. Les politiciens MRE sont appelés à s'opposer aux discours creux et sans lendemain de certains décideurs marocains. Ils doivent mettre en œuvre une feuille de route susceptible de changer cette politique qui ne voit dans les ressortissants qu'une source de devise. L'argent devient le commandeur de toute relation. Là, nous avançons encore que la représentation politique de la troisième génération et des générations à venir est indispensable au sein des différents Conseils des MRE et non au Parlement marocain. Pour nos ressortissants établis dans le nouveau continent, ils ont moins d'ennuis certes, mais eux aussi ont leur part de marginalisation quant à l'accès aux postes de décision ! Hormis l'émigration par loterie et qui ne dépasse pas cinq mille personnes, c'est une diaspora issue de la classe moyenne, sinon aisée. Ce qui ne lui épargne guère de subir le mal-être des conduites xénophobes dans des pays défenseurs des droits de l'Homme, à savoir le Canada et les Etats-Unis. Encore une fois, les politiciens MRE doivent prendre des initiatives pour que cette diaspora marocaine soit reconnue par ce qu'elle fait et développe dans les pays d'accueil. Leur devoir leur dicte de faire face à la croisade d'intolérance et de discrimination contre l'Arabe et le musulman. Leur finalité se rattache à revendiquer leurs droits, leur statut de citoyen et la légitimité de leurs spécificités et de leur personnalité. Cette diaspora peut donc être un levier pour le développement de son pays d'accueil ? Sans perdre pour autant leur authenticité, les Marocains du Monde constituent des minorités actives et épousent le mode de vie local. C'est une clé incontournable de la solidarité et de la coopération. Reste que leurs représentants politiques doivent éradiquer leur marginalisation. Les jeunes de la diaspora marocaine représentent un enjeu électoral du moment que tous les partis politiques leur offrent des places éligibles sur les listes des candidats. Mieux vaut en profiter pour apporter un changement notoire dans le regard porté par la société adoptive sur les gens issus de l'immigration marocaine. Sans omettre de faire en sorte que le Maroc intègre sa politique de migrations internationales dans une dynamique de progrès national et de mondialisation et ose mettre en œuvre, avec ses ressortissants, une coopération claire et constante.